Alien 5 Eternity (quatrième épisode)
CHAPITRE N°1
- Alors…! Qu’est-ce que vous en pensez ? demanda l’agent artistique de la N.A.S.A. derrière son masque de protection.
- Personnellement, je trouve cela ridicule et vulgaire. Même si le rendu est exceptionnel, je vous l’accorde..! répondit Mme Weaver.
L’actrice était assise dans un fauteuil plastifié et portait une blouse d’hôpital. Elle tendit le pad à son propriétaire. L’agent artistique le reprit pour le glisser dans sa serviette de cuir noir, puis répondit :
- On a vu plus vulgaire... Vous savez, on ne cherche pas à cibler le public le plus psychopathe de la planète, non merci. Mais encore moins les intellectuels ; il y en a si peu. On vise entre les deux…! Bon, d’accord, c’est un peu trash et salace. Mais c’est surtout moderne et populaire ! On peut montrer beaucoup de choses maintenant, ça se décomplexe !
- Vous parlez tout seul…?
- Excusez-moi…! Mais je crois que le public aimerait savoir comment s’est passé votre retour sur Terre ! Ce sont ces quelques minutes qui vont changer le cours de l’Histoire...!
- Écoutez, je vous ai donné mon avis. Maintenant faites ce que vous voulez. Vous semblez vous être déjà entendu avec la production, alors ce sont eux qui décideront…!
- J’aurais aimé avoir votre accord…!
- Eh bien, vous l’avez…!
- Ah…! Merci… Vous verrez que le public en redemandera !
- Je n’en doute pas…!
- Une dernière chose…! N’oubliez pas que vous avez rendez vous, demain, avec la rédactrice de "Starmust" pour préparer l’émission. Elle m’a parlé d’un débat entre vous et les associations d’anti-extraterrestres... qui va peut-être vous paraitre invraisemblable, mais qui à mon sens ne manquera pas de faire sensation. Et puis d’une rétrospective et d’un reportage. Elle voulait que je vous en dise deux mots. Voilà…! Je vous laisse entre les mains de vos tortionnaires. Je crois qu’ils n’attendent plus qu’une chose, c’est que je déguerpisse. Alors, à demain et bon courage !
Il salua l'actrice d’une petite courbette, puis quitta la pièce. L'infirmière qui patientait dans la pièce adjacente, entra en poussant un chariot chargé de fioles vides, d’aiguilles sous emballages, de ciseaux, de câbles, de flexibles et de divers autres instruments de torture.
- Voilà, voilà… La séance va commencer ! Mon collègue va venir s’occuper des prélèvements sanguins et des biopsies… Ne vous inquiétez pas, il a des doigts de fées. Vous allez voir, on va être aux petits soins avec vous. C’est moi qui vais m’occuper de vous raser la tête. Je n’ai pas fait de formation de coiffeuse, mais c’est tout comme !
Un infirmier entra et se présenta en souriant timidement. Il posa les fesses sur un tabouret, puis s’attela à la tâche.
- Posez le bras là-dessus, s’il-vous-plait ! demanda l'infirmier en tapotant le plastique du fauteuil.
L'actice préféra ne pas voir l'aiguille entrer dans sa chair. Elle ferma les yeux et s'abandonna aux mains expertes de l’infirmière. Mèche après mèche, dans un silence quasi religieux, le sabot laser fit son œuvre. Chaque nouvel effleurement la relaxait un peu plus. Elle aurait presque pu se croire chez l’esthéticienne si à cet instant son sang ne s’écoulait goutte à goutte dans le tube de verre que tenait l’infirmier. L'actrice finit par sombrer dans un demi-sommeil, un rêve entre deux mondes dans lequel la réalité se mêlait étrangement à la fiction.
Il salua l'actrice d’une petite courbette, puis quitta la pièce. L'infirmière qui patientait dans la pièce adjacente, entra en poussant un chariot chargé de fioles vides, d’aiguilles sous emballages, de ciseaux, de câbles, de flexibles et de divers autres instruments de torture.
- Voilà, voilà… La séance va commencer ! Mon collègue va venir s’occuper des prélèvements sanguins et des biopsies… Ne vous inquiétez pas, il a des doigts de fées. Vous allez voir, on va être aux petits soins avec vous. C’est moi qui vais m’occuper de vous raser la tête. Je n’ai pas fait de formation de coiffeuse, mais c’est tout comme !
Un infirmier entra et se présenta en souriant timidement. Il posa les fesses sur un tabouret, puis s’attela à la tâche.
- Posez le bras là-dessus, s’il-vous-plait ! demanda l'infirmier en tapotant le plastique du fauteuil.
L'actice préféra ne pas voir l'aiguille entrer dans sa chair. Elle ferma les yeux et s'abandonna aux mains expertes de l’infirmière. Mèche après mèche, dans un silence quasi religieux, le sabot laser fit son œuvre. Chaque nouvel effleurement la relaxait un peu plus. Elle aurait presque pu se croire chez l’esthéticienne si à cet instant son sang ne s’écoulait goutte à goutte dans le tube de verre que tenait l’infirmier. L'actrice finit par sombrer dans un demi-sommeil, un rêve entre deux mondes dans lequel la réalité se mêlait étrangement à la fiction.
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Une masse noire grumeleuse, opaque, emplissait l’espace tout autour d’elle, à la fois si lointaine, inatteignable, et comme posée contre son visage, à portée de main, presque palpable. De furtifs reflets argentés émergeaient parfois de la surface noirâtre en scintillant et se propageaient par vagues en un lancinant balancement qui s’évanouissait à un endroit avant de renaitre à un autre. Un faible cliquetis lui tambourinait régulièrement les tympans. Un lointain signal que semblait émettre l’obscur remous qui l’enveloppait. Impossible d’y échapper...! Elle avait beau essayer de penser à autre chose, de chercher une issue dans l’obscurité, elle s’en rapprochait inéluctablement. Ce fut, bientôt, un noir océan se charriant lui-même. Mille reflets d’argent en crevaient la surface, puis disparaissaient, engloutis par des flots bouillonnants. Elle discerna, enfin, les dizaines de milliers de sombres et luisantes carapaces ovoïdes qui grouillaient sous ses yeux. Un horrible crissement ininterrompu se superposait au concert de cliquetis organiques qui surgissaient de cette monstrueuse soupe d’insectes. C’était pour elle comme une longue plainte qui n’en finissait pas. Et soudain, elle comprit...! D’un même élan, les longues carapaces noires se redressèrent et c'est dans un intense cri de détresse qu'un million de gueules aux mâchoires inoxydables s’ouvrirent et claquèrent dans le vide comme une infernale couvée d’oisillons affamés. L’effroyable nid de xéno-morphes fut subitement emporté, submergé par le ténébreux magma d’où il était sorti.
L’actrice rêvait. Son esprit finit par plonger vers de vertigineux fonds cosmiques dans lesquels tout commença à se désagréger. De larges auréoles rougeoyantes apparurent peu à peu et fusionnèrent. Les dernières taches d’ombres disparurent dans la lueur qui s’intensifiait, emportant avec elles l’interminable supplique des xéno-morphes. Elle ne percevait plus qu’un léger bourdonnement et cet indéfinissable cliquetis qui s’atténuait, au loin, lorsqu'elle rouvrit les yeux.
Son image se reflétait dans le miroir sans teint face à elle. Elle trônait, renversée dans son fauteuil, au milieu d’une vaste salle à l’aspect clinique. Des dizaines d’électrodes étaient collées sur son crâne rasé à blanc. Les récepteurs électro-graphiques ronronnaient tout doucement autour d’elle. Elle était seule dans la pièce. Quelqu'un tambourinait à la porte.
- Toc, toc, toc !
