Alien 5 Eternity (dernier épisode)
CHAPITRE 29
La lumière du plafonnier faiblit soudainement, clignota plusieurs fois, puis s’éteignit. L’ascenseur ralentit au même instant avant de s’arrêter brusquement. La Reine-Mère crut durant une seconde que sa fuite se terminait là. Elle appuya inutilement sur le clavier de commande. L’électricité revint aussitôt et la cabine reprit son ascension.
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Le "chef de meute" percuta un des panneaux de la porte d’ascenseur avec le haut de son crâne, faisant un joli creux dans la paroi d’acier, déjà bien amochée. Plein de rage, il continua à y mettre de grands coups de tête pour tenter de le désolidariser; puis enfin, épuisé, il s’arrêta de cogner pour laisser la place à l’un de ses congénères qui reprit immédiatement le laborieux effort. Les trois xénomorphes-mutants perdirent un temps précieux mais réussirent finalement à désunir les panneaux et à créer une brèche assez large pour leur permettre de passer.
Le "chef de meute", blessé au bras, ne fut pas le plus rapide. Quand il pénétra à son tour dans la gaine d'ascenseur, ses deux rivaux étaient déjà loin au dessus de lui. Agrippés aux rails de guidage, ils couraient littéralement à la verticale le long du cylindre de métal. Chose qu’il ne pouvait se permettre, vu son état. Son handicap allait pourtant jouer en sa faveur. La perte de sa longue épine dorsale lui permit de passer par un étroit renfoncement confectionné dans la paroi. Il se faufila entre les arceaux de sécurité, attrapa les échelons de secours, et se mit à grimper aussi vite qu’il le pouvait.
L’escouade de policiers-androïdes qui avait attendu bien sagement en retrait que le travail soit terminé, suivit les deux autres xénomorphes-mutants à l’intérieur du conduit d’ascenseur et s’éleva derrière eux en mode sustentation.
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Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur un long couloir qui s'illumina aussitôt. La Reine-Mère perdit quelques précieuses secondes à programmer la redescente de la cabine, puis elle se précipita vers le poste de haut-commandement.
La cabine d’ascenseur se remit en mouvement à la grande surprise des deux xénomorphes-mutants et des policiers-androïdes qui s’étaient élancés à l’intérieur de la gaine et qui, soudain, s’affolèrent face à l’imminence du danger. Il y avait bien ce renfoncement dans la paroi, mais il fallait pouvoir y accéder. Des arceaux de sécurité bloquaient l’accès du conduit d’évacuation d’urgence sur toute sa hauteur, sauf aux niveaux de l’accès aux étages, où, régulièrement, des ouvertures plus larges permettaient de se faufiler et d’atteindre les échelons.
Ayant recu l'ordre de protéger et d'aider les xénomorphes-mutants, les policiers-androïdes les avaient devancés de quelques dizaines de mètres et avaient presque atteint la cabine lorsque celle-ci s'était mise à redescendre. Elle leur tomba très vite dessus. L’un d’entre eux tenta de passer entre deux arceaux pour atteindre le renfoncement et y perdit la moitié du corps. Ses jambes furent coupées net par la paroi d’ascenseur et son torse, d'où pendouillaient désormais des bouts de tuyaux et de câbles crachant des étincelles, resta suspendu à l’échelon de sécurité qu'il avait agrippé. Aucun autre ne réussit à se mettre à temps en sécurité et l'escouade toute entière se retrouva piégée sous le plancher de la cabine d’ascenseur. Les policiers-androïdes tentèrent alors de freiner la cabine en utilisant toute la puissance de leur recto-pulseur. Soutenant le plancher de la cabine sur leurs épaules, ils réussirent à la ralentir assez longtemps pour que les deux xénomorphes-mutants trouvent une échappatoire. Ces derniers bondirent ensemble vers le même endroit. Le passage offrait un accès au conduit d'évacuation d'urgence et la lutte fut inévitable. Elle dura une seconde. Un coup de dard en plein front permit au plus chanceux de se débarrasser de l’autre et de le faire chuter de quelques mètres. Le vainqueur attrapa un échelon et tira son corps à l’intérieur du renfoncement au tout dernier moment. Il échappa de justesse au broyage, mais la cabine lui arracha la moitié de sa plus longue défense dorsale.
Son congénère usa de sa puissante queue préhensile pour se raccrocher aux arceaux de sécurité durant sa chute. Il pensait être assez rapide pour s’en sortir et se laissa tomber d’arceau en arceau jusqu’au passage suivant. Il se jeta tête la première dans l’ouverture, passa les épaules entre les barres d’acier, mais gêné par sa longue épine dorsale, ne put aller plus loin; il se contorsionna alors pour tenter de faire entrer le reste de son corps, puis fut finalement happé par la cabine, trainé, déchiqueté et haché menu contre les arceaux de sécurité.
Un peu plus bas, le "chef de meute" s’arrêta un instant de grimper et de son crâne sans yeux regarda dégringoler les restes ensanglantés du malheureux. Les policiers-androïdes repoussés par la cabine d'ascenseur, passèrent aussitôt après dans un concert de pétarades essoufflées et disparurent dans l’obscurité, inexorablement entrainés vers le fond du conduit.
Quand il arriva enfin au but, le "chef de meute" trouva son dernier rival en travers de son chemin. Accroché aux arceaux d’acier qui sécurisait la conduite d'évacuation d'urgence, celui-ci flairait le panneau d’accès qui le séparait de la Reine-Mère. Les deux xénomorphes-mutants se retrouvèrent pratiquement museau contre museau. Ils se sondèrent un long moment; jaugeant les forces et le courage qu’il leur restait. Il leur manquait à chacun cette longue épine dorsale qui d'habitude protégeait leurs arrières. Les forces semblaient équilibrées.
Tous deux infestés par l’innommable esprit de Foller et tout à fait conscient de l’être... d’être Foller, lui-même... tous deux se savaient de trop. Deux Edward Foller ne pouvaient coexister. Leur égo surdimensionné ne pouvait se satisfaire d'un quelconque partage et l’un d’eux devait forcément y passer.
Le "chef de meute", piégé dans le conduit d'évacuation d'urgence, décida de prendre les choses en main. Il menaça si efficacement son rival de son dard, que ce dernier bondit hors de portée et se retrouva agrippé dans le vide au rail de guidage. La place laissée libre, le "chef de meute" prit le passe-magique dans sa poche ventrale, puis porta la petite boite métallisée à ses lèvres. Il sortit ensuite son long crâne oblong de l'étroit passage, avec prudence; passa les épaules et enfin s'extirpa tout entier du conduit d'évacuation. S'il ne fut pas attaqué par son rival, alors même qu'il était si vulnérable, c'est parce que tous deux croyaient avoir encore besoin du passe magique.
Se retenant aux arceaux d'aciers, le "chef de meute" tendit le cou et se mit à flairer les panneaux de la porte d'ascenseur. L'odeur de la Reine-Mère s'y trouvait et ranima aussitôt le furieux désir qu'il avait d'elle. Il continua à flairer et à sonder les alentours à la recherche de la commande murale qui lui permettrait de l'atteindre... en vain. Désappointé, il tenta sans trop y croire de tirer un des panneaux à lui. Il se pencha légèrement en avant, allongea un bras, puis enfonça ses griffes dans l'entrebaillement pour agripper le métal. Sans succès. Il tendit alors une de ses pattes arrière, exécutant de fait un grand écart, puis la posa sur le rebord du palier en s'y retenant du bout des griffes. La position de son corps lui permit ainsi non pas de tirer, mais de pousser sur le panneau. Il y mit tant de force que sa patte arrière glissa de son support et arracha par hasard le cache métallique qui dissimulait le clavier de commande. Il y eut un temps d'arrêt durant lequel les deux rivaux s'observèrent en chien de faïence. L'approche du dénouement venait de faire monter la tension d'un cran, mais la raison l'emporta une nouvelle fois sur la passion. Ils restèrent tous deux à distance, dans l'attente de l'inévitable combat.
Le "chef de meute" reprit la boite métallisé contenant le passe magique dans une main, puis se pencha pour atteindre le clavier de commande. Un coup de griffe sur l'écran tactile activa ce dernier. Il entra le code d'Ardan de mémoire, ce qui déclencha automatiquement l'éjection de la languette de détection, puis il décolla le bout de chair séché et racorni du fond de la boite pour le poser dessus. Les portes ne s'ouvrirent pas pour autant. Il attendit quelques secondes, surpris de n'obtenir aucun résultat, puis renouvela son code. Une fois, deux fois. Il tapota la phalange putréfiée, appuya dessus, la retourna dans tous les sens, puis de rage, l'éjecta de la languette de détection d'un coup de griffe, l'abandonnant ainsi à son rival. Ce dernier l'attrapa au vol.
Le "chef de meute" tomba dans un grand désarroi. Ce qu'il ne savait pas ou plus précisément, ce dont il n'avait pas encore conscience, c'est de tout ce qu'avait fait Ardan en amont pour lui permettre d'atteindre son but. Un vide absolu emplissait son esprit. Aussi loin qu'il chercha à aller dans sa mémoire, il ne se souvint que du passé proche et de son attirance naturelle pour la Reine-Mère. Comprendre ce qu'il se passait, c'était faire resurgir l'esprit de Foller et plonger au plus profond de sa mémoire génétique, dans son propre inconscient. Il tenta néanmoins de trouver une solution et pensa tout d'abord s'allier à son rival afin de défoncer les panneaux d'acier qui le séparait de sa "proie". La dangerosité et l'intensité de l'exercice le fit hésiter un court instant; assez pour que, soudainement inspiré, une idée lui vienne à l'esprit.
Sans vraiment savoir pourquoi, avec pourtant une part de certitude, il approcha son propre doigt de la languette de détection. Ce qui n'était pas dans le passe magique se trouvait peut-être en lui, pensa-t-il à cet instant. Il arrêta son geste, observa son rival aux aguets derrière lui durant une seconde, puis posa son doigt.
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CHAPITRE N°30
Debout au milieu de la salle de commandement des armées, le général Ayaki jura, un brin d’espoir dans la voix :
- Saloperies de Gaïahels...! Attendez de voir ce qui vous arrive dans la gueule...!
Puis, à l'adresse de ses officiers :
- Foutez-moi ce putain de dôme à terre…!
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De larges pans de diamantine pendouillaient dangereusement sur chaque côté de l'immense rectangle découpé dans la façade du hall par les faisceaux-laser. Dissimulés à leur vue par l'épais brouillard qui tournoyait autour d'eux, l'état de délabrement du dôme et l'imminence de la catastrophe restaient invisibles aux civils. Seuls, le Général Hendricks et Claire Baron en avaient connaissance par le biais des soldats-androïdes. Les quatre points de maintien qui soutenaient encore l'ensemble du dôme étaient hélas à deux doigts de disparaitre, peu à peu fractionnés par le feu des lasers.
La technologue donna l'ordre aux deux bataillons de la rejoindre près du sas où elle se trouvait et de se tenir prêts, pour le premier à attaquer, et pour le second à la suivre.
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Le Général Hendricks estima qu'il était temps de s'effacer pour laisser place aux professionnels. Il retourna auprès de la technologue et donna l'ordre aux premiers rangs du bataillon de se positionner en ordre de bataille à l'intérieur du sas; les autres devant suivre. En bons stratèges, les soldats-androïdes savaient utiliser tout ce qui leur tombait sous la main; et en l’occurrence, se servirent du panneau d’acier qu’ils venaient de découper au laser, comme d’un bouclier. Le commando d'éclaireurs avança de quelques pas hors du sas en se dissimulant derrière; laissant juste assez de place pour que le bataillon puisse aisément évacuer. Ce dernier, protégé pour un temps du feu nourri de l'adversaire par l'épaisseur du panneau d'acier, sortit en trombe en se dispersant à 180° et en arrosant de tous côtés. Divisant de cette manière, l'intensité des tirs laser de l'ennemi, le bataillon minimisa les pertes et réussit à envahir les lieux en quelques secondes.
