Alien 5 Eternity (onzième épisode)
L’épais banc de brumes se déchira par le centre en tourbillonnant, frappé de plein fouet par un puissant souffle divin. Une large trouée se forma et un ciel parfaitement bleu apparut, repoussant sur les côtés, les hautes colonnes de brouillard qui s’élevèrent en volutes tourmentées. Le dernier voile de vapeurs et de gaz s’évanouit tel un foulard entre les mains d’un prestidigitateur, exposant l’Œuf à la lumière du jour. Celui-ci était posé au sommet d’une petite colline d’herbe verte. Un astre brillait dans le ciel et quand ses rayons frappèrent la gangue translucide, une silhouette se dessina très nettement au travers.
C’était celle d’une mutante en fin de gestation. Le fœtus, enroulé sur lui-même, semblait être arrivé à maturité et donnait quelques signes avant-coureurs de fébrilité. La jeune femme en devenir balança, soudain, une série de furieux coups de talons dans les flancs de l’œuf, puis poussa désespérément de tous son poids contre les chairs meurtries pour essayer de s’en libérer. Elle frappa à nouveau, de ses deux pieds et de toutes ses forces, si violemment que la coque se déforma sous le choc. La réaction escomptée ne se fit pas attendre.
La corolle déjà bien formée et bombée comme un ballon, s’ouvrit rapidement. Les quatre pétales de chair se soulevèrent et se décollèrent les uns des autres. Ils se séparèrent en se courbant vers l’arrière, puis s’écartèrent pour élargir le passage. À l’intérieur de l’œuf, une membrane de chair rose, marbrée de nervures blanches, obturait encore l’étroit conduit qui menait à la poche placentaire.
Les contractions commencèrent aussitôt. La gangue de chair n’était plus qu’un seul muscle destiné à expulser le fruit de ses entrailles. Il se durcit et se mit à onduler de l’intérieur, à pressurer le fœtus recroquevillé et à le repousser hors de la coque. La tête oblongue passa la première, nue, lisse et brillante, d’un ambre presque noir. Puis se fut au tour des épaules. Le corps émergea lentement de l’œuf jusqu’à la taille, et soudain en fut entièrement expulsé. La jeune mutante bascula et tomba sur l’herbe verte, encore inconsciente.
Sa peau sombre, couleur d’ambre, était luisante d’humidité. Son crâne allongé lui couvrait la nuque jusqu’aux omoplates. Les côtes saillaient de ses flancs comme des ailettes atrophiées et deux trachées externes pointaient leur cartilage au niveau des vertèbres. Elle resta un long moment immobile avant de s’extirper de la fine gaine de peau qui l’enveloppait. Le soleil scintillait sur la carapace ambrée de la jeune fille, sur le galbe de sa hanche, de son bras effilée, de son épaule et de son crâne lisse et oblong. La douce chaleur réveilla, peu à peu, son corps endormi.
La jeune fille ouvrit d’abord les yeux et regarda le bleu du ciel durant une longue minute; l’esprit vide, cherchant à comprendre où elle se trouvait et qui elle était. Un seul mot lui revint en mémoire...
- Mère…!
Le ciel se voila au même instant, passant du bleu au jaune-vert. Le soleil, caché par des brumes épaisses, perdit très vite de son éclat et il n'offrit bientôt plus qu’une pâle lueur qui peinait à percer à travers la couche de nuages. Une peur instinctive traversa, alors, l’esprit de la jeune mutante. Elle tenta tant bien que mal de se lever, poussant sur ses deux bras pour se redresser tandis que le brouillard l’assaillait déjà de tous côtés. Le regard de la jeune mutante se remplit de stupeur, elle grimaça, ouvrit la bouche pour respirer, puis se mit à suffoquer. Son cri mourût dans sa gorge; un son rauque et très faible en sortit, un dernier et ultime appel à l’aide, étouffé par le rideau de fumées et de cendres brûlantes qui l’entourait :
- Mère…! Mère…!
Puis, elle disparut, enveloppée par l’épais manteau de gaz toxique.
Puis, elle disparut, enveloppée par l’épais manteau de gaz toxique.
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- Mère…! Mère…!
L’appel résonna comme un écho à son rêve et lui fit reprendre conscience. La Reine-Mère ouvrit ses grands yeux noirs.
- Oui…!
- La délégation vous attend, Mère…!
- Merci…!
L’obscurité était presque totale. La Reine-Mère augmenta la luminosité à l’intérieur de la capsule où elle se trouvait allongée, puis réduisit progressivement l’apesanteur. Son corps, recouvert d’une toge, descendit lentement et se posa sur la couche molletonnée. Aussitôt après, le Tub anti-gravitationnel glissa sur son socle, bascula pour se positionner à la verticale, puis enfin, la cloison de diamantine coulissa pour en libérer son occupante.
La Reine-Mère quitta la salle de repos. Elle choisit pour rejoindre son lieu de rendez-vous de passer par sa vaste serre d’agrément personnelle, inspirant à plein poumons les diverses senteurs que les fleurs, roses géantes et autres bizarreries exotiques, exhalaient tout autour d’elle. Elle y passait aussi souvent que possible et toujours avec le même plaisir. Elle en sortit à regret pour prendre le long couloir sécurisé qui menait à la salle de réunion.
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Les six membres de la délégation se levèrent à son arrivée. Trois hommes, dont faisait partie Swan Borman, et trois femmes qui arboraient un air déterminé. Ils saluèrent la Reine-Mère d’un hochement de la tête.
- Asseyez-vous, mes enfants…! leur lança cette dernière avant de prendre place dans un fauteuil, face à eux, à l’autre bout de la vaste table de réunion.
- Laissez-moi, d’abord, vous remercier d’avoir fait le bon choix…! D’avoir préférer la patience à l’emportement… ! Je sais que c’est un sacrifice de plus pour tout le monde, mais cette fois les garanties de résultats sont incontestables et dépassent même nos espérances. Nous n’avons plus aucune raison de douter de l’efficacité du système de recyclage. Le délai d’observation préconisé par nos experts est passé, leurs constatations sont sans équivoque, ça fonctionne…! Je crois qu’il est temps de signer l’accord avec les Gaïahels...!
Les six membres de la délégation acquiescèrent.
Les six membres de la délégation acquiescèrent.
- En tant que représentants de la Société Civile, Mr Borman et Mme Vidriana apposeront leur signature auprès de la mienne et de celle de Mademoiselle Baron pour entériner l’accord…! Au-delà des concessions que vous avez acceptées de faire dans le cadre de l’accord, je me dois de vous imposer, moi-même, quelques exigences. Et dans le cas présent, je serais, moi aussi, prête à faire d’importantes concessions. Je veux parler d’un accord interne entre la rébellion et le haut-commandement. Pour ma part, il s’agit d’assurer et de garantir une paix totale. J’ai conscience de la force que vous représentez, mais je doute que vous soyez, déjà, tout à fait capable de la contrôler…! Vous comprendrez, donc, que je vous interdise de militer et de recruter durant les cinq années à venir, ainsi que de continuer à occuper des postes à responsabilité ayant trait à la sécurité. En échange de quoi, au terme du délai et en cas d’échec, je ferai amende honorable en vous abandonnant le commandement de notre Armée, si, d’aventure, vous étiez élu à la gouvernance de la Cité…! J’ose espérer que vous auriez, alors, la sagesse de l’utiliser à bon escient !
L’une des trois jeunes femmes lui rétorqua immédiatement :
- Le délai de cinq années pourrait s’avérer plus court qu’on ne le pense. Nous ne sommes pas aussi confiants que vous sur l’efficacité à long terme de la dernière parade technologique de "La Baronne", et si l’échéancier n’est pas respecté, nous serons en droit de penser que la pollution ne sera jamais vaincue de cette façon. En droit de reprendre notre combat à la première faiblesse du procédé…!
- Bien entendu, cela va de soi…! répondit la Reine-Mère.
Il y eut un court silence durant lequel chacun semblait peser le pour et le contre, puis, Swan Borman prit la parole.