L'actrice se frotta les yeux et le visage, puis se tapota les joues du bout des doigts pour se redonner un peu de contenance. Elle mit quelques secondes à trouver son portable et bipa son garde du corps. Ce dernier fit entrer le directeur de la N.A.S.A et le médecin-chef chargé de faire le bilan de santé de l’actrice. Le directeur, tout sourire, s’approcha de Mme Weaver pour lui baiser la main.
- Mes hommages, Madame…! Je suis ravi de vous accueillir parmi nous. J’espère que vous passerez cette petite quarantaine agréablement. Demandez-moi tout ce que vous voulez, je l’obtiendrai !
- Merci…! Je suis moi-même enchantée de l’accueil que vous me faites et je ne manquerai pas de faire appel à votre générosité...!
- Je vous présente le professeur Evans qui va contrôler vos performances et superviser les analyses médicales !
- Mes hommages, Madame…! Laissez-moi d’abord vous remercier pour votre collaboration. La Science vous en sera gré…! Toutes les expériences et analyses ne sont pas terminées, mais je peux, aux vues de toutes celles que nous avons déjà pratiquées, affirmer que vous êtes tout-à-fait apte. Votre bilan santé est positif sur tous les plans. Physique, physiologique, psychologique. Vous êtes en pleine forme... Aucune charge virale n’a été détectée, aucun risque de contagion, a priori. Il faut tout de même rester prudent. On va continuer à surveiller ça, de près, mais tout laisse à penser que vous ferez partie de l’aventure !
L'actrice n’avait pas, là, de quoi se réjouir, mais elle pouvait, évidemment, s’en féliciter et en être sincèrement honorée. Elle allait ainsi atteindre une nouvelle dimension politique, quasiment historique. Et à bien y réfléchir, ce statut et ce rôle qui lui étaient attribués devenaient d’une importance qui transcendait sa propre individualité. Qui la projetait dans l’avenir et l’histoire de l’Humanité. Devenir la nouvelle icône de la Conquête Spatiale n’était pas une mince affaire et il lui fallait encore, pour cela, faire preuve de courage, pour ne pas dire d’inconscience, en partant avec le prochain équipage de la station spatiale internationale. Elle était bien plus angoissée qu’elle ne le laissait paraitre.
- Je suis extrêmement honorée de la confiance que vous m’accordez et croyez bien que je saurai m’en montrer digne. J’estime que c’est, maintenant, un devoir pour moi !
Elle le dit sur un ton plutôt académique, mais parfaitement convaincant. Le directeur enchaina :
- Vous serez un exemple pour les générations futures ! Vous allez devenir une icône de la conquête de l’espace, et ils seront bientôt des milliers à se presser aux portes du système solaire pour partir à l’aventure… ! Auront-ils tous autant de courage que vous…? Espérons-le ! répondit le directeur. Puis s’adressant au médecin-chef : Peut-être, avez-vous quelque chose à ajouter, docteur ?
Le médecin-chef se retourna. Il tenait en main le graphique des résultats de l'encéphalogramme de l'actrice.
- Non…! Je vais rester attentif au suivi des analyses et des entrainements. J’espère, Madame, que votre emploi du temps ne sera pas trop surchargé. Au moindre stress ou à la moindre fatigue, n’hésitez pas à me prévenir…! Voilà, je vous laisse. Une infirmière va venir vous retirer toutes ces électrodes !
Il rangea le graphique dans un dossier, puis s’éclipsa. Le directeur s’empressa de reprendre l'entretien.
- Vous me pardonnerez d’avoir été si impatient, mais je m’envole pour Baïkonour dans quelques heures et je n’aurais pu vous revoir avant la signature du contrat. J’ai cru comprendre qu’une incertitude planait encore !
- Ah, oui…! Ecoutez, c’est un peu difficile d’en parler et cela peut sembler absurde. Une idée m’est venue, un peu saugrenue au premier abord, mais qui a fini par m’obséder. Vous allez trouvez ça complètement aberrant et me dire qu’on ne voit ça qu’au cinéma. Pourtant vous savez ce que l’on dit... que la réalité dépasse parfois la fiction…! J’aimerais donc ajouter une clause au contrat, me permettant de récupérer tous les échantillons A.D.N qui m’ont été prélevés. Au cas où…! Ne souriez pas, je suis vraiment très sérieuse. Et, bien sûr, je veux que cela reste entre nous !
Le directeur avait bien trop de respect envers elle pour oser en rire, mais son sourire figé mit tout de même quelques secondes à s’effacer entièrement.
- Je crois que vous surestimer les pouvoirs de la génétique, mais vous avez néanmoins raison de vous inquiéter. On n’est jamais trop prudent...! La restitution des prélèvements est, certes, tout-à-fait envisageable. Une fois que toutes les expériences et analyses auront été menées à leur terme !
- Je n’en attendais pas moins de votre part. Je vous remercie ! C’est idiot, mais je crois que je serai plus tranquille, ainsi !
- Soit…! Je ferai rédiger une clause supplémentaire. Il est vrai que les lois qui nous protègent de cela vont très certainement évoluer et qu’il est judicieux d’y avoir pensé. On ne sait jamais ce que nous réserve l’avenir !
Le directeur pensait surtout que l'actrice avait trop d’imagination et qu’elle en devenait légèrement paranoïaque. L’actrice, elle, savait que c’était un peu présomptueux de sa part, mais que cela restait, néanmoins, dans le domaine du plausible, si tant est que cela soit possible, un jour. Elle "les" pensait capable de vouloir créer une véritable Mutante sur la base de son A-D-N. Une Jeanne d'Arc de l'espace, formatée, embrigadée et assoiffée de conquête.
- Je vous ferai parvenir le texte…! reprit le directeur de projet. Ah, voilà l’infirmière. Je vais la laisser faire son travail. Encore toutes mes félicitations pour votre intégration dans l’équipage. Bravo et, surtout, Merci ! Merci, pour le courage dont vous faites preuve…! Peu de personnes en sont capables. Je pense que votre contribution aura des conséquences très positives pour l’avenir, soyez en assurée !
Le directeur se tut un court instant en espérant une réponse, puis reprit :
- Bien…! J’espère que cette quarantaine ne sera pas trop difficile à supporter pour vous et votre famille. Vous pouvez les voir avant Noël. Il y aura des contraintes sanitaires, mais vous pourrez profiter d’un peu d’intimité. Sur ces mots, je vous quitte…! Mes respects, Lady Weaver !
Le directeur s’avança pour saisir la main de l'actrice et la porta à ses lèvres. Il voulait par ce geste et en lui prêtant le statut de "Lady" lui montrer le haut et profond respect qu'il avait pour elle.
- C’est moi qui vous remercie, cher directeur, pour vos aimables attentions. J’y suis très sensible. Je vous souhaite un bon voyage !
- Je reste à votre disposition !
Le directeur quitta la pièce sur un semblant de révérence. L’infirmière réapparut aussitôt. Elle vint se poster derrière l'actrice et commença à retirer les électrodes.
- Eh, bien…! Vous aviez besoin de récupérer ! C’est fini pour aujourd’hui. Encore demain, et toutes les analyses seront terminées. Vous allez ensuite devoir apprendre à faire les prélèvements, vous-même... pour "là-haut" !
- Aie, oui…! J’avais oublié !
- Ne vous inquiétez pas, c’est facile. Ce n’est pas ça qui va vous faire peur, tout de même !
- Et si, pourtant. Il me faudra encore surmonter cette peur... comme les autres…!
Elle ne se souvenait pas qui avait pu lui souffler cette malheureuse idée d’un voyage dans l’espace et de ce séjour dans l’I.S.S, le tout agrémenté d’expérimentations et de prises de sang quotidiennes. Cela venait-il de la production, d’une simple discussion entre amis ? Et comment avait-elle pu prendre une décision aussi grave ? S’il s’était agi de promotion, elle aurait pu tout simplement réaliser un faux voyage tourné en studio sans prendre le moindre risque. Mais elle allait réellement partir pour participer à des expériences relatives aux mutations génétiques en milieu extraterrestre. C’était très certainement cette similitude avec la fiction qu’elle finissait de réaliser qui l’avait décidée. Elle désirait transcender son personnage. Lui donner vie en y mettant son propre courage.