Le bataillon prit l’ennemi de front et à revers. Ce dernier, caché par petits groupes derrière des cadavres de civils entassés, se trouva vite submergé par les tirs panoramiques incessants et décida d’en finir au corps à corps. À nombre égal, peu d’entre eux allaient pouvoir s’en sortir. Et en effet, les deux infanteries ennemies s’exterminèrent mutuellement; se cisaillant, se trouant et se faisant fondre ou exploser à grands coups de faisceaux-laser. Après moins d’une minute de combat, le calme revint subitement. Seule, une dizaine de soldats-androïdes appartenant au bataillon des Gaïahels survécurent au combat. Ils se mirent immédiatement à inspecter l'amphithéâtre dans ses moindres recoins pour le sécuriser.
Alors que le plus grand danger venait d'être écarté et que la voie semblait désormais libre, le chaos se déchaina sur les civils et leur bataillon restés en retrait dans le hall. Menacés par les éclats de diamantine toujours plus gros qui leur dégringolaient dessus, tous les Gaïahels volontaires se trouvaient en position foetale de sécurité, accroupis le long d'un mur, derrière le rempart que formaient les soldats-androïdes qui leur avaient été affectés. Le Général Hendricks, toujours posté auprès de la technologue, attendait le compte-rendu de ses éclaireurs avec une certaine fébrilité. Il pensait à l'instant prendre les devants sans avoir leur feu vert, lorsqu'un pan de diamantine, invisible dans le brouillard, se détacha et chuta sur le soldat-androïde qui le protégeait, le fracassant en deux. Ils n'avaient plus le choix...!
- Allons...
Le Général Hendricks ne termina pas sa phrase. Le dôme tout entier s'abattit d'un bloc au bas du hall et en recouvra toute la surface. La double-paroi de diamantine explosa comme un feuilleté en touchant le sol et des milliers d'éclats tranchants mitraillèrent les alentours. Des dizaines de Gaïahels furent gravement entaillés et parfois découpés comme du jambon par les lamelles de diamantine. Certains, plus légèrement blessés en apparence, étaient pourtant condamnés à périr car leur combinaison transpercée ou leur visière brisée laissait maintenant passer les gaz. Ceux qui les inhalèrent moururent presque instantanément, submergés par d’affreuses convulsions; les autres devaient déjà sentir l’effet de l’acide sur leur peau.
La débandade fut générale et tous ceux qui le pouvaient se précipitèrent vers le sas pour se mettre à l’abri. Le Général, qu'un éclat avait touché à l’épaule et dont la combinaison était transpercée, s’occupa de protéger la technologue jusqu'à l'entrée du sas en lui faisant un rempart de son corps.
Poussé par les vents puissants qui frappaient la Cité, les brumes de gaz avaient envahi le sas et pénétraient à grandes brassées à l'intérieur de l'amphithéâtre, rendant peu à peu l’atmosphère opaque. La technologue décida de condamner l’entrée afin d'en protéger les survivants. Ce qu'elle vit en se retournant pour déclencher la fermeture du sas lui fit monter les larmes aux yeux. Là, à ces pieds, le corps de la jeune Générale-en-chef gisait en partie écrasé et tailladé sous un amoncellement de ferraille et de diamantine. Elle referma le panneau d'acier sur cette vision d'horreur avec un sentiment de culpabilité qui la fit presque défaillir. Ravalant ses larmes, elle rejoignit le Général Hendricks et le reste des survivants.
Parmi eux, beaucoup de blessés condamnés à plus ou moins long terme par les gaz empoisonnés, montraient déjà des signes de faiblesse et de déséquilibre mental. L’un d’eux s’attaqua soudain à ses voisins, vidant tout son chargeur, soit une trentaine de seringues anesthésiantes, au petit bonheur la chance. Il fut vite maitrisé par ses compagnons.
- Occupez vous des blessés, Général Hendricks…! s’exclama la technologue. Reprenez leur fusil et…
Elle s’interrompit brusquement en voyant le Général qui lui tendait le sien. Elle s’empara de l'arme, puis demanda d’un air inquiet :
Elle s’interrompit brusquement en voyant le Général qui lui tendait le sien. Elle s’empara de l'arme, puis demanda d’un air inquiet :
- Ça ne vas pas…?
- Je suis touché à l’épaule…! Je ne tiendrai plus très longtemps...!
- Canal 2...! Davis...! Prenez les blessés en charge et récupérer leurs armes...! Je reprends le commandement…!
La technologue se tourna vers le Général Hendricks.
- Restez tranquille, Général. Nous allons nous sortir de là... ! Canal 1...! Ne perdez pas courage, mes chers enfants. Nous sommes tout près du but et je peux vous assurer que nous l'atteindrons…! Ils comptaient sur notre frayeur, mais je suis bien certaine que ce sont eux qui ont peur, maintenant…! Alors, continuons d’avancer...! Reformez le bataillon et suivez-moi...! Canal 3...! Premier bataillon en éclaireur...!
- Restez tranquille, Général. Nous allons nous sortir de là... ! Canal 1...! Ne perdez pas courage, mes chers enfants. Nous sommes tout près du but et je peux vous assurer que nous l'atteindrons…! Ils comptaient sur notre frayeur, mais je suis bien certaine que ce sont eux qui ont peur, maintenant…! Alors, continuons d’avancer...! Reformez le bataillon et suivez-moi...! Canal 3...! Premier bataillon en éclaireur...!
Tous les civils Gaïahels non blessés se portèrent volontaires et se regroupèrent derrière la technologue avec une poignée de soldats-androïdes pour les protéger. Ils avancèrent dans un fin brouillard jusqu’à l’endroit où la scène de l’amphithéâtre était censée se trouver. Il ne restait plus à la place qu’un tas de décombres sur lesquels gisaient des carcasses d'androïdes tombés au combat. Ils escaladèrent les débris et se retrouvèrent au pied du rideau anti-feu. Les volets de carbone s’étaient distordus au moment de l’explosion jusqu’à se disjoindre à certains endroits. Les soldats-androïdes se mirent aussitôt au travail et commencèrent à agrandir une des brèches avec leur laser.
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Dans la salle de commandement de l’Armée, le Général Ayaki et ses officiers se posaient ensemble la même question, tout en appréhendant la réponse.
- Donnez-moi des bonnes nouvelles, Commandant…! se lamenta Ayaki.
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Le Commandant Sachs, debout au centre de la salle de contrôle, répondit :
- Notre couvée est dans la zone de survie, mais je n’ai plus aucun policier sur place et plus aucune information…! Pour ce qui est de "La Baronne"... je lui prépare une petite surprise...!
Il surveillait du coin de l'oeil sa petite équipe d’artificiers sur un des écrans holographiques. Ceux-ci se trouvaient dans l’entrepôt à vivres de la zone de survie. Ils s’affairaient autour d’un amoncellement de bouteilles de gaz liquide, sur lesquelles ils fixaient des détonateurs wi-fi. Ils dissimulèrent ensuite leurs dangereuses cargaisons dans de volumineux bidons d’huile préalablement vidés de leur contenu, puis allèrent les cacher par paquets dans les rayonnages de l’entrepôt.
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Dans l’amphithéâtre, les trois éclaireurs finirent de découper le bout de volet anti-feu et deux d'entre eux s’engouffrèrent par l’ouverture pour aller sécuriser les lieux. Les gaz commencèrent aussitôt à envahir les coulisses.
- Général Davis…! Prenez les blessés avec vous et rejoignez nous; je vous laisse un éclaireur pour refermer la brèche et quatre volontaires...!
Claire Baron n’attendit pas le feu vert des deux éclaireurs pour passer de l’autre côté du rideau anti-feu. Elle disparut par l’ouverture à leur suite avec sa troupe.
Le Général Davis les regarda disparaitre un à un en tentant d’évaluer la situation. Il n’eut pas longtemps à réfléchir. Le Général Hendricks s’en prit violemment à un des civils volontaires quand celui-ci s’approcha pour le secourir. Davis n’hésita pas une seconde et tira une seringue anesthésiante sur le Général, lui faisant immédiatement perdre conscience. Il se tourna vers sa petite escouade.
- Evacuez les blessés et n’hésitez pas à les anesthésier au moindre danger…! ordonna-t-il
Puis, désignant l'un des volontaires, il ajouta :
- Aidez-moi à porter le Général...!
- Aidez-moi à porter le Général...!
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Claire Baron et l’avant-garde de la troupe de volontaires Gaïahels traversèrent les coulisses dans la pénombre. Un escadron de soldats-androïdes leur ouvraient la voie, Multi pointés en avant; un autre refermait la marche. Quelques veilleuses tremblotantes éclairaient les coursives et de nombreuses indications fluorescentes signalaient les accès à la zone de survie. La technologue connaissait parfaitement les lieux puisqu'elle en avait elle-même établi les plans. L'entrepôt de vivres était le passage obligé pour atteindre la salle de haut-commandement si elle voulait passer par la zone de survie. Dépourvue de système de surveillance et d'électronique, cette zone lui offrait l'invisibilité dont elle avait besoin pour éviter un affrontement ainsi qu'une perte de temps. Ils atteignirent très vite un accès.
- Davis, dépêchez vous. Nous y sommes…! dit la technologue.
- On est là, juste derrière…!
Des volutes de gaz empoisonné s’étiraient à ras du sol entre les jambes des derniers arrivants. L'éclaireur finissait de ressouder la brèche faite dans le volet anti-feu et les lueurs de son arc à souder éclairaient faiblement les coulisses et les silhouettes éprouvées. La technologue s'empressa de dévisser le volant de verrouillage qui bloquait la porte d'accès à la zone de survie.
- Tout le monde à l’intérieur…! ordonna Claire Baron.
Une patrouille de soldats-androïdes pénétra la première, toutes fonctions en alerte. Suivirent ensuite les volontaires et leur escouade, puis les blessés et leurs gardiens, et enfin l'éclaireur resté en arrière pour sécuriser le volet anti-feu. La technologue referma derrière elle, bloquant de justesse les nappes de gaz empoisonné qui s'étaient glissées dans les coulisses de l’amphithéâtre. Ils s’arrêtèrent tous pour souffler un peu et retrouver leur calme. Claire Baron vérifia la toxicité de l’air environnent, puis les autorisa à ouvrir la visière de leur casque. Ils respirèrent l’air frais et sain de la Cité à plein poumons.
Ils se trouvaient maintenant dans un couloir plongé dans la pénombre, faiblement éclairé de loin en loin par des veilleuses fixées au plafond. Après quelques instants de pause bien méritée, la technologue, plus volontaire que jamais, reprit le commandement de la mission. Poussée par une sainte colère et par l’amour inconditionnel qu’elle portait à la Reine-Mère, elle ne put attendre une seconde de plus.
- Suivez-moi…! ordonna-t-elle.
La troupe s’enfonça alors dans les couloirs sombres de la zone de survie.
CHAPITRE N°31
Lorsque le "chef de meute" posa son doigt sur la languette de détection, les panneaux de la porte d’ascenseur s'écartèrent et un rectangle de lumière se mit à éclairer la scène. Lui et son rival se toisèrent férocement. Ils pensèrent tous deux à s'allier l'un à l'autre, car ni l'un, ni l'autre ne voulait commettre l'erreur de commencer le combat, à cet instant, au risque de laisser la Reine-Mère reprendre le haut-commandement. La priorité était de mettre cette dernière hors d'état de nuire, au plus vite.
Le "chef de meute" décida pourtant de faire le contraire, et ce malgré son handicap. Il se retourna et cracha son venin à la face de son rival pour le provoquer, puis il se mit à siffler et à cliqueter d'un air menaçant comme s'il n'osait véritablement attaquer.
Son adversaire resta un court moment dans l'expectative. Il tenait entre ses griffes le morceau de phalange appartenant à Ardan et le flairait avec insistance. Il regarda vers l'encadrement baigné de lumière, observa ensuite le petit bout de chair desséché d'un air dubitatif, puis soudain ouvrit sa gueule et le goba comme une cacahuète. Il venait d'en comprendre l'inutilité et par là même, le pouvoir qui lui avait été conféré. Il était lui-même le passe-partout. Tout comme l'était le "chef de meute". Rival aujourd'hui... et maitre, demain...! pensa-t-il. D'instinct, il accepta le duel.