- Vous aurez compris, Mère, que nos intentions sont honorables à tout point de vue. Nous ne voulons pas abuser de la légitimité de notre lutte pour acquérir un quelconque pouvoir. Nous préférerions vous avoir à nos côtés…! À défaut, nous acceptons volontiers de considérer ce geste comme une véritable reconnaissance de votre part. Mais cela ne reste qu’une promesse. Et certaines promesses sont parfois trop difficiles à tenir…! Permettez nous de douter de votre bonne foi devant une telle proposition. Même si un accord interne est signé entre nous, il ne garantit en rien l’application d’un transfert de pouvoir. Il faut y rajouter une clause qui nous permette de choisir un Vice-Commandant de l’Armée dont la nomination serait approuvée par le peuple et dont la prise de fonction serait immédiate !
- Une telle éventualité ne me parait pas aller dans votre intérêt. Vos militants le désirent peut-être, mais certainement pas la totalité de vos sympathisants. Vous risquez de brusquer nos concitoyens dans leurs opinions alors qu’un véritable espoir vient de renaitre…! Vous y perdriez, là, le crédit qu’ils vous donnent encore !
- Vous avez raison, Mère, cela demande réflexion…! Laissez nous un peu de temps pour y réfléchir et pour en rendre compte à nos militants. Nous ne voulons évidemment pas d’un cadeau empoisonné !
- Vous m’obligerez beaucoup en acceptant de signer cet accord. Je ne veux pas passer les cinq prochaines années à redouter des débordements incontrôlables. Je veux un peuple uni contre son seul ennemi : la pollution…! Décidez-vous vite. Nous prendrons, alors, les dispositions pour la signature d’un document officiel. Viendra ensuite le temps de signer l’accord avec les Gaïahels. Et le plus tôt sera le mieux…!
- Certes, certes…! fit Swan Borman en consultant ses confrères et consœurs du regard. Nous nous devons d’être tolérants et nous espérons que cette dernière tentative sera la bonne. Cinq ans de silence total nous semble, cependant, exagéré, même si le marché parait équitable…! Nous aurons certainement quelques difficultés à convaincre nos militants d’accepter la trêve et les restrictions, mais nous essaierons. Je pense que tout le monde est d’accord avec moi…!?
Les cinq autres représentants de la Société Civile lui répondirent par l’affirmative, d’un clignement des paupières ou d’un hochement de la tête.
- Voilà…! La décision appartient au peuple, maintenant. Nous vous donnerons sa réponse dans quelques jours. Vous l’autoriserez à ajouter quelques conditions et à corriger certaines clauses…!
- Je ne crois pas que ce sera nécessaire, mais j’ai pu omettre un détail. Si c’est le cas, vous aurez l’obligeance de me le faire savoir au plus tôt…! J’espère, avant tout, que vous saurez persuader vos militants de s’assagir. Ils doivent comprendre que ce dernier sacrifice sera enfin payant. Ils doivent avoir confiance dans le progrès et doivent tout mettre en œuvre pour redonner vie à notre planète. Il leur faut aussi prendre conscience de l’importance de la Neutrinite. Elle est un gage de sécurité et d’expansion. Personne ne doit en douter…! Je pense avoir été assez claire…!? Je vous remercie de votre attention, mes chers enfants, vous pouvez disposer...!
Les sociétaires reprirent leurs tablettes et se levèrent tous ensemble pour saluer la Reine-Mère. Ils s’inclinèrent, en la nommant du bout des lèvres :
- Mère…!
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CHAPITRE N°8
De son poste de contrôle, Claire Baron contemplait sa flotte de vaisseaux en construction et l’intense activité des robots-machines. Sept imposantes carcasses étaient alignées le long d'une chaine de montage au sein d'un gigantesque hangar. Elles faisaient penser à une collection de mandibules géantes arrachées à des coléoptères de l’espace. D’immenses bras mécaniques imprimaient d’épaisses plaques de métal carboné sur les charpentes d’acier pour les habiller. Des dizaines de faisceaux laser et photoniques scannaient, sondaient et vérifiaient chaque portion nouvellement imprimée, balayant l’espace d’un incessant va-et-vient de lumière colorée.
Les vaisseaux géants, pendus à la charpente du hangar comme de vulgaires saucissons, formaient une suite d’arches monumentales. Leurs deux énormes ailerons ressemblaient à des baleines ventrues. Encore à l’état de squelettes, ils étaient tous équipés de l’accélérateur électro-magnétique. On apercevait les deux impressionnantes rangées de bloc-aimants fichées à l’intérieur des structures en arche.
Un signal résonna dans la pièce. Claire Baron déclencha l’ouverture du sas de sécurité par sa seule pensée; une fine bande de métal doré semi-ovale et sertie dans la paroi murale en signalait l’emplacement. Le mur se désagrégea par le milieu, la brèche s’élargit en une seconde et fit place à une magnifique jeune femme, aussi rousse que l’était la technologue, sa mère génétique.
- Ah, Tracy…! Ma chère enfant !
La technologue avança de quelques pas, puis tendit sa main. La jeune femme s’inclina légèrement et s’en empara pour l’embrasser du bout des lèvres. Elle reçut, en retour, un tendre baiser sur le front.
- Comment va mon filleul…!? demanda Claire Baron.
- Très bien, Mère…! Il grandit presque trop vite ! répondit la jeune femme en souriant.
- Tant mieux, c’est bon signe…! Je viendrai, bientôt, lui faire une petite visite. Installe-toi !
Claire Baron désigna un des fauteuils placés devant le bureau, puis s’assit dans l’autre, face à elle.
- Bien…! J’ai, donc, décidé de faire le déplacement à Éterna et de te confier le commandement de notre armée pour assurer notre protection…! Il n’y a pas d’inquiétude à avoir. La rébellion est matée, les citoyens sont majoritairement favorables à l’accord. Tout se passera bien. J’y resterai une demi-journée, tout au plus. Je n’y suis pas allée depuis l’inauguration du premier dôme et il est important de faire, à nouveau, un pas vers eux…!
- Je le crois aussi…! Je crains, toutefois, de ne pouvoir me résoudre à vous perdre si un malheur arrivait. Le peuple a besoin de vous, ici...! Donnez-nous, au moins, l’autorisation de vous cloner, si par malheur, vous n’en reveniez pas...!
La technologue se mit à rire :
- Ah, ah, ah…! Est-ce-que je dois faire mon testament…?! J’aurais pris plus de précautions si cela avait été nécessaire. Mais, soit…! Vous aurez des souches-mères avant mon départ, si ça peut vous rassurer…!
La jeune femme rougit légèrement, d’un air gêné. Claire Baron se pencha vers elle pour lui prendre la main.
- Tu ne devrais pas te sous-estimer ainsi et me croire irremplaçable…! Mais, arrêtons de nous inquiéter pour rien. Je n’irais pas là-bas si je n’étais pas certaine d’en ressortir vivante et plus forte. La Reine-Mère n’est pas une menace et les rebelles sont sous contrôle. Il ne peut rien m’arriver…! Tu verras que toutes ces précautions sont bien inutiles !
La technologue sourit à la jeune femme avec bienveillance et lui tapota le dos de la main.
- Je l’espère, Mère…!
- Planifie tout ça pour la semaine prochaine…! Je ferai une annonce pour rassurer la population et pour te nommer à ton nouveau poste. Sois confiante !
Claire Baron lâcha la main de son assistante. Elle lui caressa la joue d’un geste maternel et lui sourit tendrement.
- Je compte sur toi, mon enfant…! Va, maintenant... tu as du travail...!
- Merci, Mère…! À bientôt !
L'assistante se leva de son fauteuil, s’inclina, embrassa la main que la technologue lui tendait, et quitta la pièce. La jeune femme disparut derrière le rideau de particules qui se reforma aussitôt derrière elle. La paroi retrouva son aspect normal et toute sa solidité.
Claire Baron cliqua sur sa télécommande. Les écrans holographiques réapparurent les uns après les autres au dessus du vaste bureau ovale. Ils formèrent une farandole lumineuse faite de données et de chiffres qui clignotaient, de plans en formations et de simulations virtuelles, d’images de surveillance aussi bien locales que spatiales. La technologue fit défiler les écrans devant elle avant de fixer son attention. Elle agrandît l’image ciblée et s’adossa pour mieux l’étudier.