- Hop, c’est fini. Quelle perruque, pour aujourd’hui ? demanda l’infirmière, qui déposa le sachet rempli d’électrodes sur le chariot et se baissa pour attraper une grande boite en carton.
- Comme d’habitude ! répondit l'actrice.
L'infirmière dégagea la coiffe du papier qui la protégeait et l’ajusta avec soin et délicatesse sur le crâne nu de sa patiente. L’actrice retrouva immédiatement une apparence normale, bien moins austère. Vêtue d’une simple tenue aux couleurs de la N.A.S.A, elle se leva du fauteuil, laissa le sang circuler quelques secondes dans ses jambes, puis alla rassembler ses affaires, feuillets, stylo, ordi, pad et portable, qu’elle fourra, bien serrées, dans une solide serviette en cuir.
- Ah, au fait…! se souvint-elle, soudain. Je vous ai ramené votre passe-droit visiteur pour avoir l’accès au plateau...!
L'actrice se saisit d'un badge plastifié dans la pochette extérieure de sa serviette pour le donner à l'infirmière.
- Vous êtes un ange…! On a tellement peu l’occasion de s’amuser par ici !
- Je vous ai marqué les emplois du temps de Mr Brosnan et de Mr Purefoy, sur un petit papier, au dos. J’espère que ça collera avec le vôtre !
- Oh, c’est trop gentil…! Merci beaucoup ! Je pourrai toujours me faire remplacer, s’il le faut !
- J’espère que vous ne serez pas trop déçue. Vous savez, le plus grand de nos talent, c’est, tout bêtement, d’être capable de braver le ridicule. Et dans le cas présent, vous risquez d’être servi…! Allez, à demain ! conclut l’actrice avec un petit sourire.
- A demain, Mme Weaver… Reposez vous bien ! Et encore, merci !
Le garde du corps ouvrit la porte à l’actrice. Il décocha un clin d’œil ravageur à l’infirmière en refermant, puis partit à la poursuite de sa cliente.
L’actrice rêvait. Son esprit finit par plonger vers de vertigineux fonds cosmiques dans lesquels tout commença à se désagréger. De larges auréoles rougeoyantes apparurent peu à peu et fusionnèrent. Les dernières taches d’ombres disparurent dans la lueur qui s’intensifiait, emportant avec elles l’interminable supplique des xéno-morphes. Elle ne percevait plus qu’un léger bourdonnement et cet indéfinissable cliquetis qui s’atténuait, au loin, lorsqu'elle rouvrit les yeux.
Son image se reflétait dans le miroir sans teint face à elle. Elle trônait, renversée dans son fauteuil, au milieu d’une vaste salle à l’aspect clinique. Des dizaines d’électrodes étaient collées sur son crâne rasé à blanc. Les récepteurs électro-graphiques ronronnaient tout doucement autour d’elle. Elle était seule dans la pièce. Quelqu'un tambourinait à la porte.
- Toc, toc, toc !
L'actrice se frotta les yeux et le visage, puis se tapota les joues du bout des doigts pour se redonner un peu de contenance. Elle mit quelques secondes à trouver son portable et bipa son garde du corps. Ce dernier fit entrer le directeur de la N.A.S.A et le médecin-chef chargé de faire le bilan de santé de l’actrice. Le directeur, tout sourire, s’approcha de Mme Weaver pour lui baiser la main.
- Mes hommages, Madame…! Je suis ravi de vous accueillir parmi nous. J’espère que vous passerez cette petite quarantaine agréablement. Demandez-moi tout ce que vous voulez, je l’obtiendrai !
- Merci…! Je suis moi-même enchantée de l’accueil que vous me faites et je ne manquerai pas de faire appel à votre générosité...!
- Je vous présente le professeur Evans qui va contrôler vos performances et superviser les analyses médicales !
- Mes hommages, Madame…! Laissez-moi d’abord vous remercier pour votre collaboration. La Science vous en sera gré…! Toutes les expériences et analyses ne sont pas terminées, mais je peux, aux vues de toutes celles que nous avons déjà pratiquées, affirmer que vous êtes tout-à-fait apte. Votre bilan santé est positif sur tous les plans. Physique, physiologique, psychologique. Vous êtes en pleine forme... Aucune charge virale n’a été détectée, aucun risque de contagion, a priori. Il faut tout de même rester prudent. On va continuer à surveiller ça, de près, mais tout laisse à penser que vous ferez partie de l’aventure !
L'actrice n’avait pas, là, de quoi se réjouir, mais elle pouvait, évidemment, s’en féliciter et en être sincèrement honorée. Elle allait ainsi atteindre une nouvelle dimension politique, quasiment historique. Et à bien y réfléchir, ce statut et ce rôle qui lui étaient attribués devenaient d’une importance qui transcendait sa propre individualité. Qui la projetait dans l’avenir et l’histoire de l’Humanité. Devenir la nouvelle icône de la Conquête Spatiale n’était pas une mince affaire et il lui fallait encore, pour cela, faire preuve de courage, pour ne pas dire d’inconscience, en partant avec le prochain équipage de la station spatiale internationale. Elle était bien plus angoissée qu’elle ne le laissait paraitre.
- Je suis extrêmement honorée de la confiance que vous m’accordez et croyez bien que je saurai m’en montrer digne. J’estime que c’est, maintenant, un devoir pour moi !
Elle le dit sur un ton plutôt académique, mais parfaitement convaincant. Le directeur enchaina :
- Vous serez un exemple pour les générations futures ! Vous allez devenir une icône de la conquête de l’espace, et ils seront bientôt des milliers à se presser aux portes du système solaire pour partir à l’aventure… ! Auront-ils tous autant de courage que vous…? Espérons-le ! répondit le directeur. Puis s’adressant au médecin-chef : Peut-être, avez-vous quelque chose à ajouter, docteur ?
Le médecin-chef se retourna. Il tenait en main le graphique des résultats de l'encéphalogramme de l'actrice.
- Non…! Je vais rester attentif au suivi des analyses et des entrainements. J’espère, Madame, que votre emploi du temps ne sera pas trop surchargé. Au moindre stress ou à la moindre fatigue, n’hésitez pas à me prévenir…! Voilà, je vous laisse. Une infirmière va venir vous retirer toutes ces électrodes !
Il rangea le graphique dans un dossier, puis s’éclipsa. Le directeur s’empressa de reprendre l'entretien.
- Vous me pardonnerez d’avoir été si impatient, mais je m’envole pour Baïkonour dans quelques heures et je n’aurais pu vous revoir avant la signature du contrat. J’ai cru comprendre qu’une incertitude planait encore !
- Ah, oui…! Ecoutez, c’est un peu difficile d’en parler et cela peut sembler absurde. Une idée m’est venue, un peu saugrenue au premier abord, mais qui a fini par m’obséder. Vous allez trouvez ça complètement aberrant et me dire qu’on ne voit ça qu’au cinéma. Pourtant vous savez ce que l’on dit... que la réalité dépasse parfois la fiction…! J’aimerais donc ajouter une clause au contrat, me permettant de récupérer tous les échantillons A.D.N qui m’ont été prélevés. Au cas où…! Ne souriez pas, je suis vraiment très sérieuse. Et, bien sûr, je veux que cela reste entre nous !
Le directeur avait bien trop de respect envers elle pour oser en rire, mais son sourire figé mit tout de même quelques secondes à s’effacer entièrement.
- Je crois que vous surestimer les pouvoirs de la génétique, mais vous avez néanmoins raison de vous inquiéter. On n’est jamais trop prudent...! La restitution des prélèvements est, certes, tout-à-fait envisageable. Une fois que toutes les expériences et analyses auront été menées à leur terme !