Les deux xénomorphes-mutants se trouvaient à peu près à forces égales. Chacun avait sa grande épine dorsale brisée; et pour le "chef de meute", un bras blessé sur six ne constituait qu'un léger désavantage. Chacun avait sa chance. Ils se jaugèrent une dernière fois l'espace d'un instant, puis bondirent ensemble au dessus du vide pour tenter d'atteindre le palier qui leur "tendait les bras". Leurs corps s'entrechoquèrent et se retrouvèrent projetés chacun d'un côté contre l'angle de la paroi. Ils s'y agrippèrent à la force de leurs bras tout en se repoussant l'un, l'autre à grands coups d'épaule. Chaque centimètre gagné était une victoire aussitôt rendue à l'adversaire. Ils en vinrent très vite aux morsures, puis au lancer de queue dardée. Suspendus au dessus du vide, ils se rendirent coup pour coup; se plantant mutuellement les crocs au creux de l'épaule, se donnant de violents coups de tête au risque de se fendre le crâne, se déchirant l'exosquellette de leurs griffes acérées et se battant les flancs de leur queue dardée.
Le "chef de meute" décida pourtant de faire le contraire, et ce malgré son handicap. Il se retourna et cracha son venin à la face de son rival pour le provoquer, puis il se mit à siffler et à cliqueter d'un air menaçant comme s'il n'osait véritablement attaquer.
Son adversaire resta un court moment dans l'expectative. Il tenait entre ses griffes le morceau de phalange appartenant à Ardan et le flairait avec insistance. Il regarda vers l'encadrement baigné de lumière, observa ensuite le petit bout de chair desséché d'un air dubitatif, puis soudain ouvrit sa gueule et le goba comme une cacahuète. Il venait d'en comprendre l'inutilité et par là même, le pouvoir qui lui avait été conféré. Il était lui-même le passe-partout. Tout comme l'était le "chef de meute". Rival aujourd'hui... et maitre, demain...! pensa-t-il. D'instinct, il accepta le duel.
Les deux xénomorphes-mutants se trouvaient à peu près à forces égales. Chacun avait sa grande épine dorsale brisée; et pour le "chef de meute", un bras blessé sur six ne constituait qu'un léger désavantage. Chacun avait sa chance. Ils se jaugèrent une dernière fois l'espace d'un instant, puis bondirent ensemble au dessus du vide pour tenter d'atteindre le palier qui leur "tendait les bras". Leurs corps s'entrechoquèrent et se retrouvèrent projetés chacun d'un côté contre l'angle de la paroi. Ils s'y agrippèrent à la force de leurs bras tout en se repoussant l'un, l'autre à grands coups d'épaule. Chaque centimètre gagné était une victoire aussitôt rendue à l'adversaire. Ils en vinrent très vite aux morsures, puis au lancer de queue dardée. Suspendus au dessus du vide, ils se rendirent coup pour coup; se plantant mutuellement les crocs au creux de l'épaule, se donnant de violents coups de tête au risque de se fendre le crâne, se déchirant l'exosquellette de leurs griffes acérées et se battant les flancs de leur queue dardée.
Se sentant faiblir, le "chef de meute" douta soudainement de l'issue du combat et décida de tenter le tout pour le tout. Il était bien inutile de lutter ainsi à mort au risque de faire disparaitre à jamais cette ultime création, cette ultime renaissance de Foller... cette conscience retrouvée. Son adversaire, s'il en avait été dotée, l'aurait compris à temps lui aussi, mais le destin en décida autrement.
Le "chef de meute" le saisit à bras-le-corps, tendit tous ses muscles et d'un coup, d'un seul, lui faucha les pattes arrière en se jetant dans le vide. Son rival n'eut pas la force de se retenir à la paroi et fut emporté avec lui dans sa chute. Celle-ci ne dura qu'une seconde, mais l'arrêt fut brutal. Se retenant à un arceau de sécurité à l'aide de sa longue et puissante queue dardée, le "chef de meute" fut brutalement stoppé dans sa chute. Il relâcha son étreinte au même instant et ne présenta comme main secourable que son crâne sans yeux, véritable bouclier naturel que les griffes de son rival ne purent agripper. Ce dernier disparut dans les ténèbres de la colonne d'ascenseur.
Le "chef de meute" releva la tête vers le rectangle de lumière qui brillait un peu plus haut dans l'obscurité. Il était seul, désormais. Personne ne se mettrait plus sur son chemin. Personne ne lui prendrait la place qui était la sienne. Personne ne lui prendrait sa reine. Il atteignit le palier en quelques bonds, puis s’élança vers la salle de haut-commandement.
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La Reine-Mère avait tout juste eut le temps de se connecter à l'ordinateur central de haut-commandement. Assise face au pupitre de commande, elle venait d'entrer son code et s'apprêtait à poser le bout de son index sur la languette de détection. La vérification dura une secon de trop. Derrière elle, le "chef de meute" apparut dans l’encadrement de la porte et la voyant, lui bondit dessus. Elle se retourna brusquement, tenta de fuir en se jetant sur un côté, mais ne put échapper aux griffes du xénomorphe-mutant. Ils roulèrent tous deux sur le sol à l’intérieur du poste de haut-commandement.
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CHAPITRE N°32
Le Commandant Sachs ordonna à son équipe d’artificiers de déguerpir au plus vite. La troupe de Gaïahels se trouvaient désormais dans la zone de survie et n'allait pas tarder à atteindre le magasin alimentaire pour tenter de rejoindre le haut-commandement. Pour Claire Baron, c'était l'accès le plus logique pour y arriver au plus vite sans se faire repérer.
- Vous avez dix secondes pour dégager…! Ne laissez rien trainer...!
Le commandant observa le branle-bas-de-combat à travers l’écran holographique. L’un des artificiers, télécommande en main, dirigeait un monte-charge dans une des allées de l’entrepôt à vivres et s’empressa de mettre en place un énorme colis enveloppé dans une toile d’aluminium entre deux stocks de bidons d’huile, avant de déguerpir. Les autres remballèrent leur matériel électronique dans des sacoches et embarquèrent les quelques bouteilles de gaz inutilisés sur un chariot. Ils poussèrent celui-ci jusqu’au sas qu’ils venaient d’emprunter et dont ils avaient laissé les portes ouvertes, puis refermèrent le sas derrière eux.
Le Commandant appela le Général Ayaki :
- Général, vous devez rejoindre les autres...! Nous allons avoir besoin de toutes nos forces civiles pour
affronter ces pourritures...!
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Claire Baron avait le plan de la zone de survie en mémoire et se dirigeait avec sa troupe vers l’entrepôt à vivres d’où elle pouvait atteindre le poste de haut-commandement. Elle avait encore une chance de reprendre la situation en main si elle réussissait à y pénétrer et elle espérait qu’aucun obstacle ne se mettrait à nouveau sur son chemin.
Ils arrivèrent bientôt à un des accès qui donnait sur l’entrepôt. La technologue déverrouilla les portes sécurisées du sas et fit passer deux soldats-androïdes en éclaireurs. Ces derniers avancèrent toutes sondes dehors, balayant les alentours de leurs faisceaux laser, et détectèrent aussitôt le cadavre du dernier grand mâle sauvage, étendu sur le sol dans l’allée principale. Un des éclaireurs s’arrêta à sa hauteur pour le sonder, l’autre continua à passer les allées transversales au crible et tomba soudain sur le monte-charge abandonné. Il décida d’aller y voir d’un peu plus près.
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Le Commandant Sachs compris que les choses se gâtaient quand il vit sur son écran holographique qu'un éclaireur s’approchait du monte-charge en sondant les rangées de colis entreposés autour de lui. Sa dernière escouade de policiers androïdes, à l'affut derrière les rayonnages, attendait un ordre.
- Faites sortir l’escouade…! lança-t-il aussitôt.
Le piège ultime...! Une idée à lui...! Mais il y mettait ses toutes dernières forces...!
Le piège ultime...! Une idée à lui...! Mais il y mettait ses toutes dernières forces...!
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En retrait à l’intérieur du sas de sécurité, la troupe de civils Gaïahels attendaient de pouvoir entrer dans l'entrepôt à vivres. Claire Baron suivait la progression des soldats par l’intermédiaire de son visio-récepteur-rétinien. En apercevant le cadavre du grand mâle xénomorphe étendu au sol, ainsi que ceux des xénomorphes-mutants, la technologue comprit que quelque chose de grave s'était passée au "zoo" et que la Reine-Mère avait pu s'en échapper. Elle était donc peut-être en grand danger et avait certainement besoin de son aide. C’est ce qu’elle espérait le plus, au fond d’elle-même, malgré l’égoïste absurdité de la chose. Elle aurait voulu voler à son secours dans l’instant, mais fut plus sage et décida d’attendre le feu vert de ses éclaireurs partis inspecter l’entrepôt.
Bien lui en prit, car au même instant, les derniers policiers-androïdes commandés par le commandant Sachs surgirent de l'endroit où ils étaient restés cachés. Ils portaient chacun deux à trois bouteilles d’hydrogène liquide entre les bras, connectées à un détonateur. Ils s’envolèrent vers Claire Baron et sa troupe. Leur présence fut immédiatement détectée par les deux éclaireurs de l’infanterie Gaïahelle qui donnèrent l’alerte. La technologue referma aussitôt la porte du sas en s’écriant :
- Couchez-vous…! Bataillon en bouclier...!
Elle recula de quelques pas, s’aplatît sur le sol, puis referma la visière de son casque. Tous firent de même, à l'exception des quelques soldats-androïdes rescapés des bataillons qui restèrent debout et firent une nouvelle fois rempart de leur corps.
Les policiers-androïdes commandés par Sachs s'éparpillèrent tout d'abord pour se protéger des faisceaux-lasers tirés par les deux soldats-androïdes envoyés par la technologue. Ils les contournèrent, puis se regroupèrent en s'agglutinant à la porte du sas. Ils explosèrent alors à l’unisson.
Le souffle de l’explosion désolidarisa de son cadre le lourd panneau d’acier qui fermait le sas et l’expulsa à l’autre bout, fauchant le rempart que formaient les derniers soldats-androïdes comme on fauche un champ de blé. Une boule de feu emplit le couloir et roula sur les corps recroquevillés en léchant les murs. Dans l’entrepôt, l’explosion ne fit pas énormément de dégâts. Le gaz enflammé envahît les allées et mis le feu aux premières rangées de colis avant de s’évanouir.
Claire Baron se releva et essuya la suie qui recouvrait la visière de son casque. Elle vit une partie de sa troupe se relever saine et sauve au milieu de la fumée. Elle s’élança aussitôt.
- Allons-y…! ordonna-t-elle
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Le Commandant Sachs vit les dernières images envoyées par ses policiers se brouiller et disparaitre. Une partie des écrans s’étaient éteints. Plus aucune information ne lui parvenait de la zone de survie. Sur les autres écrans de contrôle, les images de surveillance montraient une cité sombre et vide. Seule, la pouponnière, que le Général Ayaki et son état-major venaient d’investir, affichait un semblant de vie. Les enfants dormaient sagement sous l’œil inquiet de leurs éducateurs, inconscients de tout ce qui arrivait au dehors et alors que des dizaines de bombes étaient dissimulées tout autour d’eux dans les couloirs menant aux salles d’étude et de jeu.
Le Commandant ferma les yeux et posa le bout de ses doigts sur ses tempes. Son plan avait très certainement fonctionné et il ne lui restait plus qu'à conclure. Il laissa passer quelques secondes, puis soudain baissa les mains en s’exclamant :
- Maintenant…!
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Les bouteilles de gaz piégées et cachés entre les stocks d’huile, éclatèrent toutes au même instant dans une énorme boule de feu, projetant des milliers de colis lourds et massifs sur la troupe des civils Gaïahels. Dispersées par l'explosion, les micro-gouttelettes d'huile s'enflammèrent et provoquèrent un immense brasier.