C’était les plans d’une immense machinerie accrochée aux parois d’un volcan de la base jusqu’au sommet. Pas un centimètre de basalte, ni de béton carboné, n’était visible sous les kilomètres de canalisations, de tuyauteries, de bloc-filtres, de cheminées, de condensateurs et de pompes sur-dimensionnés qui les recouvraient. La sphère nano-élastique qui fermait le cratère était à son niveau le plus bas. La technologue démarra une simulation. Elle augmenta peu à peu la pression à son maximum, puis attendit.
Elle tourna la tête vers la baie vitrée qui donnait sur l’extérieur et tenta de discerner la haute chaine volcanique plantée au loin sur l’horizon. La tempête soufflait, chassant les épaisses colonnes de poussières volcaniques loin de la Cité. Un semblant de clarté perça la chape de nuages noirs et lui permit d’apercevoir la silhouette des plus hauts volcans en train de cracher leur poison dans le ciel. Le défi lui paraissait insurmontable, mais elle voulait y croire. Elle espérait voir, un jour, l’horizon se dessiner bien nettement sur un fond bleu baigné de lumière.
CHAPITRE N°9
Au cœur de la cité Eterna, le responsable de la Sécurité, Ian Horst... que Lady Ripley avait elle-même choisi pour faire partie de la mission Eternity... aussi froid et impénétrable que l'original, entra dans la salle de contrôle préparatoire d’un pas lent et mesuré. Autour de lui, un imposant pupitre circulaire surmonté d’un panneau d’écrans holographiques faisait le tour de la pièce. Quarante élèves assidus y étaient installés, assis sur de confortables sièges à sustentation; les uns, adossés à observer des mises-en-scènes et à commander les caméras, les autres penchés sur leurs claviers à taper méticuleusement leurs demandes et leurs ordres. Le Chef de la Sécurité vint se placer au centre de la salle de contrôle, puis frappa dans ses mains.
- Mesdames, messieurs, votre attention s’il-vous-plait…! Vous pouvez tous rester assis...! lança-t-il.
Il attendit que chacun soit attentif, puis se mit à marcher en rond pour pouvoir s’adresser à toute la classe.
- Pour un certain nombre d’entre vous, la formation s’achève là et la prise de fonction est immédiate…! Pour les autres, elle continue. Ce qui ne veut pas dire qu’ils seront sans fonction. Ils seront sous astreinte quasi permanente jusqu’à la fin de la formation. Des stages et des spécialisations leurs seront proposés…! Tous ceux qui entendent leur nom sont attendus dans la salle de réunion d’ici une heure, en tenue présentable...!
Horst sortit une tablette de sa poche, cliqua plusieurs fois dessus, puis commença l’appel.
Horst sortit une tablette de sa poche, cliqua plusieurs fois dessus, puis commença l’appel.
- Olaf Sachs …! annonça Ian Horst, en se tournant vers l’intéressé.
Le jeune homme se leva, un petit sourire au coin des lèvres. Horst le salua, puis reprit l’appel. Ce fut le tour d’une jeune femme.
- Yéna Solveigh…!
Celle-ci tenta difficilement de dissimuler son sourire. Elle se leva de son siège et quitta la salle. Ian Horst continua.
- Avallon Nagahé…!
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Une heure plus tard, les vingt nouvelles recrues étaient alignées en rang sur toute la largeur de la salle d’audience où elles attendaient d’être présentées à la Reine-Mère.
- Présent…! répondit le dernier de la liste.
Le chef de la Sécurité éteignit sa tablette et la rangea dans une de ses poches. Il se tenait juste à côté de la Reine-Mère et éprouvait, comme elle, ce même fort et sincère sentiment d’amour envers ses chers enfants. Il avait là, avec cette magnifique brochette de "Foller" juniors, le plus puissant commando de traitres qu’il ait pu rêver d’avoir. Ces vingt nouveaux agents de surveillance allaient permettre à tous ses autres clones de lui obtenir le Pouvoir. Le Pouvoir de mettre la Reine-Mère à genoux, à quatre pattes et sur le dos.
Il avait conscience, cependant, en regardant ces jeunes personnes, qu’il leur manquait à tous cet instinct grégaire qui caractérisait les mutants. Que, comme lui, chacun d’entre eux était Foller et ne voyait en l’autre qu’un simple pion et un rival. Qu’ils ne seraient que les alliés d’un jour avant d’inévitablement devenir ennemis. Un léger courant électrique parcourut sa joue droite jusqu’au coin de l’œil.
La Reine-Mère avança d’un pas. Elle aussi, voyait en cette stricte procession de nouvelles recrues, sa fière descendance, ses propres enfants, et elle ne pouvait imaginer qu’un seul d’entre eux puisse être le fruit hybride d’une trahison.
- Bien…! Je veux d’abord, tous, vous féliciter pour votre excellence et vous remercier de votre fidélité. Bravo et merci à vous, mes chers enfants…! Vous savez qu’aujourd’hui, la situation interne nous impose d’appliquer certaines des lois les plus extrêmes en matière de surveillance. Elles peuvent paraitre excessives, elles n’en sont pas moins nécessaires et parfaitement constitutionnelles. Vous avez, fort heureusement, tous compris qu’il s’agit d’empêcher, là, une rébellion anti-démocratique et potentiellement violente, qui mettrait la Paix en grand danger…! Vous allez, donc, devoir établir un contrôle permanent sur des cibles bien précises; peut-être, même, sur certaines de vos connaissances. Tout le monde n’est pas d’accord sur le principe et je conçois qu’un sentiment de culpabilité puisse vous retenir de le faire, mais je sais pouvoir compter sur votre sens du devoir. Vous avez, d’ailleurs, été choisis pour cela. Pour votre objectivité et votre absolu respect du droit…!
Là, Horst ne put s’empêcher d’esquisser un sourire des plus cyniques. La Reine-Mère continua :
- Bien qu’une trêve ait été officiellement signée, les rebelles chercheront, peut-être, malgré leur bonne volonté, à tenter quelque chose et à brouiller les pistes pour échapper à la surveillance. Vous devrez être plus vigilants et imaginatifs que d’habitude pour déceler d’éventuels mouvements ou rassemblements suspects. Et d’autant plus méfiants, que s’il leur prenait l’envie d’agir, ils sauraient, eux aussi, être à la hauteur de l’enjeu…! Voilà, mes chers enfants, vous faites, dès-à-présent, officiellement partie du personnel de surveillance. Vous terminerez votre formation sur le tas avec les équipes auxquelles vous serez affectés…! C’est une très grande responsabilité qui vous incombe désormais, car vous aurez les clefs de la Cité entre vos mains. Vous n’aurez certainement pas à vous en servir, mais si tel était le cas, notre sécurité dépendrait alors de vous. Soyez en bien conscients et ayez à cœur d’en faire votre priorité de tous les jours…! Mr Horst vous mettra au courant du règlement et des restrictions spécifiques auxquels vous serez soumis. Bien sûr, si certains d’entre vous décidaient d’abandonner et ce, quels que soient leurs raisons, il ne leur en serait aucunement tenu rigueur…! Merci à vous tous !
Le chef de la Sécurité vint se poster à l’extrémité du rang de recrues.
- Mesdames, messieurs…! Présentation, s’il vous plait ! dit Ian Horst, à voix haute.
La Reine-Mère s’approcha de la première recrue du rang, une jeune femme aux traits bien affirmés et à la filiation plus qu’évidente. Elle lui sourit d’un air maternel, puis lui tendit la main. La jeune recrue se pencha pour l’embrasser. La Reine-Mère caressa les cheveux de la jeune femme d’un geste tendre, puis lui souleva le menton. Elle planta ses yeux noirs dans les siens et y vit un feu intense, quasi passionnel qui la rassura. Cette foi en sa progéniture lui enlevait tout discernement. Cette adoration mystique qu’elle croyait percevoir dans ce regard l’empêchait en définitive de sentir la terrible présence de son pire ennemi… Foller !
- Bravo, mon enfant…!
- Merci, Mère…! dit la jeune femme en se redressant.
La Reine-Mère passa, alors, au suivant, un grand jeune homme androgyne. Totalement dupe, les sens abusés, comme aveuglée, elle ne voyait en lui qu’un beau jeune homme au regard plein d’une passion brûlante dont elle se contenta.
Elle passa, ainsi, de l’un à l’autre, sans se douter qu’elle était, elle-même, passée en revue. Après les avoir tous salués, la Reine-Mère se retourna sur eux et ne vit dans la longue file de recrues que de fidèles et sincères citoyens... ses propres enfants. Elle les admira quelques secondes, un grand sourire aux lèvres, fière et confiante.