- Je n’en attendais pas moins de votre part. Je vous remercie ! C’est idiot, mais je crois que je serai plus tranquille, ainsi !
- Soit…! Je ferai rédiger une clause supplémentaire. Il est vrai que les lois qui nous protègent de cela vont très certainement évoluer et qu’il est judicieux d’y avoir pensé. On ne sait jamais ce que nous réserve l’avenir !
Le directeur pensait surtout que l'actrice avait trop d’imagination et qu’elle en devenait légèrement paranoïaque. L’actrice, elle, savait que c’était un peu présomptueux de sa part, mais que cela restait, néanmoins, dans le domaine du plausible, si tant est que cela soit possible, un jour. Elle "les" pensait capable de vouloir créer une véritable Mutante sur la base de son A-D-N. Une Jeanne d'Arc de l'espace, formatée, embrigadée et assoiffée de conquête.
- Je vous ferai parvenir le texte…! reprit le directeur de projet. Ah, voilà l’infirmière. Je vais la laisser faire son travail. Encore toutes mes félicitations pour votre intégration dans l’équipage. Bravo et, surtout, Merci ! Merci, pour le courage dont vous faites preuve…! Peu de personnes en sont capables. Je pense que votre contribution aura des conséquences très positives pour l’avenir, soyez en assurée !
Le directeur se tut un court instant en espérant une réponse, puis reprit :
- Bien…! J’espère que cette quarantaine ne sera pas trop difficile à supporter pour vous et votre famille. Vous pouvez les voir avant Noël. Il y aura des contraintes sanitaires, mais vous pourrez profiter d’un peu d’intimité. Sur ces mots, je vous quitte…! Mes respects, Lady Weaver !
Le directeur s’avança pour saisir la main de l'actrice et la porta à ses lèvres. Il voulait par ce geste et en lui prêtant le statut de "Lady" lui montrer le haut et profond respect qu'il avait pour elle.
- C’est moi qui vous remercie, cher directeur, pour vos aimables attentions. J’y suis très sensible. Je vous souhaite un bon voyage !
- Je reste à votre disposition !
Le directeur quitta la pièce sur un semblant de révérence. L’infirmière réapparut aussitôt. Elle vint se poster derrière l'actrice et commença à retirer les électrodes.
- Eh, bien…! Vous aviez besoin de récupérer ! C’est fini pour aujourd’hui. Encore demain, et toutes les analyses seront terminées. Vous allez ensuite devoir apprendre à faire les prélèvements, vous-même... pour "là-haut" !
- Aie, oui…! J’avais oublié !
- Ne vous inquiétez pas, c’est facile. Ce n’est pas ça qui va vous faire peur, tout de même !
- Et si, pourtant. Il me faudra encore surmonter cette peur... comme les autres…!
Elle ne se souvenait pas qui avait pu lui souffler cette malheureuse idée d’un voyage dans l’espace et de ce séjour dans l’I.S.S, le tout agrémenté d’expérimentations et de prises de sang quotidiennes. Cela venait-il de la production, d’une simple discussion entre amis ? Et comment avait-elle pu prendre une décision aussi grave ? S’il s’était agi de promotion, elle aurait pu tout simplement réaliser un faux voyage tourné en studio sans prendre le moindre risque. Mais elle allait réellement partir pour participer à des expériences relatives aux mutations génétiques en milieu extraterrestre. C’était très certainement cette similitude avec la fiction qu’elle finissait de réaliser qui l’avait décidée. Elle désirait transcender son personnage. Lui donner vie en y mettant son propre courage.
- Hop, c’est fini. Quelle perruque, pour aujourd’hui ? demanda l’infirmière, qui déposa le sachet rempli d’électrodes sur le chariot et se baissa pour attraper une grande boite en carton.
- Comme d’habitude ! répondit l'actrice.
L'infirmière dégagea la coiffe du papier qui la protégeait et l’ajusta avec soin et délicatesse sur le crâne nu de sa patiente. L’actrice retrouva immédiatement une apparence normale, bien moins austère. Vêtue d’une simple tenue aux couleurs de la N.A.S.A, elle se leva du fauteuil, laissa le sang circuler quelques secondes dans ses jambes, puis alla rassembler ses affaires, feuillets, stylo, ordi, pad et portable, qu’elle fourra, bien serrées, dans une solide serviette en cuir.
- Ah, au fait…! se souvint-elle, soudain. Je vous ai ramené votre passe-droit visiteur pour avoir l’accès au plateau...!
L'actrice se saisit d'un badge plastifié dans la pochette extérieure de sa serviette pour le donner à l'infirmière.
- Vous êtes un ange…! On a tellement peu l’occasion de s’amuser par ici !
- Je vous ai marqué les emplois du temps de Mr Brosnan et de Mr Purefoy, sur un petit papier, au dos. J’espère que ça collera avec le vôtre !
- Oh, c’est trop gentil…! Merci beaucoup ! Je pourrai toujours me faire remplacer, s’il le faut !
- J’espère que vous ne serez pas trop déçue. Vous savez, le plus grand de nos talent, c’est, tout bêtement, d’être capable de braver le ridicule. Et dans le cas présent, vous risquez d’être servi…! Allez, à demain ! conclut l’actrice avec un petit sourire.
- A demain, Mme Weaver… Reposez vous bien ! Et encore, merci !
Le garde du corps ouvrit la porte à l’actrice. Il décocha un clin d’œil ravageur à l’infirmière en refermant, puis partit à la poursuite de sa cliente.
CHAPITRE N°2
Le garde du corps de Mme Weaver, le souffle court derrière son masque de protection, avançait à grandes enjambées derrière sa protégée. Les couloirs étaient vides et tous identiques. Larges et bien éclairés, ils donnaient un sentiment d’isolement confortable. L'actrice était simplement vêtue d’une combinaison immaculée des plus anodines. Un foulard de soie blanche lui recouvrait la tête, la nuque et les épaules. Le garde observait sa haute silhouette fendre l’air devant lui. Il espérait apercevoir les transformations que celle-ci dissimulait au public. Que le voile, mal épinglé, allait soudainement s’envoler dans un courant d’air et lui laisser voir à quoi elle ressemblait. Il pouvait tout au plus discerner, sous les plis du foulard, un vague renflement à l’arrière de son crâne.
Il escorta l'actrice jusqu’au "labo", une salle ainsi nommée pour le capharnaüm qui y régnait... un assortiment d’éprouvettes, de casseroles, de jeunes cerveaux en ébullition et d’ordinateurs derniers modèles. Mais pour l’heure, tous étaient en berne. Tout était propre et bien rangé. Seule, une assistante était présente. Celle-ci se leva quand l'actrice entra dans la pièce.
Il escorta l'actrice jusqu’au "labo", une salle ainsi nommée pour le capharnaüm qui y régnait... un assortiment d’éprouvettes, de casseroles, de jeunes cerveaux en ébullition et d’ordinateurs derniers modèles. Mais pour l’heure, tous étaient en berne. Tout était propre et bien rangé. Seule, une assistante était présente. Celle-ci se leva quand l'actrice entra dans la pièce.
- Bonsoir ! dit-elle à travers son masque de protection.
- Bonsoir, jeune fille ! répondit Mme Weaver sans s’arrêter de marcher. L'actrice se dirigea droit vers le vestiaire et tira le rideau sur son intimité.
- Le sauna est prêt…?
- Oui, oui… J’ai entendue la sonnerie ! Vous avez besoin de quelque chose ?
- Non, ça va…! Tout est là, c’est parfait !
L’actrice pénétra en peignoir à l’intérieur de la petite cabine et vérifia que tout était bien propre. Elle posa son coussin imperméable sur le banc de bois pour s’y installer, puis déclencha la vapeur à l’aide de la télécommande. Elle programma un peu de musique et ferma les yeux en soupirant.