Claire Baron reprit conscience après quelques secondes d’évanouissement sous un monceau de caisses, de bidons et de ballots. Le gaz brûlait encore autour d’elle. Des remous enflammés l’enveloppaient toute entière et venaient lécher la visière de son casque. Elle entendit soudain des bruits sourds au dessus de sa tête, comme si des bidons explosaient. Elle se mit, peu à peu, à paniquer, quand les explosions et la chaleur s’intensifièrent autour d’elle. Elle s’arrêta de respirer, ferma les yeux en croyant qu’elle allait mourir, puis subitement, le feu se résorba.
Les flammes rougeoyantes qui sévissaient dans l’entrepôt éclairaient faiblement l’espace exigu où elle se trouvait prisonnière. De lourds et massifs lots de vivres étaient tombés sur elle. Des bidons de métal l'avaient fort heureusement protégée de l’écrasement, mais elle se retrouvait coincée sous un amas de colis en flammes dont elle ne savait comment s’échapper. Elle retrouva peu à peu ses sens et chercha à sortir de son tombeau de braises.
Elle poussa de tous côtés sur les paquets de vivres qui la compressaient dans l'espoir d'ouvrir une brèche. Tombant sur un ballot de grains, elle décida de le vider de son contenu pour voir ce qui se trouvait derrière. Une idée pertinente mais qui s'avéra stupide. Le grain se déversa par la déchirure qu'elle pratiqua dans la toile de jute; lentement tout d'abord, puis soudain très vite quand elle tira dessus pour l'aggrandir. Si vite, qu'elle se retrouva submergée en un instant des pieds à la tête. Elle ne se noyait pas pour autant puisqu'elle portait casque et combinaison, mais la sensation qu'elle ressentit était la même. Elle comprit, quand le poids des grains se mit à lui comprimer la poitrine, que l'amas de colis suspendus au dessus d'elle était en train de s'effondrer. Celui-ci s’enfonça soudainement d'un côté, l'aplatissant au sol et lui écrasant l’épaule. La douleur et la peur de mourir d'une aussi horrible façon la firent violemment réagir.
La technologue dut se contorsionner pour dégager son épaule, puis elle se mit à ramper en arrière, poussant sur ses coudes et ses genoux, pour échapper à l'écrasement. Elle réussit ainsi à reculer de quelques dizaines de centimètres avant de retomber sur un obstacle. Ses pieds percutèrent un bidon de métal qu'elle tenta aussitôt de repousser. Elle y mit toute sa force, mais ne le fit malheureusement pas bouger d'un millimètre. Elle pria alors pour que ce ne soit pas de l’huile et l'éclata à grands coups de talons. Le métal se plia peu à peu sous ses coups de boutoir, puis finalement toute la cuve se tordit, perdit de son volume et sortit en partie de son carcan.
La technologue sentit la chaleur du brasier extérieur s'engouffrer par les interstices qu'elle venait d'entrouvrir. L'espoir d'échapper à l'écrasement se mêla à la peur de sortir et de risquer à nouveau la mort. Elle n'avait pas d'autre choix de toutes les manières et elle n'hésita pas une seconde. Frappant de toutes ses forces et de ses deux pieds sur le bidon de métal déformé, elle l'éjecta de sa place et réussit à s’extraire du amas de colis, une seconde avant que tout ne s’écroule. Par bonheur, exténuée, elle ne se releva pas tout de suite. Le bidon de métal, empli d'huile surchauffée, percée et perdant de son contenu, roula sur quelques mètres au milieu des flammes et explosa. Une gerbe de feu se propagea tout autour et arrosa la technologue. Le dos de sa combinaison s'enflamma alors instantanément.
Claire Baron, se sachant protégée des brûlures par sa combinaison ignifugée, ne paniqua pas outre-mesure. Elle se remit debout, un peu désorientée, et dut prendre le temps de se resituer dans l'espace. Elle aperçut enfin, là-bas à l'autre bout de l'entrepôt, au travers des flammes, l'accès sécurisé qui menait au poste de haut-commandement. Elle se mit aussitôt à courir, chandelle vivante au milieu de la fournaise, et elle dut zigzaguer entre les colis, ballots et bidons enflammés qui lui barraient le chemin pour l'atteindre. La chaleur extrême qui l'enveloppait rendit son système de refroidissement parfaitement inopérant. Elle crut que sa tête allait exploser lorsqu'elle arriva enfin à la porte. Surmontant la douleur, elle entra son code sur le clavier de commande mural, alors même que les curseurs fondaient sous ses doigts, puis elle posa son index ganté sur la languette de détection.
Dès que la porte s'ouvrit, elle se jeta dans le couloir et se précipita sur un des extincteurs fixés au mur; elle le décrocha, se mit à genoux, se recroquevilla sur elle même, puis se doucha avec, balayant les flammes qui couraient sur le dos de sa combinaison. Elle finit par s’écrouler au sol en se tordant de douleur et resta prostrée quelques secondes avant de réagir à nouveau.
Enfin, elle se remit debout, alla refermer la porte, mais sans la verrouiller, puis elle retira son casque et respira l’air frais à plein poumons. La peau de sa joue droite était gonflée, parsemée de cloques à vif, et son cou, rougi par le feu, la faisait énormément souffrir. Ses épaules, ses flancs, son dos, ses cuisses aussi, qu'elle pensait brûlés jusqu’au sang, lui donnait la douloureuse sensation d'être écorchée vive.
Elle souffla encore quelques secondes pour reprendre des forces et en profita pour vérifier l’état de son fusil anesthésiant. Elle tira sur la bandoulière extensible, retourna l'arme dans tous les sens, mais n'y découvrit qu'un peu de suie sur la crosse; elle le chargea à vide, puis tira pour être certaine de son bon fonctionnement. Rassurée sur ce point, elle se mit à réfléchir à une stratégie adaptée à la situation. Elle n'avait pas imaginé rencontrer tant de difficultés pour s'emparer du haut-commandement et encore moins de devoir affronter les créatures de Foller. Il lui fallait désormais s'attendre à les trouver sur son chemin.
Elle savait qu’elle prenait un gros risque en s’aventurant seule au secours de sa bien-aimée, mais elle savait aussi qu’elle n’avait plus le choix. Elle ne pouvait compter sur l'éventualité qu'il y avait de retrouver des civils survivants, et si ce qu'elle pensait était vrai, chaque seconde était précieuse; le temps était une arme. Plus décidée que jamais, elle déposa son casque au sol, puis se lança à nouveau sur les traces de la Reine-Mère.
Elle atteignit très vite le palier d’ascenseur; s’en rapprocha avec méfiance en apercevant les panneaux de la porte totalement désunis, puis elle jeta un coup d’œil par la brêche ouverte. Elle pénétra ensuite à l'intérieur de la cabine, ouvrit prudemment la trappe du plafond avec le canon de son fusil-anesthésiant et alluma le faisceau lumineux de son fusil. Le reflet mouvant qu'elle aperçut alors dans la pénombre la fit sursauter et elle se jeta en arrière contre les panneaux de la porte d'ascenseur sous l'effet de la surprise. Une intense frayeur la saisit lorsque le crâne sans yeux d'un xénomorphe-mutant apparut dans l'encadrement de la trappe.
Claire Baron ne pouvait savoir que la créature de Foller qu'elle avait en face d'elle était à l'agonie; que celle-ci avait le bassin et les pattes brisés, ainsi que les côtes, fracassées. Piégée dans la cabine et chancelante de terreur, elle s'attendait à mourir dévorer dans la seconde et s'effondra en se recroquevillant sur elle-même. Elle rouvrit les yeux au bout de quelques secondes en sentant le souffle court et irrégulier du xénomorphe-mutant lui chatouiller le front. Elle arma son fusil, puis releva lentement la tête en pointant l'arme vers lui.
Ne pouvant se pencher plus avant, la créature de Foller se contenta de flairer la technologue et de lui souffler son haleine de cafard au nez. Soudain, la reconnaissant ou plus simplement par instinct de survie, le xénomorphe-mutant ouvrit grand sa gueule, découvrit ses longs crocs acérés, puis toutes babines retroussées, projeta sa mâchoire préhensile hors de son gosier. L'immonde organe ne trouva à saisir que le canon du fusil-anesthésiant et avala une salve de seringues pour tout repas. L'effet fut quasi immédiat. Le temps de secouer sa tête deux ou trois fois pour tenter de se débarrasser des seringues anesthésiantes, et il s'écroula. Il souffla une dernière fois, émit un long geignement qui s'évanouit peu à peu, puis se figea, tête et machoires pendantes.
La technologue, tenant toujours le canon de son arme fiché dans la gorge du xénomorphe-mutant, lui remua la tête pour voir s'il réagissait, puis la lui souleva en poussant dessus de toutes ses forces pour tenter de la repousser. Il lui fallut plus d'une minute d'efforts intenses pour dégager l'accès. Elle prit son courage à deux mains, agrippa les rebords de la trappe, puis se souleva à la force de ses bras pour sortir de la cabine. Un réflexe nerveux agita soudainement le corps du xénomorphe-mutant lorsqu'elle le frôla en s'extrayant de la cabine. Pétrifiée de peur, elle resta paralysée un court instant, puis se remit très lentement en mouvement. Elle reprit espoir en apercevant le petit carré de lumière qui luisait là-bas, tout en haut de la colonne d'ascenseur. Une fois sur le toit, elle éclaira les parois, trouva le conduit d'évacuation de secours, puis se faufila à l’intérieur. Elle attrapa un des échelons d’aciers d'une main, se retourna, et de l'autre tira deux seringues anesthésiantes sur la créature de Foller. Elle remit ensuite son fusil en bandoulière avant de repartir vers sa bien-aimée.
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Le "chef de meute" eut un peu plus de mal que prévu à soumettre la Reine-Mère. Il supporta les nombreux coups de pieds et morsures qu'elle lui infligea, durant de longues minutes, avant que celle-ci ne commence à se fatiguer. Les muscles tétanisés par l'effort, la Reine-Mère préféra "plier plutôt que rompre". La résistance qu'elle lui opposait faiblit rapidement et ne fut bientôt plus qu'une résistance de façade. Se débattre à nouveau lui aurait valût quelques violences supplémentaires et une façon de procéder bien moins supportable. Elle céda donc, en apparence, à son prétendant.
Le "chef de meute" crut alors que la Reine-Mère se donnait à lui et qu'il avait les coudées franches. L'écrasant de tout son poids et la maintenant, dos au sol, il se pencha sur elle et lui colla son museau contre le visage. Il le caressa langoureusement du bout de ses babines gluantes, puis il glissa lentement le long du cou de sa prisonnière en reniflant amoureusement le parfum de sa peau délicate. Il découpa ensuite le haut de sa combinaison à l’aide d’une de ses griffes acérées, écarta les pans de tissu et plongea dans son décolleté. Progressant méthodiquement, il se retrouva bientôt tout excité à lui flairer l’entre-jambe. Il y frotta son museau dégoulinant de salive, ouvrit sa gueule et en fit sortir sa terrifiante mâchoire préhensile. Le long bout de cartilage blanchâtre émergea très lentement du fond de sa gorge, transperça le filet de bave qui pendait entre ses crocs scintillants, puis se recourba vers le haut en battant la mesure comme un phallus amoureux.
Il l’avait si longtemps désirée qu'il n'en pouvait plus d'attendre. C'était comme si 75 000 ans d'abstinence, de patience et de frustration se concentraient dans cet intense moment de désir. Le tic nerveux hérité de Foller lui fit soudain trembler et pencher la tête sur le côté droit comme un épileptique. Il se gratta violemment le haut du crâne avec ses griffes pour faire disparaitre la démangeaison qui le tenaillait, soudainement conscient par ce geste, d'être Foller, lui-même... dans toute son intégrité.
Reprenant ses esprits, il ravala son horrible mâchoire préhensile, puis se redressa fièrement, prêt à achever ce qu'il avait commencé. Prêt à s'unir à sa Reine...! Plein d'une farouche détermination, il lui arracha sa combinaison, puis il la mit à nu avant de se coucher sur elle pour la pénétrer.