- Merci à vous tous, mes chers enfants…! Mr Horst ne manquera pas de vous laisser quartier libre jusqu’à demain. Vous pouvez disposer !
Le chef de la Sécurité frappa dans ses mains.
- Mesdames, messieurs…! Suivez-moi, s’il-vous-plait !
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Foller avait attendu ce moment avec une patiente impatience. Il savait que la Reine-Mère ne se fierait qu’à son instinct de mère pour sélectionner ses plus proches et fidèles serviteurs. Tout avait donc été prévu et ce, dès la transmutation des a.d.n dont il avait eu la responsabilité dans son lointain passé sur Terre, pour la tromper dans ses choix. Son plan avait fonctionné à la perfection et l’avait amené jusqu’ici, sur Eternity. Il lui avait fallu, ensuite, plusieurs années pour obtenir les postes-clefs qu’il convoitait, mais il y était arrivé. La rébellion, tombée à point nommé, lui avait permis d’accélérer les choses. Il avait maintenant les mains libres. Tous les clones dont il avait infesté la mémoire se tenaient prêts à prendre le contrôle de la Cité.
Ardan, que Foller avait choisi pour incarner le mâle parfait et le génie de la génétique qu’il était, se trouvait, à cet instant, seul dans le sas d’observation de la "nurserie" d’où il couvait ses protégés du regard.
De l’autre côté de la vitre de sécurité un robot-scanner avançait entre deux rangées d’œufs. Le faisceau lumineux du scanner glissait lentement sur les gangues de chair pour les ausculter au plus profond. À certains endroits, là où la membrane s’affinait, transparaissaient les corps parfaitement matures des parasites. Chacun d’eux était porteur du génome de l’ignoble Foller.
Ardan décortiquait les données qui s’affichaient à l’écran. Les codes génétiques des parasites s’y inscrivaient en chiffres et en lettres sur d’interminables colonnes. Une immense satisfaction se lisait sur son visage à travers le rictus de joie retenue qui lui sciait les joues et dans le pétillement étincelant de son regard émerveillé. Un plaisir intense le faisait jubiler intérieurement et éloignait la sourde angoisse qui lui nouait les tripes.
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CHAPITRE N°10
Claire Baron et six représentants civils de la Cité Proxima attendaient de partir pour la Cité Eterna. Les harnais de sécurité les maintenaient à leur fauteuil. La technologue appuya du bout de l'index sur la commande fixée au bout de l'accoudoir pour se connecter au centre de contrôle.
- Générale…! Je suis à vos ordres. Nous sommes prêts à décoller ! annonça t-elle.
- Vous avez l’autorisation de décollage. Bonne chance à vous, Mère ! répondit la jeune générale en chef.
- Merci, mon enfant…! Tu es, maintenant, seule maitre à bord. Sois confiante, tu verras que tout se passera bien. Nous serons de retour avant la nuit. Terminé…! ».
- Au revoir, Mère ! répondit la jeune générale.
- À bientôt…! conclût Claire Baron sur un ton solennel.
La jeune fille tourna la tête sur l’extérieur et aperçut le trait d’ombre que provoqua l’ouverture du sas dans la paroi du dôme, au sommet de la Cité. Le vaisseau de la technologue et son escorte quittèrent le parcage et s’élancèrent, droit devant, en direction d’Éterna.
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Claire Baron et les membres de la délégation purent observer, durant les quelques minutes que dura leur voyage, les plaines qui défilaient sous leurs yeux et les infimes variations de couleurs qui les animaient. Qui de noirâtres passaient au jaune pâle ou au vert très clair sur de longues étendues, signes précurseurs d’une réelle amélioration. La journée était relativement calme. Des vents propices chassaient les brumes empoisonnées vers la chaine de volcans, repoussant par la même occasion, les colonnes de cendres qui barraient l’horizon. Le temps était plus ou moins clair de ce côté-ci de l’hémisphère, et la Cité Éterna leur apparut, bientôt, dans toute sa splendeur.
Le grand dôme central resplendissait de sa propre lumière interne et pointait fièrement son large sommet à plus d'un kilomètre d’altitude. Quatre autres dômes, plus petits et de tailles différentes, y étaient accolés pour lui donner l’assise et l’esthétisme dont il avait besoin. Pour finir : une fantastique centrale éolienne, perchée dans les airs, couronnait la Cité. Des milliers de ballons-rotors, ancrés au sol, formaient ainsi un barrage sur toute sa périphérie en cas d’attaque éclair venue du ciel.
Les vaisseaux passèrent le champ de câbles signalisés au ralenti. Des lumières se mirent à clignoter au sol, au milieu d’un vaste terre-plein, pour indiquer la position du tarmac d’atterrissage qui leur était assigné. La technologue y abandonna son escorte et continua seule, sans autre protection que ses six ambassadeurs. Un signal laser les guida jusqu’à l’entrée de l’aérogare, vers une plate-forme dont la surface s’illuminait pour dessiner le mot "Welcome". Le vaisseau s’y posa, puis disparut à l’intérieur de la Cité.
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Claire Baron fut agréablement surprise de l’accueil qui lui avait été réservé. Elle sortit du vaisseau sous les applaudissements des habitants d’Eterna. Les six membres de sa délégation parurent eux aussi soulagés et s'avancèrent en souriant au milieu de la haie d’honneur qu’une petite centaine de citoyens volontaires et triés sur le volet avaient formée pour les accueillir. La petite foule applaudissait Claire Baron avec sincérité et sans aucune condescendance, respectueux de son statut et du prestige qui l’accompagnait. L’ovation dura tout le temps que la technologue mit pour arriver jusqu’à la Reine-Mère. Les deux femmes se serrèrent la main en s’inclinant l’une vers l’autre. Claire Baron fit un suprême effort pour refouler le désir qui lui brûlait les veines.
- Au nom de tous nos citoyens, je vous souhaite la bienvenue à Éterna…! déclara la Reine-Mère avec emphase et à haute voix pour que tout le monde puisse l’entendre. Permettez que les enfants d’Éternity vous accueillent à leur manière en remerciements de tous vos efforts et afin de symboliser notre nouvelle entente !
La Reine-Mère s’écarta d’un pas et se tourna vers les deux jeunes enfants qui attendaient sagement derrière elle. La plus âgée prit les devants. Elle portait une mince gerbe de fleurs blanches et bleues dans ses bras; le plus jeune, lui, en tenait des rouges et noires, et tous deux en tendirent une à Claire Baron, d’abord, puis à chacun de ses ambassadeurs. Les applaudissements reprirent dans la seconde et quelques « Bienvenue ! » enjoués s’élevèrent dans le public.
- Le lys est à vos couleurs, et celle-ci aux nôtres…! dit la reine-Mère en se penchant vers la technologue. Elle provient de nos jardins exotiques…! J’aimerais vous les faire visiter. Il y a, là, une grande partie de la flore disparue de notre chère planète. Vous comprendrez mieux, ainsi, ce que nous espérons d’elle !
Claire Baron ne se laissa pas démonter par le sourire que la Reine lui décocha et compatit.
- Volontiers…! répondit-elle.
Elle ne réussit plus à se contrôler quand la Reine-Mère passa son bras sous le sien avec une délicatesse appuyée pour la mener vers la délégation d’officiels qui attendait de la saluer. Son cœur se mit à battre si fort contre ses côtes que chacune de ses pulsions était ressentie par la Reine-Mère.
- Voici Mr Swan Borman, votre plus fervent opposant. Un homme de parole dont vous avez déjà pu apprécier les arguments…!
- J’ai toujours regretté de ne pouvoir répondre assez vite aux attentes légitimes de nos deux peuples et vous m’en voyez sincèrement désolée. J’ai la certitude, aujourd’hui, que notre planète retrouvera bientôt sa beauté d’antan...! déclara la technologue en serrant la main du représentant de la Société Civile.
- J’ai peu de certitudes, Madame, mais néanmoins beaucoup d’espoir, et nous comptons sur vous pour nous libérer…! répondit Swan Borman.
- Je m’y attache, Monsieur, n’en doutez pas…!
Le jeune homme lâcha la main de Claire Baron et inclina respectueusement la tête.