La fatigue du tournage aidant, la chaleur humide et accablante du sauna finit de l’engourdir complètement. Elle somnola un bon quart d’heure, essayant vainement d’échapper à la vision cauchemardesque qui l’obsédait, à cette infâme soupe de xéno-morphes qui bouillonnait dans sa tête. Cela ne l’amusait plus du tout. Elle avait parfois énormément de mal à dormir sereinement. La pression du tournage, l’isolement sur cette base éloignée de tout, l’appréhension du voyage spatial et toutes les contraintes sanitaires qui allaient avec, lui pesaient énormément et commençaient à la perturber plus qu’elles ne l’excitaient. Sans parler du malaise qu’elle ressentait à être, en permanence, confrontée dans la réalité aux mêmes situations, aux mêmes scènes et au même rôle que dans la fiction qu’elle réalisait. Elle n’avait qu’une hâte, en finir avec tout ça pour retrouver la tranquillité d’une vie normale.
La fatigue du tournage aidant, la chaleur humide et accablante du sauna finit de l’engourdir complètement. Elle somnola un bon quart d’heure, essayant vainement d’échapper à la vision cauchemardesque qui l’obsédait, à cette infâme soupe de xéno-morphes qui bouillonnait dans sa tête. Cela ne l’amusait plus du tout. Elle avait parfois énormément de mal à dormir sereinement. La pression du tournage, l’isolement sur cette base éloignée de tout, l’appréhension du voyage spatial et toutes les contraintes sanitaires qui allaient avec, lui pesaient énormément et commençaient à la perturber plus qu’elles ne l’excitaient. Sans parler du malaise qu’elle ressentait à être, en permanence, confrontée dans la réalité aux mêmes situations, aux mêmes scènes et au même rôle que dans la fiction qu’elle réalisait. Elle n’avait qu’une hâte, en finir avec tout ça pour retrouver la tranquillité d’une vie normale.
Elle rouvrit les yeux. Un épais brouillard de vapeur aromatisée avait envahit l’habitacle. L'actrice tendit la main à travers les nuées de vapeur. Ses ongles noirs, épais et bombés, étaient recourbés comme des griffes au bout de ses doigts noueux. Elle se tourna vers le miroir et fit glisser la buée qui en recouvrait la surface d'un revers de la main.
Son visage apparut un peu flou sous la pellicule d’eau qui dégoulinait lentement sur le verre. Elle tressaillit au fond d’elle-même en se découvrant ainsi, si parfaitement modelée et transformée. Sa difformité l’émerveillait. Elle aurait aimé vieillir de cette façon, en se métamorphosant au fil du temps... au lieu de se ratatiner comme prévu. Elle en était à regretter que les généticiens ne soient pas encore en mesure de stopper le vieillissement. Déçue de voir que la fiction ne soit pas la réalité... à une époque où la réalité n'était pourtant plus que fiction.
- Te voilà, enfin…! dit-elle en parlant à sa propre image.
L'actrice étira son sourire carnassier jusqu’au milieu de ses fausses joues. Les os de sa puissante mâchoire saillaient sous la peau blafarde. Elle passa délicatement sa main sur la proéminence de son front, puis tout le long de son crâne lisse et luisant qui s’allongeait vers l’arrière. Il lui fallut se contorsionner pour apercevoir la petite collerette qui en couronnait la base et qu’elle caressa du bout des doigts. Elle n’était qu’au début de la métamorphose et, donc, loin d’être au bout de ses peines, de ces ennuyeuses séances quotidiennes de collage, puis de décollage à la vapeur. Elle gratta un peu le latex à la jointure de son front, puis arracha une fine pellicule de colle ramollie qui ressemblait à un lambeau de peau morte. L’idée de la mue lui traversa aussitôt l’esprit et la remit de bonne humeur. Cela semblait, à première vue, plutôt répugnant, mais elle avait vu pire. Les gouttelettes d’eau se remirent à condenser sur le miroir et son reflet disparut peu à peu sous la couche de buée.
Elle se leva, récupéra son coussin et la télécommande. Elle sortit de la cabine dans un nuage de vapeur. Son peignoir imbibé d'eau lui collait à la peau et elle s’en débarrassa aussitôt, le laissant choir à ses pieds, pour en changer.
L'actrice quitta ensuite le vestiaire pour aller s’asseoir à sa table de maquillage. L’assistante eut un léger sursaut en la voyant; impressionnée par la noblesse et la majesté qui se dégageait d’elle et de son personnage. Elle y croyait à fond, comme tout le reste de l’équipe, d’ailleurs. Elle l’aida à s’installer sur la chaise, face au grand miroir, en disant :
- Votre portable a sonné !
- Ah…! Voyons voir qui cela peut bien être ! répondit l’actrice en tirant sa sacoche de cuir à elle.
Un court message lui était adressé. Elle rappela immédiatement.
Un court message lui était adressé. Elle rappela immédiatement.
- Eva ! Bonsoir… Écoutez, c’est d’accord pour le débat. Et oubliez ce que je vous ai dit. Faites comme vous l’entendez. Vous n’aurez qu’à vous souvenir de mes petites exigences !
Son interlocutrice lui parla encore quelques secondes, puis l’actrice reprit :
Son interlocutrice lui parla encore quelques secondes, puis l’actrice reprit :
- C’est d’accord, comme ça....! On se reverra à la répétition générale…! Moi de même…! Je vous en prie. Au revoir !
Elle coupa la communication.
Elle coupa la communication.
- Un débat politique pour faire la promo d’un film…! On aura tout vu. Ça ne leur suffit pas de m’envoyer dans l’espace, ils m’envoient au front, maintenant. Bon sang, mais d’où elles sortent ces satanées associations d’anti-extraterrestres. Vous en avez une idée, vous ? demanda l'actrice.
- Non…! Tout ce je sais c’est qu’il faut être débile pour croire à des âneries pareilles !
- Ah, ah, ah, ah…! Il n’y a pas de meilleur qualificatif ! Je ne vais pas leur dire en face, mais à mon avis... je risque de les décevoir...!
CHAPITRE N°3
C’était le soir du grand Show. Une centaine de caméra-drones survolait le quadrilatère que formaient les quatre hautes pyramides étincelantes qui se dressaient là, dans le désert d’Egypte. Sur la face non illuminée des trois plus anciennes, étaient accrochés des milliers de rangées de fauteuils avec haut-parleurs et clavier interactif intégrés. Toutes les places avaient été réservées depuis longtemps. Les dizaines de milliers de privilégiés se déversaient en flots à chaque niveau, puis s’éparpillaient en minces filets pour gagner leur place. Une fois assis, ils pouvaient : soit s’isoler au fond de leur fauteuil et allumer leur hologramme individuel pour écouter et regarder le groupe pop qui intronisait la soirée, soit profiter du bruit ambiant tout en admirant l’hologramme géant qui surplombait la grande scène de spectacle. Située au bas de la quatrième pyramide, d'époque quasi contemporaine, la grande scène formait une large avancée circulaire qui s’étendait jusqu’aux premiers rangs de l’orchestre. Elle était à cet instant envahie par une horde de musiciens-danseurs extravagants qui jouaient sur des instruments invisibles. Face à eux, les officiels et de nombreux journalistes occupaient la partie centrale de l’orchestre. On finissait de s’installer aux abords de l’immense surface plane. Tous ceux qui se massaient contre les barrières, au plus près de la scène, pour s’égosiller avec le chanteur étaient gentiment priés de regagner leur fauteuil.
Le temps et le lieu étaient idéaux. Aucun risque de voir la pluie leur tomber dessus à cette période de l’année, d'autant moins si l’on prenait en compte les nombreuses sécurités météorologiques que la production du spectacle avait mises en place. Plusieurs dizaines de milliers de spectateurs avaient fait le déplacement. Et des milliards de télé-acteurs et de simples téléspectateurs regardaient le show à travers leurs diffuseurs, jusqu’au fin fond du système exo-planétaire.