La Reine-Mère usa de toutes ses forces pour éviter le pire. Elle se raidit et rua dans les brancards lorsqu'elle sentit le sexe musculeux se coller à son entre-jambes. Elle se démena comme une furie pour tenter de renverser son agresseur, tant et si bien que ce dernier relâcha son étreinte à maintes reprises. Pris d'un accès de rage, le "chef de meute" fit tournoyer sa queue dardée dans les airs, puis la projeta sur elle; si violemment que le dard transperça l'épaule de la Reine-Mère et alla se planter dans le sol.
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Claire Baron avait gravi les échelons du conduit d'évacuation d'urgence, quatre à quatre, et se trouvait maintenant à l'applomb du palier d'ascenseur. Elle se faufila entre les arceaux d'acier par l'étroit passage de secours, puis les descendit sur quelques mètres pour être face à l'ouverture. Suspendue au dessus du vide obscur de la colonne d'ascenseur, elle tenta un grand écart des plus improbables. Agrippée, d'une main, à un arceau de sécurité, elle tendit la jambe pour aller poser son pied contre l'angle du mur et du palier, puis elle allongea le bras pour attraper le chambranle de l'autre main. Une fois positionnée, elle ne sut comment faire pour aller plus loin. Le corps plaqué à la paroi, elle lâcha l'arceau de sécurité et se sentit aussitôt en déséquilibre. Un geste de plus, pensa-t-elle, et elle tombait dans le vide. Elle voulut alors reprendre sa position initiale et ce fut un miracle qu'elle puisse se rattraper à l'arceau de sécurité, d'un côté, avant de lâcher prise, de l'autre.
Elle s'en voulut sur l'instant d'avoir été si imprudente et elle pensa alors à utiliser la bandoulière extensible de son fusil-anesthésiant pour la retenir en cas de chute. Elle décrocha la lanière du fusil, la lia à un arceau de sécurité à un bout et se saisit de l'autre en l'enroulant autour de son poignet. S'aidant de la bandoulière extensible, elle se pendit au dessus du vide pour se rapprocher de l'ouverture. Déroulant peu à peu la lanière de caoutchouc de son poignet, le haut de son corps se retrouva bientôt au niveau du palier. Il lui suffit alors de tendre son bras vers l'ouverture, de poser son arme sur le sol, puis de pencher son torse en avant pour avoir une prise. Enfin, le coeur battant la chamade, elle déroula le reste de la bandoulière, puis retira son pied de l'arceau de sécurité. Basculant brusquement à la verticale, le poids de son corps l'entraina en arrière et la força à lâcher le lien qui la retenait à la vie. Elle balança alors son bras pour attraper le bord de la paroi et s'y agrippa de toutes ses forces. Elle puisa ensuite dans le peu d'énergie qui lui restait pour se hisser jusqu'au palier.
Elle récupéra son arme, puis avança prudemment dans le couloir jusqu’au seuil de la salle de haut-commandement. Le cœur de la technologue fit un bond lorsqu'elle découvrit la Reine-Mère, immobilisée, dos au sol, par une des créatures de Foller. Le xénomorphe-mutant, allongé sur le corps dénudé de sa "proie" et trop occupé à y découvrir les voies intimes de l'amour, ne la vit pas pénétrer dans la pièce. Claire Baron avança encore de quelques pas pour trouver un angle d'attaque propice à un tir de seringues anesthésiantes. Son fusil pointé vers le "chef de meute", elle le contourna sur un côté, puis s'arrêta pour viser.
Le visage grimaçant de douleur et de dégoût, la Reine-Mère, tournait la tête de droite à gauche pour éviter les abjects baisers du "chef de meute". Ayant perdu tout espoir de lui échapper, elle crut d'abord à une apparition, lorsqu'elle aperçut la technologue dans son champ de vision; puis à une sorte de miracle, en réalisant que ce n'était pas un rêve. Ce fut, pour elle, un grand soulagement... et pour tout dire... un véritable bonheur de la savoir en vie. Elle n'arrêta pas son regard sur la technologue par peur de dévoiler sa présence et chercha à canaliser l'attention du xénomorphe-mutant sur elle. Cessant soudainement de se débattre, elle se laissa embrasser et se mit à secouer son bassin de haut en bas en gémissant; le poussant ainsi à persévérer dans l'accomplissement de son acte.
Claire Baron, sueur au front, l'oeil sur le viseur de son arme, tira une salve de seringues anesthésiantes dans les flancs du "chef de meute". Un seul des projectiles réussit à en transpercer le cartilage et à injecter son contenu dans le corps du xénomorphe-mutant. Surpris, ce dernier, lâcha sa "proie" et bondit sur un côté, en se retournant pour faire face à l'attaquant. Tête baissée, il sonda la technologue durant quelques secondes avant de la reconnaitre. Claire Baron, la fidèle...! Une vieille rivale qu'il devait éliminer, pensa-t-il. Et définitivement...!
Usant de son crâne ovoïde comme d'un bouclier, le "chef de meute", le corps et l'esprit légèrement engourdis par l'anesthésiant, s'approcha de la technologue en titubant, puis lui bondit dessus. Il n'alla pas bien loin, stoppé dans son élan par son dard qui resta planté dans le sol. Il se mit alors à tirer dessus avec sa queue pour tenter de l'extraire, l'agitant en tous sens et aggravant de fait la profonde blessure infligée à la Reine-Mère. Comprenant que le "chef de meute" s'était piégé lui-même et qu'il ne pouvait l'atteindre, Claire Baron se mit à lui tourner autour en visant les parties du corps les plus vulnérables; tirant à chaque fois que l'occasion se présentait, parfois dans les flancs ou l'abdomen, et le plus souvent à la base de sa puissante queue. Quelques seringues se plantèrent dans l'épaisse peau qui le protégeait, mais sans pénétrer en profondeur. Elles ne diffusèrent leur contenu qu'en surface et laissèrent assez de temps au "chef de meute" pour libérer un contre-poison naturel.
Retrouvant ses esprits, ce dernier retourna auprès de la Reine-Mère et tenta de déloger son dard à la force des bras. Il saisit sa queue de ses six membres supérieurs, posa une patte sur l'épaule ensanglantée de la Reine-Mère pour la maintenir au sol et tira de toutes ses forces. Cette dernière, hurlant de douleur et de rage, réagit instantanément. Libérée de l'étreinte du "chef de meute", elle projeta ses deux pieds contre son bassin tout en lui empoignant le bout de la queue de ses deux mains. La technologue en profita pour vider son chargeur dans les flancs découverts du xénomorphe-mutant, avant de se précipiter vers le pupitre de commande.
Pris entre deux feux et sentant ses forces s'amenuiser, le "chef de meute" décida d'en finir une fois pour toutes. Comme les loups pris au piège, il coupa court à la fatalité, et d'un coup de crocs, se débarrassa de son dard. Il se retourna aussitôt pour bondir vers la technologue et lui tomba dessus à l'instant même où celle-ci posait son index sur la languette de détection. Trop épuisée pour lutter et désormais sans armes, la technologue ne put échapper à sa voracité. L'infame et monstrueux clone de Foller la plaqua au sol, ouvrit son énorme gueule et la frappa au sein de sa terrifiante mâchoire préhensile. Il transperça les côtes de la malheureuse et lui dévora le cœur.
Le "chef de meute" sentit le danger arriver par-derrière lui, une seconde trop tard. Ivre de sang et d'anesthésiants, le museau vautré dans la poitrine éclatée de Claire Baron et festoyant avidement de ce dernier repas, il ne put la détecter à temps. Debout, derrière lui, la Reine-Mère, les bras en l'air, tenait le dard de ses deux mains; elle l'abattit de toute ses forces et le lui planta dans la nuque. Le monstre tomba comme une souche, raide mort, son propre dard planté en travers de la gorge. Ses nerfs réagirent une dernière fois et le firent trembler de la tête aux pieds durant deux à trois secondes. Puis... plus rien.
La Reine-Mère dut soulever et faire rouler son cadavre pour atteindre le corps de Claire Baron. Elle aperçut la plaie béante et rougeoyante que le chef de meute avait laissée sous le sein blanc et pur de la malheureuse, et elle se laissa tomber à genoux, complètement effondrée. Elle écarta délicatement les mèches ensanglantées, roussies par le feu, qui cachaient le visage de la technologue, puis elle la contempla durant un long moment en se désespérant des souffrances que celle-ci avait endurées… pour rien. La pauvre avait les yeux grands ouverts et son regard vide, encore empreint de frayeur, semblait croiser le sien. La Reine-Mère retint un sanglot en se penchant sur elle, ferma les yeux et posa ses lèvres sur les siennes. Ses larmes coulèrent pour se mêler au sang et à la suie qui recouvraient le visage ravagé de la technologue, et quand elle se redressa, cette dernière pleurait avec elle. La Reine-Mère lui referma les yeux du bout des doigts en tentant vainement de retenir ses larmes. Elle resta un long moment à s’attrister sur le sort de sa bien-aimée, sans penser à rien d’autre qu’à cet indicible amour inachevé, secret et passionné, qui les liait depuis leur première rencontre. Elle finit par se relever, écrasée de remords, et retourna s'asseoir au pupitre de commande.
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Dans la salle de contrôle, le Commandant Sachs était plus nerveux que jamais. Il ne le laissa pourtant pas paraitre.
- Inutile de s’affoler tant que nous avons les commandes de la Cité…! Envoyez l'arrière-garde en zone de survie...!
Un des officiers entra l'ordre sur son clavier d'ordinateur et l'envoya au Général Ayaki. La réponse ne se fit pas attendre.
- Le Général refuse...! Il prétend que le nombre de survivants Gaïahels étant inconnu, il ne peut diviser son bataillon pour bloquer les quatre accès à l'entrepôt de vivres sans risquer d'être en sous-effectif.
- Et si nous lui prêtons main forte...?
L'officier envoya la question au Général et attendit quelques secondes avant de répondre.
- Il pense que ce ne sera pas suffisant et propose de leur tendre un piège. D'envoyer deux escadrons kamikazes, d'attendre de connaitre l'accès qu'ils empruntent, puis de les prendre en étau pour les faire exploser. Il préconise l'hydrogène...!
- A-t-il des volontaires...?
- En fait, il pense que nous pourrions le faire...!
Le Commandant en resta coi un court instant.
- Et que comptent-ils faire de leur côté...? Négocier leur vie contre les otages, peut-être...?!
Soudain, les lumières et tous les écrans de surveillance s’éteignirent d’un seul coup, plongeant la salle de contrôle dans l'obscurité la plus totale. Le Commandant Sachs enfila la paire de lunettes à infra-rouge qu'il avait sur le front et l'activa.
- C’est foutu…! Il est temps de déguerpir...! Suivez-moi...! ordonna-t-il.
Tous les agents de surveillance quittèrent leur poste munis de leurs lunettes à infra-rouge et sortirent dans le calme. Ils passèrent un par un sous la barre d’étai qui bloquaient les porte du sas de sécurité et disparurent dans la pénombre de la Cité.
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La Reine-Mère avait reprit le contrôle d’Eterna. Elle s’affairait à son pupitre devant un scanner de la Cité. Le "chef de meute" gisait, mort, à quelques mètres derrière elle, près du corps exsangue de la technologue. Elle surveillait les clones infestés par Foller. Les dizaines de points lumineux qui les représentaient progressaient rapidement malgré toutes ses tentatives de blocage. Elle se décida, alors, à faire appel aux Gaïahels survivants restés dans la zone de survie, et de leur ouvrir une à une toutes les issues leur permettant d’investir la Cité.
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Les civils Gaïahels qui avaient survécu aux explosions et à l'incendie qui avait suivi, s'étaient réfugiés dans les couloirs de la zone de survie sous le commandement du Général Davis. Ils fuyaient les épaisses fumées brûlantes qui sortaient de l’entrepôt en feu. Chacun d'entre eux, ou presque, portait un blessé sur son dos et avançait sans savoir où aller. Ils finirent par tomber sur un des accès donnant sur la Cité, déverrouillèrent la porte sécurisée, puis sortirent prudemment, arme à l'épaule.