Le jeune homme lâcha la main de Claire Baron et inclina respectueusement la tête.
- Nil Vidriana…! Fidèle représentante de la Société Civile, au même titre que Mr Borman ! annonça la Reine-Mère en présentant la jeune femme.
- Enchantée…! dit la technologue en la saluant.
- Moi de même…! Très honorée, Madame !
La Reine-Mère continua les présentations.
- Voici Led Marcus, notre Ministre des Technologies, que vous connaissez bien…!
- En effet…! Enchantée, cher collègue !
L’homme prit la main que la technologue lui tendait et la serra chaleureusement.
L’homme prit la main que la technologue lui tendait et la serra chaleureusement.
- C’est un grand honneur de vous recevoir parmi nous, Mlle Baron, et de pouvoir vous féliciter de vive voix pour vos fabuleux travaux…! Notre Université est honorée de collaborer à ce grand projet qui réunit enfin nos deux cités, et c’est au nom de tous les étudiants que je vous souhaite la bienvenue...!
- Je suis comblée…! Très touchée par votre éloge, merci ! répondit la technologue en faisant durer la poignée de main une seconde de plus.
- Je vous présente Ian Horst, notre Ministre de la Sécurité et des Libertés…! Une autorité en la matière et un fidèle compagnon. Il veillera sur vous ! dit la Reine-Mère.
- Je me souviens très bien de vous, Mr Horst, et de votre efficacité…! Je suis enchantée d’avoir un aussi bel homme comme ange-gardien ! plaisanta Claire Baron.
Le chef de la sécurité garda son air imperturbable et répondit :
- Mes hommages, Mlle Baron…! Merci du compliment !
- Et voici mon premier assistant et conseiller, Ardan Aguilar…! Accessoirement, gardien de zoo, à ses heures perdues !
Les propos de la Reine amusèrent Ardan et il sourit franchement. La très pertinente remarque que lui fit, alors, la technologue mit tout le monde d’accord.
- C’est un Ministère qui en vaut un autre…! dit celle-ci en prenant la main du jeune homme. Et elle ajouta, tandis que des rires polis se faisaient entendre : J’en ai entendu parler et je serais ravie d’en faire la visite...!
- Avec plaisir, dès que l’occasion se présentera…! Vous êtes la bienvenue ! répondit Ardan.
La Reine-mère était satisfaite de la tournure que prenaient les évènements, de l’ambiance détendue qui s’était installée. Elle attira la technologue à elle, la prenant délicatement par le bras, puis s’adressa, tout d’abord, à sa propre délégation :
- Mesdames et Messieurs, vous êtes conviés à assister à la signature de l’accord à l’heure convenue. J’invite les responsables civils et Mlle Baron à me suivre afin de préparer leur apparition publique...!
Elle se tourna, ensuite, vers les six ambassadeurs.
- Mes ministres et concitoyens vous serviront de guides jusque là, chers amis. Les portes de notre Cité vous sont ouvertes…!
Elle se tourna, ensuite, vers les six ambassadeurs.
- Mes ministres et concitoyens vous serviront de guides jusque là, chers amis. Les portes de notre Cité vous sont ouvertes…!
Le Ministre des technologies fut le premier à taper dans ses mains, suivi des deux délégations, puis de toute l'assemblée. Tous, applaudirent chaleureusement la sortie de la Reine-Mère et de sa prestigieuse invitée. Un « Bienvenue aux Gaïahels ! », crié par un enfant, jaillit de la petite foule enjouée. La Reine se pencha vers la technologue.
- Vous ne m’en voudrez pas, Claire, d’avoir rendu l’évènement plus officiel que prévu...!
- Je ne m’attendais pas à un tel accueil. Je redoutais plutôt le contraire…!
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CHAPITRE N°11
L’infernal esprit d’Edward Foller hantait l’inconscient de sa centaine de clones. Chacun d’entre eux, à cet instant, se sentait en parfaite symbiose avec tous les autres. Leurs cent individualités ne formaient plus qu’un seul et même esprit. Disséminés un peu partout dans la Cité, au sein des postes-clefs, ils surent tous dans le même temps que le moment d’agir était venu.
Quarante d'entre eux se destinaient à la surveillance de la Cité et à sa prise en main. Les écrans holographiques de la salle de contrôle fonctionnaient tous. On pouvait y voir la Reine-Mère, Claire Baron et Swan Borman en pleine séance de maquillage robotisé ainsi que les citoyens qui déjà investissaient le grand amphithéâtre, affluant de toutes parts, quittant appartements, salles et bureaux d’études, centrales de sports et de loisirs, toute affaire cessante, pour assister au grand évènement. Des couloirs, des salles, des labos et des ascenseurs vides se succédaient sur les écrans. Quelques retardataires pressaient le pas. Seules, les écoles et les crèches recélaient encore de l’activité. Les enfants et le personnel y étaient relativement nombreux, mais se trouvaient parqués dans un périmètre très restreint, facile à surveiller.
Une vingtaine d’agents de surveillance étaient alors présents dans la salle de contrôle. Installés à leur pupitre face aux écrans holographiques, claviers et manette sous la main, ils s’affairaient à inspecter chaque quartier de fond-en-comble.
Très lentement et sans faire de bruit, cinq des agents nouvellement recrutés se levèrent de leur siège d’un même élan, puis chacun d'eux se dirigea vers un des cinq agents non infestés par l'infâme professeur Foller... seuls innocents que Horst n'avait pas réussi à évincer. Les nouvelles recrues infestés par Foller se déplacèrent si légèrement qu’aucune des victimes ciblées ne s’en aperçut avant l’instant fatidique. Les alarmes se mirent à clignoter sur tous les écrans : « Mouvements suspects… Interception autorisée… ».
Aucun des cinq martyrs n’en réchappa. Ils furent happés de leurs sièges avant d’avoir pu faire un geste, les bras solidement maintenus par leurs plus proches voisins, le cou et la tête pris dans un étau meurtrier... et Clac ! Les bourreaux accomplirent leur travail de concert, sans autre signe émotif qu’une crispation nerveuse du profil droit.
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La mise en scène très théâtrale que la Reine-mère avait imaginée se déroulait parfaitement bien. Le grand amphithéâtre était à la mesure de l’évènement et était assez vaste pour contenir la quasi-totalité des citoyens d’Eterna. Ceux-ci s’étaient déplacés en si grand nombre que plus aucune place assise n’était disponible. Sur la scène, un étudiant finissait d’expliquer un exposé scientifique sur la conception des macro-sphères nano-élastiques. Un immense hologramme représentant un volcan aux parois bardées de technologie surplombait la scène. Une musique légère retentit au dernier mot du discours, déclenchant les applaudissements nourris de l’assemblée citoyenne.
Horst cligna de l’œil malgré lui. Il était assis au côté d’Ardan et l’observait. Ce dernier mit discrètement une petite pilule sur le mouchoir qu’il avait dans le creux de sa main et l’avala en retenant un haut-le-cœur. Il fit mine de bloquer un éternuement, puis adressa un sourire gêné au Chef de la Sécurité. La délégation ministérielle, ainsi que les six ambassadeurs et les membres de la Société Civile occupaient tout le premier rang avec eux. Derrière, la grande majorité des citoyens était présente et remplissait les tribunes de bas en haut.
Une grande table de bois vernis venait d’être placée au centre de l’estrade illuminée. Trois manuscrits cartonnés et scellés y étaient disposés, prêts à être signé, un porte-plume posé sur chacun d’entre eux. Tout le monde pouvait les voir sur l’écran holographique qui surplombait la scène et lire ce qu’il y avait d’inscrit en lettre d’or sur les couvertures ouvragées faites de cuir synthétique : « Accord de Paix », puis en dessous, « Cessation des émissions toxiques ».
Trois androïdes finirent d’installer les fauteuils autour de la grande table, puis s’empressèrent de disparaitre. La lumière baissa soudain d’intensité, sans toutefois plonger la salle dans le noir, puis la Reine-Mère apparut. Elle entra sur la scène sous les applaudissements du public et sous la lumière ténue d’un projecteur.