Plus particulièrement certains groupes sociaux comme les militaires qui attendaient de savoir ce que le gouvernement civil avait prévu à leur intention; ou comme les transformistes, devenus depuis peu adeptes du génétisme et qui rêvaient de ressembler à la "Mutante"; ou encore, les religieux et les militants anti-extraterrestres qui, eux, la détestaient. Le reste du monde se contentait d’être curieux et d’apprécier la qualité du spectacle.
La dernière chanson fut reprise en chœur par une partie du public. Sur l’ultime accord de la fin, les musiciens saluèrent la foule et disparurent dans un brusque fondu au noir. Les applaudissements encore éparpillés se noyèrent alors dans le cri de terreur que poussa la foule, subitement surprise et effrayée par de terrifiantes apparitions. Le public fut captivé dans son ensemble et continua de réagir à l’unisson entre cris d’effroi et rires nerveux aux multiples portraits de xénomorphes qui leur sautaient à la figure ainsi qu'aux violentes séquences de combats censées démontrer la supériorité de l’humain sur l’animal. Le tout sur fond de générique musical orchestré pour l’occasion. L’émission démarrait.
Une colonne de faisceaux laser perça l’obscurité, comme si elle surgissait de la voute étoilée et se planta au milieu de la grande scène, entre ciel et terre, pour y déposer Eva Kesh, virtuellement téléportée. Le rayon de lumière bleu repartit aussitôt d’où il était venu et se perdit dans les étoiles, laissant apparaitre la présentatrice, auréolée d’une majestueuse aura bleutée. L’applaudimètre explosa. L'animatrice arbora un grand sourire :
- Bienvenue sur ce site merveilleux et Merci à tous ! Un grand Merci au public témoin et aux milliards de téléspectateurs qui vont, eux aussi, voter et participer à ce moment historique. Messieurs, dames, celle que nous attendons de découvrir, avec une impatience et une curiosité mêlées d’un immense respect, nous fera l’honneur de se montrer à nue, sans artifices, ni déguisement, et de tout nous dévoiler sur l’incroyable mutation que son corps a subi…! A ses côtés, pour la soutenir : le Ministre de la Défense Américaine, Mr Lew Danton, venu aussi défendre sa nouvelle politique de colonisation…!
Les huées du public ne se firent pas attendre.
Les huées du public ne se firent pas attendre.
- Le professeur Edward Foller, qui fera toute la lumière sur les miraculeuses mutations génétiques de demain…!
L’accueil fut plus mitigé. Ni huées, ni applaudissements. Le public était encore dans l’expectative.
- La docteur Asia Oharo nous parlera des fabuleuses découvertes médicales à venir et la philosophe Zeta Gablinski sera là pour nous prodiguer quelques conseils avisés. Ils et elles se feront les apôtres de notre exceptionnelle invitée…! Face à eux : le porte-parole de l’Alliance œcuménique, la présidente de l’association anti-extraterrestre N.E.T.I , et le représentant des associations de contrôle civil, viendront nous donner leur avis sur les grands bouleversements annoncés…! Et vous, cher public, chers téléspectateurs, bien confortablement installés au dessus de la mêlée, serez les seuls juges et arbitres de ce grand débat…! Alors, tenez-vous prêts à voter pour les questions qui doivent être posées et n’hésitez pas à nous envoyer toutes celles qui vous passent par la tête !
L’accueil fut plus mitigé. Ni huées, ni applaudissements. Le public était encore dans l’expectative.
- La docteur Asia Oharo nous parlera des fabuleuses découvertes médicales à venir et la philosophe Zeta Gablinski sera là pour nous prodiguer quelques conseils avisés. Ils et elles se feront les apôtres de notre exceptionnelle invitée…! Face à eux : le porte-parole de l’Alliance œcuménique, la présidente de l’association anti-extraterrestre N.E.T.I , et le représentant des associations de contrôle civil, viendront nous donner leur avis sur les grands bouleversements annoncés…! Et vous, cher public, chers téléspectateurs, bien confortablement installés au dessus de la mêlée, serez les seuls juges et arbitres de ce grand débat…! Alors, tenez-vous prêts à voter pour les questions qui doivent être posées et n’hésitez pas à nous envoyer toutes celles qui vous passent par la tête !
Le fond sonore baissa d’intensité et le thème du générique se fit plus solennel. Eva Kesh laissa passer un court instant, puis reprit sa présentation :
- Voilà plus de quarante jours que le monde entier attend de la voir…! Les uns, effrayés, l’imaginant en monstre, et les autres, enthousiastes, conquis par son héroïsme guerrier. Mais que savons-nous vraiment d’elle…? A-t-elle, comme certains l’affirment, perdue toute humanité…? Qui donc, peut prétendre, ainsi, connaitre un nouveau-né…? Car c’est exactement ce qu’elle est. Un nouveau-né. Une femme à peine éclose…! Son passé, son combat contre l’envahisseur, le courage dont elle a fait preuve, son ultime sacrifice, parlent en sa faveur. Et bien qu’elle ne soit, aujourd’hui, plus la même, gardons tout cela en mémoire…! Pour moi, elle reste ce qu’elle a toujours été : une femme courageuse et intègre, qui dans son terrible malheur, aura su et saura encore tirer le meilleur parti des choses…! Mais je ne veux influencer personne et je n’irais pas plus loin dans mon hommage. Elle vous parlera bien mieux que moi de son état d’esprit… ! Pour nous prouver sa bonne foi, elle a décidé, avec l’humilité qui la caractérise et contre l’avis même du gouvernement, de se montrer à nous telle qu’elle est. En pleine métamorphose. Sans fard et sans honte. Alors, avec tout le respect que nous lui devons, accueillons et applaudissons à tout rompre, cette héroïne des temps modernes, cette femme exceptionnelle : la bien-nommée... Lady Ripley !
Tous les projecteurs s’allumèrent au même instant et éclairèrent la scène dans son ensemble. Eva Kesh perdit son aura lumineuse et retrouva un peu de sa personnalité, parfaitement moulée dans sa robe des grands soirs. Elle se retourna et tendit la main vers un côté de la scène. Les caméras restèrent en retrait et filmèrent l’apparition de Lady Ripley à bonne distance, sans faire de gros plans, pour éviter d’effrayer le public.
La "Mutante" fut accueillie par un tonnerre d’applaudissements. Elle était bien, sans conteste, la femme la plus célèbre du système exo-planétaire, à ce jour. Ressuscitée d’entre les morts, à moitié extraterrestre, martyr de l’histoire spatiale et suprême combattante de l’ennemi. Il y avait de quoi être impressionné.
La "Mutante" sourit au public et s’arrêta plusieurs fois sur son trajet pour saluer les sursauts passionnés de la foule qui criait son nom en agitant les bras. Elle portait une longue robe blanche élégamment plissée qui cachait sa silhouette et qui venait effleurer le sol en ondulant. Elle avait les bras nus et un décolleté pudiquement entrouvert sur une partie de ses charmes. Le crucufix en platine de la malheureuse Call pendait à son cou.
Les os de sa puissante mâchoire saillaient sous la peau tendue et s’allongeaient légèrement vers l’avant. Ses larges pommettes s’étiraient jusqu’aux tempes en un léger renflement qui passait par-dessus le lobe de son oreille pour se fondre dans l’épaisse ossature ovoïde de son crane, entièrement chauve. Elle s’était elle-même arraché, la veille au soir, le fin duvet de cheveux transparents qui résistait encore à la métamorphose. À l’arrière de son crâne lissé s’étaient formées deux portions de chair qui lui recouvraient le haut de la nuque, et dans le fin repli qui les séparait, les prémices d’une collerette apparaissaient. Une fine membrane en émergeait, tendue comme une voile sur les minuscules arêtes qui pointaient entre les amas de chair gonflée.