La Reine-Mère les vit apparaitre à l'image; quatre-vingt-huit petites silhouettes lumineuses qui débouchèrent dans une des grandes allées ceinturant la Cité. Certes, le courage ne leur avait pas manqué, mais en avaient-ils encore assez pour continuer à lutter...? Quelle chance avaient-ils de remporter la bataille...? N'était-ce pas les envoyer au suicide...? Dans le doute, elle préféra les mettre en sécurité dans l'attente d'une éventuelle intervention armée ou d'une capitulation. C'était à elle, maintenant, de négocier la réddition des clones infestés par Foller, afin d'éviter un bain de sang. Elle commença par lancer un appel à la troupe de civils Gaïahels. Fixant son micro à son oreille, d'une main, elle entra un ordre, de l'autre, puis au bout d'une seconde se mit à parler.
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La lumière illumina l'allée que les civils Gaïahels avaient investie. Visière relevée ou casque sous le bras, tous prenaient de grandes rasades d'air frais. Surpris par la lumière, ils se figèrent, puis relevèrent la tête en entendant les paroles de la Reine-Mère.
- Chers frères et soeurs Gaïahels...! Melle Baron et moi avons repris le contrôle de la Cité...! Vous devez allez dans une zone sécurisée en suivant nos indications. Une salle-de-sport se trouve à une trentaine de mètres sur votre droite. Le sas ne s'ouvrira qu'au moment où vous serez tous réunis. Restez sur vos gardes...!
Le Commandant Sachs et le Général Ayaki n'étaient en accord que sur un seul point : leur volonté de ne jamais se soumettre. Le moyen d'y arriver, par contre, les opposait fortement. Le premier voulait repartir au combat sur le champ pour avoir une chance d'anéantir les survivants Gaïahels, tandis que le second pensait faire le siège de la Cité afin d'investir les zones de productions principales et la salle de haut-commandement. Le risque étant le même dans les deux cas, ils restaient campés sur leur position. Les avis étaient partagés au sein même de leurs troupes et chacun se mêlait de donner le sien, rendant de fait la situation inextricable. Sachs et Ayaki, en tant que responsable stratégique, y allèrent de leur speech, mais ils ne firent que transformer la composition de leurs troupes. Les esprits étaient tellement changeants, qu'il aurait fallu que Foller apparaisse à cet instant pour prendre une décision à leur place.
Tous les clones infestés par Foller se trouvaient réunis, là, dans une des salles d'étude transformée en quartier général. Ils étaient une centaine à pouvoir lutter et étaient donc supérieurs en nombre aux civils Gaïahels valides. Dotés de fusils-anesthésiants, de détonateurs et de gaz liquide, de Multis arrachés aux carcasses des androïdes; ils pouvaient tenir le siège de la Cité assez longtemps pour les affamer. D'autant plus facilement, qu'ils avaient préalablement bloqué la fermeture des sas menant aux zones principales à l'aide d'étais. Ils n'avaient certes plus accès au reste de la Cité, qui était à nouveau sous le contrôle de la Reine-Mère, mais avaient la capacité humaine de contrôler toutes les issues, sas et portes sécurisées, qui menaient aux entrepôts de vivres, aux serres, aux armements, et à d'autres zones prioritaires.
Ne pouvant surveiller techniquement la Cité, ils décidèrent d'une stratégie de garde et de rondes permanentes aux abords des zones à défendre et de leurs accès; en attendant de trouver un angle d'attaque adéquat dans l'éventualité d'un assaut. Une éventualité, car la Reine-Mère et son bataillon de Gaïahels pouvaient tout aussi bien abdiquer et rendre les armes.
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Les civils Gaïahels s'étaient regroupés auprès du sas de sécurité que la Reine-Mère leur avait indiqué. L'ouverture du sas se déclencha comme prévu. Dans le doute, ils avançèrent armes au poing et commençèrent à inspecter les lieux. La salle-de-sport contenait de vastes espaces et terrains délimités par des enceintes grillagées. La voix de la Reine-Mère résonna dans l'immense salle à travers les hauts-parleurs :
- Vous trouverez, içi, des vestiaires et de quoi vous restaurer. De l'eau et une pharmacie pour soigner vos blessés...! Il est nécessaire pour vous de prendre du repos...! Vous êtes, içi, en sécurité. Aucun mouvement de troupe ne peut m'échapper et vous serez prévenus si une menace pèse sur vous. Une procédure d'évacuation vous sera alors délivrée afin de rejoindre une nouvelle zone sécurisée...!
Les mots de la Reine-Mère n'était pas anodins. Il suggérait, bien sûr, un état de siège, mais plus insidieusement, incitait à une réaction plus instantanée des civils Gaïahels. Ces derniers comprirent qu'ils allaient devoir risquer leur vies dans les deux cas et beaucoup pensèrent que "le plus tôt serait le mieux".
- Vous avez la possibilité de communiquer avec la salle de haut-commandement par l'intermédiaire du système d'appel d'urgence situé auprès de chaque accès...! Nous sommes en contact avec Proxima pour préparer une intervention massive au plus tôt...! Vous serez bientôt délivrés...! Reposez-vous et soyez sereins...!
Le Général Davis estima les forces qu'il lui restait; une cinquantaine de civils valides et quelques blessés pouvant encore servir à des postes fixes. Un armement non-létal désuet, qui ne pouvait percer les gilets et protections des combattants. Il était encore possible d'utiliser les munitions comme aérosol en retirant les aiguilles pour que les tubes plastifiés se brisent et diffusent l'anesthésiant dans l'atmosphère, mais un simple masque-à-gaz suffisait pour s'en protéger. Il leur fallait des armes plus efficaces que la Reine-Mère avait peut-être à disposition. Le Général décida de prendre contact avec elle. Il marcha à grands pas vers le boitier d'appel d'urgence, l'ouvrit et appuya sur le curseur. Toute la troupe le regarda faire, figée dans l'attente d'une réponse.
- Vous pouvez parler...!
- Général Davis du bataillon de civils...! Nous vous remercions pour votre aide, Reine-Mère...! J'aimerais croire que notre Mère est encore vivante, mais qu'elle ne peut prendre, elle-même, le commandement. Nous acceptons, donc, de nous mettre sous vos ordres... à la seule condition d'être mieux armés...!
- Ce sera un honneur, pour moi, de vous commander...! Je l'avoue, votre Mère génétique a été gravement blessée et est entre la vie et la mort. Mais on peut espérer que sa blessure ne s'aggravera pas...! Vous devez avant tout vous reposer et attendre. Si la réddition est rejetée, il sera alors temps d'intervenir, et vous aurez un armement létal adéquat.
Le Général hésita une seconde.
- Bien... à vos ordres...!
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Pour la Reine-Mère, ce fut un soulagement de les savoir à ses côtés et de pouvoir compter sur eux dans l'éventualité d'un conflit. Elle surveillait à l'écran, les mouvements de troupes effectués au même moment par l'ennemi. Celui-ci positionnait ses escouades afin de bloquer les accès définis par lui comme prioritaires, et son choix s'était fixé sur les entrepôts à vivres, les serres de cultures, les hauts-fourneaux et plus particulièrement l'usine d'armement pour androïdes qu'un grand nombre de combattants avait investie. Il s'agissait pour l'ennemi, non pas de les faire fonctionner puisqu'il n'en avait pas le contrôle, mais pour les premiers, d'en faire le siège, et pour le dernier, de dépouiller les androïdes de leur armement afin d'y adapter une commande manuelle. La Reine-Mère n'avait pas l'intention de les laisser faire. Il lui sembla, subitement, dérisoire de vouloir négocier une réddition de l'ennemi quand celui-ci s'apprêtait très certainement à attaquer. Elle voulait tout de même tenter d'entamer au moins un début de dialogue. Elle s'adressa aux escouades à travers le réseau de hauts-parleurs qui couvrait la Cité, les prenant tout d'abord par les sentiments.
- Mes chers enfants...! Je sais que vous avez encore conscience de vos origines. De celle qui vous vient de votre donneur originel et de celle qui me lie à vous...! L'esprit étranger qui les a abusées, qui les a corrompues, qui les a dévoyées, n'a fait que les utiliser à son seul profit. Contre vous-mêmes, en définitive, car vous voilà entrainés dans une guerre qui n'est pas la vôtre...! Le seul combat qui prévaut, aujourd'hui, est celui que vous devez mener contre cette conscience malfaisante qui a infesté vos esprits...! Souvenez-vous qui vous étiez et quelles étaient vos valeurs avant qu'elle ne vous vole votre intégrité...! Soyez plus fort qu'elle et redevenez vous-mêmes...!
La Reine-Mère pouvait voir en direct à l'écran, les effets de son discours sur l'ennemi. Les minuscules silouhettes lumineuses s'étaient toutes figées et semblaient attendre la suite.
- Si l'esprit criminel qui vous anime gardait son emprise sur votre conscience, alors il vous condamnerait à une mort certaine. Car il fera le choix, contre votre gré, de combattre jusqu'à la mort...! C'est lui que je veux anéantir et non l'un de vous...! Vous pouvez encore sauver votre vie en vous opposant à lui et donc en vous rendant. Je suis prête à négocier une réddition et à considérer vos conditions...! Si je vous donne cette dernière chance, c'est parce que je veux croire que vous saurez être vous-même; si vous la refusez, j'en déduirai que vous acceptez le sort qui vous a été destiné...! Tous ceux qui désirent déposer les armes pour se constituer prisonnier doivent se rendre à la "base de loisir" du premier niveau avec leur arme si possible. Ils devront m'en demander l'accès par l'interphone, puis devront déposer leur arme à l'accueil avant de rejoindre les espaces de loisirs où ils trouveront eau et vivres...! Il ne vous reste que la nuit pour vous décider; passé ce délai, aucun recours ne sera plus accordé...! N'oubliez pas, mes enfants, qui vous êtes réellement et rejetez dès maintenant cette conscience qui veut détruire votre identité...!
Les petites silhouettes lumineuses, qui indiquaient la position des combattants sur l'écran holographique, restèrent immobiles un court instant dans l'attente de nouvelles paroles, puis toutes, sans exception, reprirent leur activité. La Reine-Mère comprit qu'elle allait devoir se battre contre un seul et unique esprit, celui de Foller; et qu'elle allait devoir sacrifier cent de ses "fils" et de ses "filles" pour le vaincre.
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Tous les Gaïahels valides et les quelques blessés encore capables de se mettre debout s'étaient portés volontaires pour livrer bataille. Connectés à la wifi de la Cité, ils pouvaient désormais communiquer avec la salle du Haut-Commandement et recevoir les ordres donnés par la Reine-Mère. Le Général Davis, fusil en bandoulière, verrouilla son casque, puis donna l'ordre à sa troupe de le suivre. Ils sortirent de la salle-de-sport par le sas de sécurité dont les panneaux s'ouvrirent à leur approche. Ils se dirigèrent vers la droite dans la grande allée circulaire jusqu'à un poste de soins d'urgence relié à la centrale-de-soins de la Cité. De là, suivant les indications de la Reine-Mère, ils rejoignirent une salle de stockage pour y prendre des bouteilles d'oxygène et des rouleaux d'adhésifs. Chacun d'entre eux s'occupa aussitôt de confectionner des paquets de deux ou trois bouteilles en les liant ensemble à l'aide de la bande adhésive. Ils repartirent faire la suite de leurs courses. Passèrent au stock d'outillage pour y prendre des chalumeaux portables, des bouteilles d'acétylène, ainsi que des marteaux et des lames de "cutter". S'arrêtèrent dans une cantine pour y récupérer quelques bidons d'huiles. Puis enfin, au rayon lingerie pour se confectionner un bouclier de tissu en superposant des paquets de draps pliés sur leur torse, leurs bras et leurs jambes. Ils en devinrent presque grotesques d'être ainsi engoncés dans un accoutrement qui égalait en ridicule sa néanmoins grande efficacité.