- « Mes chers enfants, chers ambassadeurs, je veux vous dire quel soulagement je ressens à ce jour. Quelle satisfaction j’ai à savoir nos deux peuples enfin réunis...! En signant cet accord, nous posons ensemble une des bornes qui marquera l’histoire de notre civilisation. Cette union est le point de départ de notre histoire commune. Qu’elle soit née d’un conflit nous opposant n’est pas un paradoxe. Chaque habitant rêve de faire de notre planète, un paradis; mais il comprend, aussi, qu’il ne peut y prétendre qu’au prix d’un sacrifice…! Défendre et conquérir de nouveaux territoires est primordial. Et pour cela, la Neutrinite, qui est aussi notre poison quotidien, est notre seule chance. Nous ferons avec, tant qu’un nouveau site ne sera pas découvert. La production des cinq années à venir nous permettra d’explorer les territoires les plus accessibles et d’atteindre ce but…! Ce délai passé, et s’il s’avérait que la pollution persistait, l’extraction du minerai sera mis sous tutelle civile, réduite, voire interdite, la production ne pouvant reprendre ou augmenter qu’en cas d’attaque extérieure. Ce sont là, les points importants de l’accord qui va être signé aujourd’hui. C’est sans doute le jour le plus important depuis notre arrivée sur Éternity, car il scelle, ici, une union fondamentale entre nos peuples…! Je veux remercier tous les acteurs de cette réussite et plus particulièrement les deux principaux protagonistes et signataires de cet accord : Mr Swan Borman et Mme Nil Vidriana pour leur grande sagesse dans l’adversité, et bien sûr, Mlle Claire Baron, pour sa performance technologique. Accueillons-les comme ils le méritent ! ».
La Reine-Mère se tourna, alors, vers eux tandis qu’ils pénétraient sur la scène et les applaudit. Le public, clément, l’imita. Les militants de la rébellion ovationnèrent spontanément leur chef de file et lancèrent d’ironiques « Vive la Baronne ! ».
Horst se mit à taper dans ses mains sans grande conviction. Inquiet, il jeta un coup d'oeil vers Ardan. Ce dernier semblait lutter contre une subite nausée qu’il réussit rapidement à réfréner avant d’applaudir à son tour.
Horst se mit à taper dans ses mains sans grande conviction. Inquiet, il jeta un coup d'oeil vers Ardan. Ce dernier semblait lutter contre une subite nausée qu’il réussit rapidement à réfréner avant d’applaudir à son tour.
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Tous les agents de surveillance infestés par Foller étaient à leur poste. Absorbés par leur travail, ils ne portaient aucune espèce d’attention aux cinq cadavres entassés derrière eux dans un container à sustentation, au beau milieu de la salle de contrôle. Un de leurs collègues finissait de caler les corps à l'intérieur du caisson. Ce dernier rabattit le couvercle à l’aide de sa télécommande avant de quitter la pièce.
Sur les écrans holographiques, apparaissait un scanner de la Cité au tracé vert fluorescent. Des quartiers entiers y étaient visibles sur plusieurs niveaux. Chaque sas de sécurité y était représenté par deux petits traits rouges horizontaux, chaque ascenseur par des verticaux. L’un des agents suivait justement la progression d’un monte charge et des minuscules points bleus qu’il contenait. À y regarder de plus près, on devinait les silhouettes bleutées de chacun des clones de Foller qui se trouvaient à l’intérieur. Il tapota sur son clavier : « Ouverture autorisée sas S/S 3. 17 A… » et envoya l’ordre.
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Trois hommes et trois femmes, tous infestés par la mémoire de Foller, sortirent du monte charge et coururent jusqu’à l’entrée du sas de sécurité. Ils portaient tous un fusil anesthésiant en bandoulière et pour certains, un sac à outils L’un d’eux posa sa main sur le détecteur mural. Un grand sourire de satisfaction illumina le visage des six compères quand la porte coulissa dans la paroi murale. Les six abominables traitres s’engouffrèrent à l’intérieur du sas, attendirent que la première porte se referme sur eux et permette l’ouverture de la seconde, puis pénétrèrent enfin dans le grand hangar à véhicules.
Sans un mot, ils se séparèrent en deux groupes. Les uns se dirigèrent vers le parking où s’alignaient pelleteuses, défonceuses, grues multi-fonctions et quelques tunneliers-laser posés sur leur rampe d’ancrage. Les autres se pressèrent vers le stock de gaz liquide. Des milliers de bouteilles d’hydrogène, d’hélium et d’oxygène étaient empilées sur tout un côté du vaste hangar... prêtes à servir.
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- …il est, enfin, stipulé, qu’en ce cas de figure, tout refus d’obtempérer aux injonctions civiles sera considéré comme une déclaration de guerre et qu’autorité sera remise aux civils pour leur permettre d’employer la force contre tout contrevenant...!
La Reine-Mère prit son porte-plume et signa au bas de la dernière page d’un geste sûr. Face à elle, les deux responsables civils et Claire Baron paraphèrent l’accord de leur plus belle signature. Ce fut, ensuite, un long et laborieux échange de livrets qu’ils effectuèrent entre eux par l’intermédiaire de deux assesseurs androïdes, sous le regard bienveillant du public et dans un silence empreint de solennité.
Les trois ultimes signatures furent enfin réunies au bas des derniers feuillets. La Reine-Mère referma son livret, posa le porte-plume dessus, puis se leva pour applaudir. La foule se libéra enfin de cette longue heure d’attente et l’imita. Le premier rang se leva comme un seul homme, entrainant tout le public avec lui dans une longue ovation.
Le point d’orgue de la petite mise en scène fut l’intense poignée de mains et les sourires de façade que les deux anciens antagonistes échangèrent sous l’égide de la Reine. Cette dernière joua son rôle avec le naturel d’un vieux loup de la politique. Elle s’immisça entre eux, leur prit la main et les brandit, toutes deux, bien haut. Elle voulait être le trait d’union entre leurs deux peuples, le symbole d’une justice quasi divine dont chacun avait besoin. Tous les portables étaient pointés vers la Reine-Mère et les trois autres signataires de l’accord pour fixer l’évènement. Seuls Horst et Ardan n’y avaient pas songé. C’est à cet instant que tout bascula.
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Deux colonnes de robot-cops jaillirent soudainement par les coulisses et se ruèrent au devant de la scène pour faire barrage. Le public crût d’abord que l’apparition d’un escadron de police était naturelle en l’état, au vu du caractère exceptionnel que revêtait l'évènement. Il s’aperçut très vite de son erreur quand la Reine-Mère et Claire baron furent toutes deux empoignées sans ménagement par une dizaine de policiers-androïdes, tandis que les deux responsables civils étaient brutalement reconduits au bas de l'estrade avec le public
Une rumeur monta dans l’amphithéâtre quand des transbordeurs à sustentation et leur chargement de bombes furent installés au bord de la scène. La stupeur fut d’autant plus grande que les corps des cinq agents de surveillance assassinés y étaient exposés, accrochés aux bouteilles de gaz liquide par des filins d’acier. Une clameur s’éleva dans l’amphithéâtre.
- Trahison…! cria un citoyen.
Un sentiment de panique parcourut la foule et déclencha, chez certains, un irrépressible désir de fuite. Des groupes de citoyens s’élancèrent vers les sas de sécurité pour tenter de sortir... en vain. Les portes restèrent closes. D’autres commencèrent à quitter leur place, puis à descendre vers le bas de la scène pour s’y amasser. Il était temps d’agir pour Horst et Ardan et ils ne perdirent pas une seconde de plus. Ils s’avancèrent vers le cordon de policiers et leur tendirent la main.
- Faites nous monter…! ordonna le Chef de la Sécurité.
Les deux clones du Professeur Foller se firent hisser jusqu’à la scène par deux policiers-androïdes. Les haut-responsables qui étaient à leur côté crurent un instant que les deux hommes allaient mettre fin à tout ce cirque. Certains tentèrent même de les suivre, pensant que leur haut-grade le leur permettait, mais ils ne reçurent qu’un coup de semonce qui les fit reculer.
Ardan ordonna à Claire Baron et à une escorte de policiers de le suivre. Il envoya un clin d’œil provocateur et ironique à la Reine-Mère en passant devant elle, jubilant de la voir si décontenancée, puis il disparut dans les coulisses avec un grand sourire aux lèvres.
Horst se tourna vers la salle pour s’adresser au public.