Toutes ces difformités provoquaient un fort sentiment de rejet mêlé de pitié auprès du public. Un sentiment vite relégué au second plan par la puissante et mystérieuse attraction que le regard noir de la "Mutante" exerçait sur ce même public.
La présentatrice lui proposa l’accolade très naturellement. La Grande Dame s’empressa d’accepter et se pencha vers elle pour recevoir les affectueux baisers de bienvenue.
Toutes ces difformités provoquaient un fort sentiment de rejet mêlé de pitié auprès du public. Un sentiment vite relégué au second plan par la puissante et mystérieuse attraction que le regard noir de la "Mutante" exerçait sur ce même public.
La présentatrice lui proposa l’accolade très naturellement. La Grande Dame s’empressa d’accepter et se pencha vers elle pour recevoir les affectueux baisers de bienvenue.
- Merci, Lady Ripley, d’être venue répondre au public et à vos détracteurs…! Vous ne serez pas seule, ce soir, à devoir affronter leur jugement. Avec vous, un soutien de poids : quatre éminences du Gouvernement Civil de l’Union : Mr Danton, le professeur Foller, la docteur Oharo, et Mme Gablinska. Allons les rejoindre !
Les quatre invités apparurent, assis au fond de leur fauteuil, comme téléportés. Chacun y alla de son sourire, puis reprit son air grave et condescendant, caractéristique de la plupart des membres du gouvernement.
Eva Kesh fit signe à la "Mutante" de prendre place dans le fauteuil qui trônait au centre, puis s’installa auprès d’elle, dans le demi-cercle.
La présentatrice commença le débat :
- Treize milliards de télé-acteurs nous ont envoyé leurs questions et la majorité d’entre eux se demande la même chose…! C’est au Gouvernement Civil de l’Union, et donc à vous Mr le Ministre de la Défense qu’ils posent cette première question. À vous de les rassurer. Nous attendons de vous une réponse claire, nette et précise, sans équivoque et sans langue de bois. J’ose vous faire confiance pour cela…! Alors, puisque nous savons tous, maintenant, qu’ils existent. Pouvez-vous nous dire, Mr Danton, si les extraterrestres sont à nos portes…?
- D’abord bonsoir à tous et merci à vous, chère Eva, de m’avoir invité…! Vous me demandez si nous risquons une invasion. Bien sûr que non ! Il est tout-à-fait ridicule de croire cela. Le seul fait formellement établi, pour lequel nous avons une preuve matérielle, ainsi qu’un témoignage vivant en la personne de Lady Ripley, est qu’un vaisseau d’origine extraterrestre s’est effectivement perdu dans un de nos systèmes et a atterri en catastrophe sur une petite planète très lointaine qui appartient, aujourd’hui, à l’Armée. L’équipage extraterrestre aurait emporté dans ses bagages un ou plusieurs parasites qui l’auraient décimé… comme l’ont d’ailleurs été à leur tour, des centaines d’humains innocents, manipulés et sacrifiés par l’Armée. En fait, je pense que les militaires sont les "extraterrestres" dont nous avons le plus à craindre. Ce sont eux qui ont envoyé l’équipage du Nostromos à la rencontre d’un troisième type sans prendre les précautions humanitaires qui s’imposaient. Eux, encore, qui ont laissé une colonie entière se faire affreusement anéantir. Eux, toujours, qui ont eu pour dessein criminel de tenter le clonage de monstres xéno-morphes…! Malheureusement pour eux et heureusement pour nous, qui pouvons maintenant en tirer le meilleur parti, ces animaux sauvages ne se sont pas avérés invincibles et tout au plus auraient-ils pu être destinés à nous effrayer. Ce ne sont, après tout, que des êtres primitifs…! En revanche, si vous voulez parler de l’équipage d'extra-terrestres, il est clair que leur science est supérieure à la nôtre ! Je peux cependant affirmer que nous n’avons rien à craindre d'eux. Leur propre système solaire est distant du nôtre de plusieurs dizaines de milliers d’années-lumière, et même si leur avance technologique semble leur permettre de voyager à la vitesse-lumière et très certainement de survivre à un aussi long voyage, aucun autre vaisseau extraterrestre n’a été détecté, d’aussi loin qu’on puisse le faire. Nous pensons qu’il s’agit d’un vaisseau isolé et livré à lui-même qui aura erré durant des milliers d’années aux abords de la Voie Lactée avant de plonger vers nous, par pur hasard, après épuisement de leur carburant. Un carburant pratiquement inexistant dans nos régions stellaires qui se retrouvent, du coup, sans aucun intérêt pour eux. Rien n’indique qu’ils aient choisi cette direction intentionnellement !
La philosophe conclut pour lui :
- N’oubliez pas de dire que leur technologie et ce carburant, et par extension leurs territoires, sont, pour nous, dignes du plus grand intérêt, n’est-ce pas ! Nous comprenons, maintenant, pourquoi les Militaires ont si judicieusement choisi cette direction pour coloniser l’espace !
- Merci, Mme Gablinska, pour cette petite mise au point qui clôt une explication des plus limpides. Merci, Mr le Ministre !
Eva Kesh tourna légèrement le buste vers la "Mutante" et enchaina.
- La deuxième question s’adresse directement à vous, Lady Ripley ! C’est un ensemble de questions, toutes plus pertinentes les unes que les autres, que je résumerais ainsi : Comment allez- vous ?
Eva Kesh tourna légèrement le buste vers la "Mutante" et enchaina.
- La deuxième question s’adresse directement à vous, Lady Ripley ! C’est un ensemble de questions, toutes plus pertinentes les unes que les autres, que je résumerais ainsi : Comment allez- vous ?
La "Mutante" sourit. Une vague d’applaudissements déferla pour l’encourager.
- Je reprends confiance…! Je me sens à nouveau libre et vivante, malgré tout. Malgré l’isolement, malgré les douleurs du passé. J’essaye de faire comme si je venais de me réveiller d’un simple cauchemar…! Le plus difficile à accepter, c’est bien sûr, cette métamorphose qui m’affecte. C’est une souffrance psychologique contre laquelle je dois lutter à chaque seconde. Et il ne suffit pas de chercher à l’apaiser ou à l’occulter de quelques manières que ce soit. Je pourrais comparer cela à la vieillesse. Au sentiment que l’on a quand l’amour et le désir nous échappe peu à peu et que l’on passe de l’autre coté de la barrière. Mais d’une façon plus brutale, comme si le temps s’était subitement abattu sur moi…! Et si l’on compte le demi-millénaire que j’ai derrière moi, vous imaginez le choc...! Bien qu’à cet âge, je peux toujours m’estimer heureuse d’être en aussi bonne forme...! Il y a aussi ce sentiment de colère et de culpabilité qui m’assaille en permanence. Vous savez, c’est vraiment très étrange de se retrouver face à un destin que l’on n’a pas choisi. Je crois que je finirai par accepter mon corps, si j’arrive à accepter ma destinée !
La philosophe hocha la tête pour confirmer. Eva Kesh reprit la parole au milieu des applaudissements.
- Merci, Lady Ripley ! C’était une très belle et très intéressante réponse. Gageons que vous réussirez et que votre destin vous permettra de faire de grandes choses. Il ne faut pas en douter !
La présentatrice se tourna vers l'experte médicale.
- Docteure Oharo…! Ou devrais-je, plutôt, dire : Docteure Miracle…! Car ce sont bien des miracles que vous nous prédisez pour les décennies à venir. Des guérisons et des remèdes miraculeux, en veux-tu, en voilà…! Alors, qu’en est-il, exactement…?
La jeune docteure se racla discrètement la gorge.
- Bonsoir…! Ecoutez, je ne vais pas faire, ici, la liste des "miracles", comme vous dites, pour tenter de grossièrement les expliquer en quelques minutes. Toutes mes explications resteraient dans le domaine du surnaturel...! La science exige des preuves...! Les bilans de santé, les clichés magnétiques, les vidéos et les témoignages officiels que je vous ai apportés sont justement des preuves irréfutables. Je vous laisse le soin, Mme Kesh, de commenter le reportage que vous en avez fait et je me contenterai d’intervenir quand cela sera nécessaire…!