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Le Commandant Sachs et le Général Ayaki étaient en plein pourparlers. Leur désaccord était flagrant. Le premier voulait envoyer toutes les troupes au combat, quand le second voulait à tout prix éviter l'humiliation d'une défaite. Ce dernier préconisait un suicide collectif plus réfléchi... et bien plus violent. Ils se mirent finalement d'accord sur l'union quasi totale de leurs troupes, exceptés pour les quelques gardes qui surveillaient les otages, et sur la possibilité d'une retraite pour ceux qui choisiraient de mourir dans la "dignité". Cette radicalité qui s'exprimait dans leur opposition et qui finalement s'accordait sur tout, montrait pour qui voulait le voir toute la perversité et la bi-polarité du professeur Foller.
Les deux officiers se serrèrent la main, puis rejoignirent leurs troupes regroupées près des établis d'assemblage des androïdes. Quelques hommes s'affairaient à en découper les carcasses pour en retirer l'armement. Trois combattants en étaient déjà pourvus. Ils portaient le réservoir d'énergie dans leur dos, accroché à leurs épaules et à leur taille par du ruban adhésif, et attendaient que les ingénieurs en électronique finissent de connecter un boitier de commande manuel à leur Multi.
Un messager arriva en courant et se précipita vers le Général Davis. Ce dernier l'écouta attentivement, puis se retourna vers ses troupes.
- Mes frères et soeurs...! Nous allons devoir combattre...! Que tous les volontaires rejoignent le hall de la salle-de-parcage et se préparent au corps à corps....!
Il désigna les hommes qui portaient l'armement des androïdes.
- Vous, trois...! Vous irez en éclaireurs défendre le sas d'accès...! C'est bientôt fini...?
- Encore une minute...! répondit un des ingénieurs en électronique.
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Les civils Gaïahels retournèrent dans la grande allée circulaire, puis se dirigèrent vers la zone assiégée par l'ennemi. Ils rejoignirent un sas de sécurité, se positionnèrent en retrait de chaque côté de l'accès, puis attendirent que l'un d'eux fasse le choix de se sacrifier. Le Général Davis décida de donner l'exemple et se proposa comme volontaire.
- Je suis volontaire...!
Le Général se mit aussitôt à préparer son armement. Il prit une bouteille d'oxygène et une d'acétylène qu'il scotcha ensemble à l'aide de ruban adhésif. Un des blessés sortit du rang, s'approcha du Général et lui retira le paquet des mains. Il parla d'une voix fiévreuse :
- C'est à moi de le faire...! Avant que le poison ne me fasse trop souffir...!
Le Général accepta et l'aida à endosser les deux bouteilles de gaz en le ceinturant de ruban adhésif. L'homme blessé pénétra à l'intérieur du sas et avança péniblement jusqu'à la seconde porte. Il aperçut alors un des combattants adverses à travers le vitrage du hublot. Serrant un boitier entre ses mains, ce dernier s'éloignait à reculons en le fixant du regard.
- Ils nous ont repérés...! Il y a une rangée d'engins explosifs de gros volume devant la porte et un homme qui menace de les activer...! Je suis prêt à intervenir...!
Pour le malheureux blessé, se sacrifier ainsi était une libération; condamné à une horrible agonie, il préférait affronter la mort sans attendre. Le panneau d'acier glissa sur son rail et il s'élança hors du sas. Il avança accroupi, la tête entre les épaules, protégé des tirs adverses par la barrière d'engins explosifs. Visualisant son adversaire, il se releva et tira une salve de seringues anesthésiantes dans sa direction avant de voir que celui-ci avait disparu. Ayant le champ libre, il contourna la rangée d'engins explosifs, des paquets de bouteilles d'hydrogène disposés côte à côte, et tomba sur le détonateur. Il n'hésita pas une seconde et l'arracha de son support avec la certitude de ne pas survivre à son geste. Surpris, presque effaré, d'être encore en vie, il reprit contact avec son bataillon.
- On dirait un leurre...! Je vérifie qu'aucun autre détonateur n'a été dissimulé quelque part...!
Et en effet, tirant brusquement sur une des piles de bouteilles d'hydrogène pour la déplacer, il comprit en éprouvant sa légèreté que le lot était vide de tout contenu. Il découvrit en les inspectant que tous les autres l'étaient aussi et qu'aucun n'était relié à un détonateur.
- C'est bien un leurre...! Je pars en éclaireur...!
Le malheureux sacrifié traversa la vaste salle de parcage en trainant la jambe et en chancelant. Fusil à l'épaule, il avança ainsi entre les rangées de véhicules, à l'affût du moindre mouvement, jusqu'à l'entrée d'un sas dont le panneau d'acier était retenu bloqué par un long étai de métal. Le souffle court, se tenant posté en retrait, il prit le marteau accroché à sa ceinture, se rapprocha de l'ouverture et enfin se mit à frapper sur l'étai pour le faire sauter. Mais rien y fit. Solidement calé dans l'encadrement du sas, le tube de métal résista et ne bougea pas d'un pouce. Il devait forcément se mettre à découvert pour le faire plier. Il taillada alors la bande adhésive qui le ceinturait, l'attrapa d'une main, puis détacha les deux bouteilles de gaz qui pendaient dans son dos. Il les posa au sol, arracha l'adhésif qui les maintenait ensemble, en mit une sous son bras, puis marteau en main se posta dans l'encadrement du sas, dos à l'ennemi. Sans attendre, il fit sauter le détendeur d'un coup de marteau. La bouteille d'oxygène libéra brusquement son gaz et fusa à l'intérieur du sas. Elle percuta une paroi, ricocha sur une autre avant de retomber et de se mettre à tournoyer sur elle-même en sifflant et en crachant des chandelles de métal en fusion. Elle se vida en quelques secondes; le temps pour le courageux blessé de fixer la bouteille d'acétylène au canon de son fusil-anesthésiant, de se caler dos au mur pour résister à la décompression, puis de décapiter le détendeur.
Il s'élança en dirigeant le jet de gaz vers l'intérieur du sas, alluma son chalumeau et déclencha instantanément un monstrueux brasier qui enflamma l'atmosphère. Faisant face au mur de feu, il visa la barre d'étai en son milieu pour en échauffer le métal, puis luttant contre la paralysie et les tremblements qui l'assaillaient, il frappa dessus à coups de marteau pour tenter de la tordre. Le feu se résorba aussi vite qu'il s'était déclaré et son fusil ressembla bientôt à une bougie en fin de vie. C'est à cet instant qu'il aperçut l'ennemi posté à l'autre bout du sas; trois combattants qui pointaient leur "Multi" sur lui. Dans un ultime effort, surmontant une paralysie imminente, il agrippa l'étai d'une main, et de l'autre en frappa le métal d'un coup de marteau. Il n'acheva pas son geste. Les trois faisceaux-laser l'atteignirent au torse au même moment. Les épaisses couches de tissu censées le protéger des fléchettes anesthésiantes prirent feu à l'endroit de l'impact et enflammèrent sa combinaison.
Il trouva très étrange de ne ressentir aucune douleur alors même que le feu des lasers s'enfonçait dans ses chairs. Debout dans l'encadrement de la porte du sas, le haut du corps dévoré par les flammes, il tenait sa main fermement accrochée à la barre d'étai avec toujours la même volonté. Le tube de métal, échauffé, tordu par les coups de marteau, se plia légèrement lorsque le malheureux s'évanouit et s'affaissa sur lui-même. Il resta quelques secondes ainsi pendu à son bras, avant de s'effondrer au sol en emportant la barre d'étai dans sa chute. La porte du sas se referma aussitôt.
Le Général Davis attendit que la Reine-Mère lui en donne l'ordre pour investir la salle-de-parcage. Des dizaines de véhicules-tout-terrain étaient garées en file, sur plusieurs rangées séparées entre elles par de larges allées permettant de circuler à double sens. Le bataillon inspecta les lieux, puis se regroupa autour du Général.
- Mes amis...! La Reine-Mère nous laisse le choix, soit de regagner Proxima dès maintenant, soit de continuer à lutter. C'est l'un ou l'autre...! Vous l'avez compris, l'ennemi détient un armement létal de grande puissance, et nous n'avons rien d'autre à lui opposer que quelques bouteilles de gaz et un peu d'huile...! Si la majorité le décide, nous partirons aussitôt...! Que ceux qui veulent regagner Proxima, avancent d'un pas...!
Aucun des civils Gaïahels n'osa se déshonorer, malgré la peur qui les tenaillait tous.
- Il faut donc nous préparer à combattre...! L'ennemi va jeter toutes ses forces dans la bataille pour être sûr de vaincre. Mais c'est pourtant ce qui le perdra...! La stratégie proposée par la Reine-Mère vous semblera peut-être peu orthodoxe, mais elle peut s'avérer très efficace...! Nous avons l'avantage de connaitre tous leurs mouvements et toutes leurs positions pour pouvoir adapter cette stratégie en temps réel...! Certains vont devoir risquer leur vie lors des premiers assauts et il faut donc trente volontaires déterminés pour mener à bien cette première phase du combat...!
Tous les civils Gaïahels avançèrent d'un pas.
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La Reine-Mère ne se sentit pas soulagée pour autant. Les yeux emplis de larmes, elle hésitait entre son désir de vengeance immédiate et la douleur d'un nouveau sacrifice. La stratégie qu'elle avait imaginé lui semblait à présent dérisoire. Certes, théoriquement efficiente, mais elle pouvait aussi s'avérer parfaitement innefficace dans la pratique et risquer de tous les mettre en danger. Il leur restait la possibilité de quitter la Cité à bord des véhicules pour rejoindre Proxima; ce qu'ils pouvaient faire dès à présent. Il suffisait qu'elle en donne l'ordre.
Elle observait à l'écran les forces qui se mettaient en place et reprit un peu confiance en elle. Son plan avait l'air de fonctionner, puisque la presque totalité des troupes ennemis s'était positionnée dans le hall de la salle-de-parcage. Un malheureux sas séparait désormais les deux camps et elle n'attendait plus que le feu vert du Général Davis pour en ouvrir l'accès.
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Le bataillon de civils Gaïahels se tenait prêt à combattre. Ils avaient remplacé toutes les bouteilles d'hydrogène vides ayant servies de leurres par leurs bouteilles d'oxygène et d'acétylène. Les cages métalliques de transport avaient été couchées sur deux rangs devant la porte du sas. Celles du premier rang, au nombre de trois, contenaient les bouteilles d'oxygènes, et les deux autres, les bouteilles d'acétylène. Le cul des bouteilles avait été positionnées à l'envers, face au sas, et tous les détendeurs qui dépassaient largement du cadre métallique, facilement accessibles, se trouvaient côté combattants. Quatre volontaires, à moitié accroupis, étaient postés derrière chaque cage renversée et se tenaient prêts à avancer. Cinq autres combattants étaient postés de chaque côté du sas et chacun d'eux chauffait un bidon d'huile à l'aide de son chalumeau. Trente hommes et femmes au total qui s'apprêtaient à donner leur vie pour un combat à l'issue incertaine. Le Général Davis leur prodiguait ses derniers conseils.
- Frappez les détendeurs de toutes vos forces et recidivez s'il le faut...! Avancez de trois mètres et recommencez à tirer...! Maintenez un angle de tir centralisé pour éviter les ricochets...! Et ne laissez surtout pas votre cage à l'intérieur du sas. Vous devez impérativement la ramener...! Soyez attentifs à rester coordonnés...!
- Général...! C'est bon, l'huile est sous pression...! lança un des combattants, son chalumeau à la main.
Les bidons d'huile avaient pris une forme légèrement ovoïde. De gros chiffons permettaient aux volontaires de les manipuler et de les échauffer sur tout le contour. Le fond et le haut des cuves étaient complètement bombés, et il s'en fallait de peu pour que les bouchons scellés aux couvercles ne sautent.
- Maintenez la pression...! ordonna le Général. Puis il poursuivit : Canal 1...! Général Davis au Haut-Commandement...! Nous sommes prêts...!