- Du calme, chers concitoyens, du calme…! Personne ne sera blessé si vous restez calme. Ceci n’est pas dirigé contre vous. C’est un coup d’état destiné à vous libérer, et comme vous le voyez, il a été minutieusement préparé. Vous ne serez retenus que quelques heures et vous pourrez ensuite reprendre une vie normale…! Toute tentative de révolte déclencherait des représailles qui affecteraient en tout premier lieu nos chers petits écoliers. Ne vous inquiétez pas pour autant, nous veillons sur eux avec beaucoup d’attention et ils vous seront rendus en pleine forme…! Il vous faut, maintenant, compter sur la bonne volonté de votre Reine-Mère et espérer qu’elle aura à cœur de tous vous sauver !
- Traitre…! Sale traitre ! Assassin ! entendit-on dans le public.
Les insultes fusèrent, alors, en tous sens. Le chef de la sécurité, indifférent aux invectives, se tourna vers la Reine-Mère d'un air satisfait. L'image de cette dernière, retenue par quatre solides robot-cops, sans défense et entièrement à sa merci, aggrava l’amplitude de son pernicieux sourire. Il s’approcha d’elle et plongea son regard dans le sien. Sa paupière droite cligna imperceptiblement et son visage se figea.
Les insultes fusèrent, alors, en tous sens. Le chef de la sécurité, indifférent aux invectives, se tourna vers la Reine-Mère d'un air satisfait. L'image de cette dernière, retenue par quatre solides robot-cops, sans défense et entièrement à sa merci, aggrava l’amplitude de son pernicieux sourire. Il s’approcha d’elle et plongea son regard dans le sien. Sa paupière droite cligna imperceptiblement et son visage se figea.
- Alors, ma chère Eleen…! Vos souvenirs refont-ils surface...?
La reine-Mère ne se posait qu’une seule et unique question : comment un de ses fils pouvait-il agir ainsi contre elle et la colonie ?
- Qui êtes vous, Horst, pour oser faire une telle folie...?
Le chef de la Sécurité émit un ricanement nerveux.
Le chef de la Sécurité émit un ricanement nerveux.
- Emmenez-la…! Direction, la salle de haut-commandement...! ordonna-t-il à ses policiers.
Ils gagnèrent les coulisses et disparurent.
Ils gagnèrent les coulisses et disparurent.
Dans l’amphithéâtre, les cris, les injures et les appels au calme retentissaient avec force et véhémence. Swan Borman tenta de reprendre le contrôle de la situation et fit de grands gestes pour attirer l’attention. Sur l’avant-scène, le cordon de robot-cops, jambes et bras écartés, formaient une barrière infranchissable destinée à protéger les explosifs d’un éventuel désamorçage. Derrière eux, le rideau anti-feu s’abaissait lentement. Il s’écrasa bientôt sur l’estrade, condamnant l’accès aux coulisses.
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Ardan se tenait plié en deux, le front collé à la cloison de l’ascenseur. Il dévissa fébrilement le capuchon de son flacon de pilules, en avala deux en grimaçant, puis cracha la salive ensanglantée qui s’était accumulée dans sa bouche. Claire baron, retenue par son escorte de policiers-androïdes, l’observait d’un air dégoûté et suspicieux à la fois.
Le tintement d’une petite cloche retentit et le numéro d’étage se mit à clignoter. Ardan se redressa en s’essuyant le coin des lèvres d’un revers de manche, puis prit une profonde inspiration. De minuscules gouttelettes de sueurs tapissaient le haut de son front jusqu’aux tempes. Un bénéfique courant d’air lui caressa le visage à l’ouverture des portes.
Regroupés sur l’embarcadère qui menait au « Zoo », sur la plateforme d’accès au sas-mobile, onze de ses congénères attendaient fébrilement qu’Ardan apparaisse. Celui-ci les rejoignit à grande enjambées, suivit des deux policiers-androïdes qui maintenaient la technologue. Il tapa aussitôt son code d’entrée sur l’écran tactile. Une petite languette s’abaissa sur le côté afin qu’il y pose le bout de son doigt. L’aiguille-sonde en transperça la peau et la pulpe pour recueillir quelques brins d’a.d.n. L’écran afficha le résultat en une seconde : Accès non-autorisé…!
- Il y a quelque chose qui cloche…?! s’inquiéta immédiatement l’un des clones.
- Merde…! Non, c’est moi. J’avais oublié…! répondit Ardan en fouillant dans une de ses poches.
Il en retira une petite boite plastique qu’il ouvrit délicatement. À l’intérieur, baignant dans un liquide transparent plein de glace pilée, se trouvait la dernière phalange de son index gauche. La blessure qu’il s’était infligée quelques temps auparavant était, elle, parfaitement cicatrisée. Il avait dû se résoudre à un tel sacrifice en prévention de l'acte contre-nature qu'il venait de commettre.
Il recomposa son code, puis déposa le bout de chair sur la languette, appuyant sur la surface de l’ongle racorni pour le maintenir en place. Le détecteur rendit son verdict : « Accès autorisé…! ». Ils s’engouffrèrent tous dans le sas-mobile avec la prisonnière. Ardan enclencha la fermeture du transporteur, puis sa mise en route vers le "Zoo".
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Horst avait pris soin de rester à bonne distance de la Reine-Mère malgré la puissante escorte d’androïdes qui la retenait prisonnière. Celle-ci pouvait lui briser la nuque en un éclair s’il lui en laissait l’occasion. Il était, donc, sur ses gardes, posté à quelques mètres derrière elle et protégé par deux de ses policiers. Ils arrivèrent devant l’entrée du sas menant au poste de haut-commandement.
La Reine-Mère arrêta son geste à un centimètre de l’écran tactile. Elle hésita un court instant, puis voulût se retourner. Horst réagît aussitôt :
- N’essayez pas de gagner du temps, Ellen...! menaça-t-il.
La Reine-Mère se résigna et composa son code d’accès. Elle apposa ensuite le bout de son index sur la languette de détection et attendit que l’aiguille-sonde fasse son travail. Le résultat apparut à l’écran : Accès autorisé…! Si Horst ne l'avait pas faite prisonnière et mise aux fers dans l'attente de son bon vouloir, c'est parce qu'elle était la seule à détenir le code génétique du virus qu'on lui avait injecté au départ de la mission "Eternity", et qu'il allait avoir besoin d'elle pour chaque opération de commandement.
La lourde et épaisse porte s’ouvrit sur la salle du haut-commandement. Horst pénétra à l’intérieur avec sa prisonnière. Un grand pupitre et un magnifique fauteuil de style gigerien trônaient au milieu du poste de haut-commandement. De chaque côté, les racks de l’ordinateur central formaient un mur sur toute la longueur de la vaste pièce. Aucun bruit de fond, aucun bourdonnement, ne venait, cependant, perturber le calme qui régnait au sein de ce sanctuaire sacré.
- Allez-y, Ellen, installez-vous...! Et ne doutez pas un seul instant de ma détermination...! Je sacrifierai vos petits-enfants, sans hésiter. Imaginez seulement de les voir jetés en pâture et dévorés par vos chères bestioles...! menaça le Chef de la Sécurité.
La Reine-Mère fut menée à son fauteuil sans ménagement. Les chevilles entravées, les épaules solidement maintenues contre le dossier par deux gardes et un multi collé sur chaque tempe, elle se savait impuissante.
- Vous n’arriverez jamais à défaire l’Armée Gaïahelle...! C'est une guerre que vous allez déclencher...!
Horst interrompit la Reine-Mère en prenant un ton agacé :
Horst interrompit la Reine-Mère en prenant un ton agacé :
- Je n’ai pas besoin de vos conseils, Ellen. Contentez vous de m’obéir…! Vous délèguerez le commandement au Général Ayaki…!
Elle entra son code dans l’ordinateur, puis posa le bout de son doigt sur la languette du détecteur. L’écran holographique s’illumina devant elle et diffusa un fond céleste. Elle formula un ordre sur le clavier tactile, puis les noms des généraux habilités à prendre le commandement de l’Armée s’inscrivirent à l’écran. Elle en sélectionna un sur les huit qu’elle avait nommés, puis envoya l’ordre de passation de pouvoir. « Général Ayaki... Passation autorisée… Demande de confirmation... » s'afficha à l'écran holographique.
- Vous avez toujours "si bien" choisi votre entourage, Ellen...!