Quelques secondes passèrent avant que la Reine-Mère ne déclenche l'ouverture du sas. Tout alla, alors, très vite. Le panneau d'acier se mit à coulisser de côté, laissant passer un faisceau-laser qui frappa de front les cages métalliques contenant les bouteilles d'oxygène. Affrontant bravement la chaleur diffusée par le feu des lasers, les combattants Gaïahels poussèrent les cages métalliques sur quelques mètres à l'intérieur du sas, puis levèrent le poing avant d'abattre violemment leurs marteaux sur les détendeurs. La première salve de bouteilles partit quasiment à l'unisson. Douze cuves de métal poussées par les puissants jets de gaz qui en jaillirent, traversèrent le sas et fusèrent à l'intérieur du hall percutant au passage plusieurs adversaires qui se trouvaient sur leur trajectoire. Les tirs au laser cessèrent aussitôt. Profitant du répit, les combattants Gaïahels avançèrent encore sur une dizaine de mètres afin d'élargir leur angle de tir, puis recommençèrent à balancer leurs projectiles sans discontinuer. Seule l'escouade du milieu garda une grande part de ses munitions afin de couvrir la retraite des deux autres. Les deux escouades latérales finirent d'éjecter toutes les bouteilles d'oxygène, puis reculèrent jusqu'à la salle-de-parcage en emportant les cages métalliques avec elles.
Ce fut ensuite au tour des bidons d'huiles bouillantes de prendre le même chemin, poussés comme des tonneaux par une dizaine de combattants. Couvert par les tirs réguliers de l'escouade restée en avant-garde, ils parvinrent à traverser le sas sans essuyer de tirs adverses, puis à faire rouler les bidons dans le hall avant de revenir sur leurs pas. Suivirent enfin les deux dernières escouades de volontaires. Poussant devant elles les cages contenant les bouteilles d'acétylène, elles s'arrêtèrent aux côtés de la première escouade, marteaux aux poings, puis salves après salves, éjectèrent toutes leurs munitions à travers le hall. Moins comprimées que les bouteilles d'oxygène, les bouteilles d'acétylène ne firent pas autant de dégats, mais se vidèrent tout aussi bien de leur gaz hautement inflammable.
L'ennemi comprit la stratégie sans trop y croire. Il resta un moment sans réaction, cherchant simplement à éviter d'être frappé par les bouteilles de gaz qui fusaient à travers le hall. Ils sut qu'il était tant d'agir, comme le Commandant Sachs le fit, ou de fuir comme la plupart choisit de le faire, lorsque les seringues anesthésiantes tirées par les combattants Gaïahels percèrent les bidons d'huile bouillante et que celle-ci jaillit en geysers en aspergeant les alentours. Combinée à l'oxygène et à l'acétylène, le cocktail promettait d'être explosif.
Le Commandant Sachs qui avait endossé l'armement d'un androïde, se sentit assez fort pour affronter la fatalité. Suivi d'une escouade dotée tout comme lui des mêmes "attributs", il se précipita vers le sas et y pénétra en balayant l'intérieur de son faisceau-laser. Il se retrouva face aux quatre derniers combattants Gaïahels restés en arrière-garde. Ces derniers reculaient, à peine dissimulés par les quelques bouteilles d'oxygène qui garnissaient encore la cage métallique de transport. Le voyant, lui et sa troupe, s'avancer vers eux, ils décapitèrent trois bouteilles qui fusèrent à travers le sas. Le commandant Sachs resta impertubable et continua à viser l'adversaire. Deux des trois bouteilles lui passèrent au ras des oreilles, avant d'aller percuter des moins chanceux que lui. Il tua illico un des civils Gaïahels qui tentait à l'instant d'allumer un chalumeau, transperçant la visière de son casque et lui carbonisant les chairs du visage à l'aide de son faisceau-laser. Le feu des lasers eut vite raison des trois autres qui s'écroulèrent, blessés à mort.
Soudainement euphorique, le Commandant Sachs aurait volontiers continuer à avancer avec sa troupe si la porte du sas ne s'était refermée à son approche. Il crut un instant que la bataille était gagnée et dans son engouement oublia d'achever les blessés. L'un d'eux, un trou béant encore fumant à l'endroit du sternum, bougea un bras, se saisit du chalumeau fixé à sa ceinture, mit le pouce sur le bouton d'allumage électronique et appuya dessus. Le Commandant sursauta en entendant le déclic et se tourna brusquement vers lui, s'attendant au pire. Aucune étincelle, pourtant, ne mit le feu au gaz. Il posa alors le canon de son Multi contre le casque du blessé, puis lui troua la cervelle.
Le bouton d'allumage du chalumeau se décoinça juste après en émettant à nouveau un petit déclic; une étincelle jaillit au bout de la tuyère et une petite flamme bleue apparut. L'atmosphère toute entière s'embrasa d'un coup. Emplissant le sas, puis le hall en quelques dixièmes de seconde, la boule de feu tua tous ceux qui n'avaient pu s'enfuir; leur brûlant les poumons et les faisant s'enflammer.
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Guidé par la Reine-Mère, le bataillon de civils Gaïahels avait peu à peu repoussé l'ennemi dans ses derniers retranchements. Aidé en cela par quelques combattants qui s'étaient emparés des armements adverses ayant résisté au brasier, il avait encerclé les salles d'études où le Général Ayaki et le reste de ses troupes s'étaient réfugiés. Des escouades étaient positionnées devant les accès qui menaient à la zone ennemie, désormais bien réduite, afin de la circonscrire.
Les survivants qui avaient échappé au brasier, avait rejoint l'arrière-garde du Général Ayaki dans la salle-de-jeu où les otages étaient parqués. Une centaine d'enfants et quelques dizaines d'adultes, assis par terre, pieds et poings liés, sous la menace d'une couronne de fusils-anesthésiants, formaient un grand cercle autour d’un tas de bouteilles d'hydrogène piégées. Debout au milieu d'eux, le Général tenait un jeune enfant dans ses bras et un détonateur-wifi entre les mains. Il narguait la Reine-Mère du regard à travers l'objectif des caméras de surveillance.
La voix de la Reine-Mère résonna dans les hauts-parleurs.
- Vous avez perdu, Professeur Foller…! Vous êtes cernés, désarmés et prisonniers de votre refuge. Revenez à la raison, Foller. Ne fuyez pas vos responsabilités…! Votre folie ne vous donne pas le droit de tuer des innocents, elle doit pouvoir s’exprimer autrement, j’en suis persuadée. N’aggravez pas votre cas et rendez-vous...!
Des sourires narquois lui répondirent. C’est le Général Ayaki qui prit la parole pour tous les autres :
- Me rendre…?! Mais je n’ai pas fait tout cela pour en arriver là. Plutôt crever que de me soumettre à vous, Ellen...! C’est le contraire qui aurait dû se produire; mais vous ne perdez rien pour attendre...! Ardan et moi sommes déjà partis à la rencontre de votre Humanité. Pour la baiser toute entière et pour enfanter une nouvelle race supérieure à toutes les autres. Et vous en serez un peu la Mère, malgré vous...!
- Vous êtes complètement fou, Foller…! Vous serez intercepté avant d’arriver à destination...!
- Vous oubliez nos bons vieux militaires, ma chère. Et eux vous haïssent bien plus que moi…! Ils seront très heureux de ma visite...!
- Écoutez, Professeur…! Si je suis la cause de votre folie, je dois pouvoir vous en guérir...!
- Ah, ah, ah…! Me guérir de ma folie. Vous vous prenez pour une sainte, Ellen...! C’est ma folie qui guérira l’Humanité. C’est mon génie qui la rendra plus forte, plus courageuse et surtout plus intelligente...! Voilà ce qu’il lui faut...! Un esprit en avance sur son temps, un esprit qui sache la guider…! C’est-ce que vous avez réussi à faire en partie avec votre petite tribu, et je vous en félicite. Mais votre esprit ne l’habite pas. Ce n’est que d’un vague instinct dont elle a hérité. Moi, je lui offre mon génie…! Un génie destructeur, certes...! Mais il y a tant à reconstruire…!
- Quelle gloire pensez-vous tirer du meurtre d'innocents, Foller...? N'en avez-vous pas assez tués...? N'avez-vous pas fait assez de mal... à moi, autant qu'à vous...? Libérez les otages et délivrez-vous de cette haine qui ne vous mène nulle part...!
- Je sais que vous leur redonnerez vie à tous... mais comme vous le voyez, j'emporte leur a-d-n avec moi, car veux leur laisser un souvenir impérissable, Ellen...! Et le plus cruel qui soit...! Qu'ils sachent à quoi s'attendre quand je reviendrai...! Adieu Ellen...! Je vous aime…!
Ses trois derniers mots déclenchèrent une terrible explosion.
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La boule de feu enfla, puis explosa, en silence, en une myriade de gerbes d’étincelles qui retombèrent aussitôt pour former un magnifique rideau de neige au dessus de Proxima et de ses habitants. Un crépuscule rougeâtre, né des lointaines lueurs du soleil couchant, inondait l’horizon. La nuit était claire et deux lunes brillaient dans le ciel parmi des milliers d’astres scintillants. Au lointain, perdu dans un coin de l’espace, une vaste lueur indiquait la présence de l’imposant magma central de la Voie-Lactée.
L’air était doux à en croire la légèreté des vêtements que la plupart des citoyens portaient sur eux pour assister à l’évènement. Le feu d’artifice n’en finissait pas de déverser sa pluie d’étoiles sur les dômes de la fabuleuse Cité, et chacun admirait le spectacle tout en écoutant l’orateur. Et cet orateur, c’était bien sûr, ce cher et fidèle Swan Borman; ressuscité. Bel et bien vivant et en parfaite santé. Il ne lui manquait qu’un petit bout de mémoire, mais si plein de mauvais souvenirs qu’il avait préféré ne jamais rien en savoir. Planté au milieu d’une vaste esplanade, ce dernier énonçait les déclarations d’usage :
- … en cette première commémoration de la tragédie qui a affecté nos deux peuples, nous fêtons aussi, aujourd’hui, leur renaissance et leur rapprochement…! Il était temps qu’un acte d’amour scelle officiellement cette union…! C’est pourquoi nous célébrons en ce jour le mariage de deux âmes extraordinaires, faites l’une pour l’autre. De deux grands esprits qui se complètent et fusionnent pour n’en former qu’un, plus fort et plus sage. C’est de leur amour que naitra une parfaite Humanité et le monde meilleur que nous espérons tous…!
L’orateur fit signe aux deux femmes de s’approcher. La Reine-Mère et Claire Baron s’avancèrent en se tenant la main.
- Claire…! Eleen…! Au nom de tous les citoyens et par les pouvoirs qu’ils m’ont conférés, je vous unis par les liens du mariage….! Au-delà de cet amour qui vous réunit, il y a, désormais, un peuple indivisible et éternel. Chacun de nous, à cet instant et par cette alliance, s’unit aux autres en une fraternité qui en sera le fruit, l’arbre et la forêt. Par cette union sacrée, nous devenons un seul et même peuple…! Vous pouvez vous embrassez…! Et maintenant, que la fête commence ! ».
Le feu d’artifice reprit de plus belle, sans un bruit, sur fond d’hymne national. Les quelques deux milles citoyens galvanisés se mirent à applaudir, à sauter en l’air et à s’embrasser pour exprimer leur joie. Des formes insolites aux couleurs éclatantes montèrent dans le ciel étoilé avant de se désagréger en millions d’étincelles.
Au loin, par delà l’horizon, le soleil rasant finissait de se coucher derrière l’immense chaine de volcans. Ses dernières lueurs se reflétaient sur les macro-sphères nano-élastiques qui en recouvraient certains sommets. Les hautes bâtisses d’une ancienne cité de xénomorphes étendaient leur ombre sur les flancs d’un cratère endormi. Leurs nouveaux habitants sortaient de leurs tanières pour la nuit et les silhouettes de grands mâles partant à la chasse apparaissaient fugacement dans le clair-obscur.
FIN
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