La Reine-Mère avait du mal à comprendre les insinuations de Horst et elle peinait à découvrir sa véritable identité. Comment, lui et ses complices, avaient-ils pu si facilement la berner...? Lui, Ayaki et Ardan en qui elle avait mis toute sa confiance. Elle était effarée de les savoir tous ligués contre elle dans ce coup d’état. Elle entrevit, soudain, la possibilité d’un complot prévu bien avant leur départ pour Éternity. Sur Terre, au sein de son laboratoire de recherche génétique. Et pour la première fois, elle pensa à Nico. Il avait été le seul à pouvoir le faire. Le seul, en qui elle avait eu une entière confiance. Elle ne voulait, pourtant, pas se résoudre à croire qu’il aurait pu la trahir. Pas lui, son fils "adoptif", son amour maternel.
La Reine-Mère avait du mal à comprendre les insinuations de Horst et elle peinait à découvrir sa véritable identité. Comment, lui et ses complices, avaient-ils pu si facilement la berner...? Lui, Ayaki et Ardan en qui elle avait mis toute sa confiance. Elle était effarée de les savoir tous ligués contre elle dans ce coup d’état. Elle entrevit, soudain, la possibilité d’un complot prévu bien avant leur départ pour Éternity. Sur Terre, au sein de son laboratoire de recherche génétique. Et pour la première fois, elle pensa à Nico. Il avait été le seul à pouvoir le faire. Le seul, en qui elle avait eu une entière confiance. Elle ne voulait, pourtant, pas se résoudre à croire qu’il aurait pu la trahir. Pas lui, son fils "adoptif", son amour maternel.
- Qu’est-ce que vous attendez pour envoyer cette confirmation, Ellen ! s’emporta le Chef de la Sécurité.
La Reine-Mère tourna la tête vers lui et planta son regard noir dans le sien.
- Qui êtes vous, Horst…! Elle le sonda plus profondément et reprit : Est-ce-que c’est toi, Nico…?
- Ah, ah, ah…! Vous venez de comprendre, Ellen...! Bravo...! Vous êtes sur la bonne voie. Mais, ne comptez pas sur vos vieux amis pour vous aider; j’ai pris la précaution d’évacuer toutes les mémoires inutiles à mon projet....! Ah, ah, ah…! Vous pouvez me féliciter d’avoir réussi à faire cela, bien avant vous, Ellen...! N’avez-vous pas un jour rêvé d’avoir ce don...? Je suis sûr que si, mais vous êtes trop sage, trop complaisante pour vouloir imposer votre esprit à tous les autres, alors qu’ils en ont tant besoin…!
- Je n’ai pas la prétention de devenir un tyran psychotique comme vous, Foller !
- Eh bien, voilà, vous savez, maintenant...! Vous avez su reconnaitre mon talent. Unique, non…?! Que pensez-vous de mes transmutations...? Elles vous surprennent… ?!
- Vous êtes complètement fou, Foller. Et immature…! Écoutez-vous, en train de vous justifier de manière pitoyable alors que vous avez commis des crimes impardonnables…! Vous êtes… ».
- Ce n’est pas un crime de vouloir rendre de pauvres hères aussi géniales que leur concepteur. Vous avez fait pire, Ellen. Je sais que vous avez toujours eu l’intention de transformer l’Humanité toute entière à votre image…! A l’image de la Reine-xénomorphe que vous êtes devenue. J’espère, d’ailleurs, que vous avez réussi. Je m’en voudrais de retourner sur Terre pour n’y trouver qu’une pauvre espèce de singes dégénérés en voie de disparition. Ah, ah, ah…! Trêve de plaisanteries, mon temps est précieux. Nous reprendrons cette discussion plus tard…! Envoyez cet ordre, maintenant...!
La Reine-Mère s’exécuta. Elle mit son doigt sur la languette de détection pour que l’aiguille fasse son office. « Passation effectuée… » s’afficha à l’écran.
- Bien…! fit Horst, en soupirant d’aise. Établissez la liaison avec le Général Ayaki !
Le général apparut à l’écran holographique, un grand sourire aux lèvres. Il s’adressa aussitôt à la Reine-Mère.
- Vous avez fait le bon choix, Ellen. Continuez à obéir et vous retrouverez vos enfants sains et saufs. Ce n’est l’affaire que de quelques heures…! Vous pouvez y aller, Horst. Encore quelques vérifications et nous lancerons l’attaque. Je vous recontacte…! Soyez patiente, Ellen, et surtout bien docile. Nous vous voulons en bon état…!
Le général coupa la transmission et disparut.
Le général coupa la transmission et disparut.
- Détachez-la et suivez moi…! Direction le "zoo" ! ordonna le Chef de la Sécurité.
Les gardes libérèrent la Reine-Mère de ses liens, la relevèrent brusquement, puis la poussèrent vers le sas de sécurité.
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Un calme relatif régnait dans l’amphithéâtre. Swan Borman avait, tant bien que mal, réussi à capter l’attention de la foule et il tentait, maintenant, de calmer les plus vindicatifs. Des citoyens anti-rebelles l’accusaient d’être responsable de leur situation.
- Aucun portable ne fonctionne… ! On est complètement piégé ! s’exclama l’un d’eux. Puis il se retourna vers Swan Borman.
- C’est de votre faute, si nous en sommes là… ! Alors, gardez vos conseils !
- C’est de votre faute, si nous en sommes là… ! Alors, gardez vos conseils !
Un des ministres délégués de la Cité Proxima s’interposa immédiatement et prit la parole :
- Du calme, messieurs, nous sommes tous dans le même bateau…! Les rebelles et leurs partisans sont pris en otage, eux aussi. Mr Borman a raison. Essayons d'ouvrir un des sas de sécurité. Il n’y a rien d’autre à faire !
- Ils ont certainement posté des androïdes et des bombes dans le hall, c’est trop risqué. Nous sommes faits comme des rats…! lui rétorqua-t-on.
- Moi, je crois qu’il faut tenter le coup… ! reprit Swan Borman.
Un grondement sourd se fit entendre au même instant, puis de puissantes vibrations firent trembler le sol. Les gradins, les murs, les structures, tout se mit à vibrer sous eux, autour d’eux, et donna aux citoyens une nouvelle occasion de paniquer.
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L’un des ingénieurs qui avaient transporté puis programmé les tunneliers-laser était resté en arrière pour s’assurer du bon déroulement de la mission. Calfeutré à l’intérieur du sas de sécurité qui donnait sur le hall de l'amphithéâtre, il observait la mise en route des deux excavatrices. Placées contre la double paroi du dôme de protection, dans le grand hall circulaire d’où l’on accédait à l’amphithéâtre, les tunneliers entrèrent en action. Leur but : faire entrer les gaz empoisonnés du dehors, à l'intérieur de la Cité.
Fixées à l’envers sur leur rampe, têtes pointées vers le haut, les deux énormes machines entamèrent la première paroi de diamantine du dôme. Le bruit des turbines d’évacuation se mêla aux crépitements explosifs et aux crissements que la diamantine émettait sous le feu des lasers et sous la pression de la coque brûlante. Les tunneliers avancèrent imperceptiblement, grignotant l’épais feuilletage de diamantine, centimètre par centimètre. Des milliers de minuscules éclats incandescents jaillirent tout autour des têtes-perceuses telle une couronne de feu. Les puissants jets de gaz brûlant et de poussière de diamantine expulsés par les réacteurs se mirent, immédiatement, à envahir le hall.
_
Dans la salle de contrôle, le spectacle était sur tous les écrans. On pouvait y suivre la progression du Chef de la Sécurité, Ian Horst et de sa prisonnière, la Reine-Mère. On y voyait deux ingénieurs, eux aussi infestés par Foller, qui maniaient un tunnelier à la sortie d’un monte-charge; les citoyens piégés à l’intérieur de l’amphithéâtre et qui croyaient leur dernière heure arrivée; les jeunes écoliers insouciants qui jouaient ou étudiaient en compagnie d’instituteurs et d’institutrices encore inconscients de ce qui se tramait en dehors de leur salle d’école, à seulement quelques mètres d'eux, dans les couloirs adjacents où d’autres agents, eux aussi infestés par le diabolique professeur Foller, disposaient au même instant des bouteilles de gaz liquide transformées en bombes. Le piège se refermait impitoyablement sur la Cité.
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Fin du onzième épisode

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