- Bonsoir…! Ecoutez, je ne vais pas faire, ici, la liste des "miracles", comme vous dites, pour tenter de grossièrement les expliquer en quelques minutes. Toutes mes explications resteraient dans le domaine du surnaturel...! La science exige des preuves...! Les bilans de santé, les clichés magnétiques, les vidéos et les témoignages officiels que je vous ai apportés sont justement des preuves irréfutables. Je vous laisse le soin, Mme Kesh, de commenter le reportage que vous en avez fait et je me contenterai d’intervenir quand cela sera nécessaire…!
- Avec plaisir…! Chers téléspectateurs, cher public, faisons fi des bavardages scientifiques et entrons dans le vif du sujet. Vous allez découvrir des images inédites, parfois sanglantes; extrêmement choquantes pour un trop jeune public; et qui proviennent des derniers enregistrements vidéo effectuées par l’agent Call, lors du sauvetage de Lady Ridley…! Vous découvrirez aussi diverses preuves médicales gracieusement offertes par le Ministère de la Santé à notre regard…! Rappelons que Lady Ripley, qui se trouve, comme nous pouvons nous en apercevoir, en parfaite santé, et ne montre aucune blessure, a elle-même reçue plusieurs balles de gros calibre en pleine poitrine, a été brulée au troisième degré et a encaissé de puissants chocs infra-basse… ! Mais ce n'est pas seulement d'elle et de ses fabuleux pouvoirs de guérison dont je veux parler ici. C'est aussi de ce courageux civil qui l’a aidé dans sa fuite et qui semblait condamné. C’est de lui et de son incroyable guérison dont il s’agit...! Récapitulons donc les faits et violences qui ont conduit le malheureux Volvic Lefranc au triste état dans lequel il a été retrouvé…!
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- Si "Elle" l’avait pas pris en otage, il lui serait rien arrivé au "malheureux" ! commentait alors, un père, à l’intention de sa petite famille, mère, fille et fils.
Tous les quatre étaient à table, assis devant leur assiette en train de visionner les infos sur le diffuseur.
Tous les quatre étaient à table, assis devant leur assiette en train de visionner les infos sur le diffuseur.
- Parle moins fort, mon chéri. Tu n’écoutes même pas ce qu’elle dit. Et nous, on entend rien !
- Bon…! Eh bien, écoutons calmement la propagande et laissons dire !
L'homme coupa un morceau de viande saignante et le mastiqua avec une rage contenue. Sa femme et ses enfants, complètement subjugués par les images, étaient pendus aux paroles de la présentatrice.
L'homme coupa un morceau de viande saignante et le mastiqua avec une rage contenue. Sa femme et ses enfants, complètement subjugués par les images, étaient pendus aux paroles de la présentatrice.
- Voyons tout d’abord ce premier choc dont notre héros a été la victime. Ce sont deux missiles infra-basse, envoyés très illégalement par les militaires, qui ont explosés simultanément au dessus de sa tête. L’effet est radical. On voit Mr Lefranc s’évanouir et chuter instantanément, sauvé in-extremis par l’agent Call… Il sera ensuite attaqué au fusil-mitrailleur par des mercenaires et c’est là que Mr Lefranc recevra une balle qui lui transpercera le mollet et lui brisera l’os du tibia. Nous voyons, ici, les dernières images envoyées par l’agent Call, elle aussi gravement endommagée dans cette attaque…Veuillez, donc, nous excuser pour la qualité de l’image… Voici les trois impacts de balles qui ont touché Lady Ripley. Et là, la terrible blessure de Mr Lefranc. Maintenant, regardez bien la scène qui va suivre...! Les images parlent d'elles-mêmes...! Regardez bien... voilà ! En quelques secondes, le sang coagule et la douleur disparait…!
L’image, sans arrêt court-circuitée, laissait apparaitre quelques bribes de scènes plutôt convaincantes.
L’image, sans arrêt court-circuitée, laissait apparaitre quelques bribes de scènes plutôt convaincantes.
- Aaaah…! C’est dégoutant, elle crache dans la plaie…! s’exclama la jeune Livia, en détournant le regard.
Son frère se mit à rire pour se moquer d’elle. La mère grimaça et reposa sa fourchette dans l’assiette.
Son frère se mit à rire pour se moquer d’elle. La mère grimaça et reposa sa fourchette dans l’assiette.
- Oh, mais quelle horreur…! Et au moment du diner, en plus !
Le père en profita immédiatement.
- Non, mais imaginez un peu le nombre de virus inconnus dont il est infesté, maintenant…! Bientôt, ce sera lui, le danger… Vous verrez qu’elle finira par tous nous infecter...!
- Il faudrait voter une loi pour nous protéger ! proposa naïvement son fils, un peu inquiet.
- Celles qu’on a sont bien suffisantes, fiston. Mais le gouvernement a décidé de les abroger, à cause d’elle. Il ne faut pas se laisser faire…!
- Oh, ça y est, ça m’a coupé l’appétit…! Regarde, chéri. C’est innommable !
Les chairs boursouflées et purulentes du pauvre Volvic, leur sautèrent à la figure. Plongé dans un coma artificiel, son corps immobile flottait à l’intérieur d’un sarcophage pour grand brulé. De nombreux tuyaux et câbles étaient reliés à lui, plantés dans ses veines, certains enfoncés au fond de sa trachée et de ses narines, d'autres lui sortant de l’urètre et de l’anus. Des électrodes parsemaient les parties saines de son épiderme. Toute la petite famille fit la grimace en regardant la scène et en écoutant les explications de la présentatrice.
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- … lui aussi brûlé au troisième degré. Chacun pourra comparer la gravité de ses blessures avec son état actuel et en apprécier la différence. Regardez, quarante jours auront suffi pour que les chairs s’assainissent et que la peau repousse parfaitement saine. La blessure par balle a cicatrisée, et de la même manière, l’os, les muscles et la peau se sont reformés en partie. Pour ce qui est des micro-blessures qui ont affecté ses organes les plus fragiles, la guérison est définitive. Mr Lefranc a, d’ores et déjà, put retrouver sa famille pour une convalescence bien méritée et restera, bien sûr, sous la haute surveillance de nos meilleurs médecins…! Nous retrouverons le miraculé dans quelques instants, avec toute sa famille, pour une interview dans sa chambre d’hôpital. Mais, en attendant, pouvez-vous nous dire, Docteure Oharo, comment cela a été possible…?
- Et bien, de façon très naturelle, comme on a pu le constater...! Les animaux lèchent leur blessure pour les soigner, c’est très efficace…! Nous avons très vite découvert les enzymes qui en sont responsables dans les sécrétions antiseptiques contenues dans la salive et les humeurs de Lady Ripley. Pour faire simple, disons que ces enzymes sont capables de décoller et recoller les brins d’a.d.n, et ont aussi la particularité d’y déposer un message de reconstruction. Dès lors, certains organes affectés se mettent à repousser in vivo. Plus besoin de greffe...! Voilà une avancée des plus importantes que personne ne peut nier…! Reste, évidemment, le problème de la production de synthèse à grande échelle. Malgré nos efforts, la molécule synthétique élaborée par nos meilleurs biologistes est inefficace et c’est directement à partir des sécrétions récupérées grâce à la généreuse et inconditionnelle collaboration de Lady Ridley, qu’ont été élaborés les solutions et gels utilisé sur les blessures. Si le problème n’est pas résolu, il faudra certainement avoir recours à la manipulation génétique…! Voilà ce que l’on peut en dire pour le moment !
- C’était on ne peut plus clair, merci docteure…! Avant de rejoindre notre courageux civil et sa famille, terminons avec les autres vidéos et clichés que le gouvernement nous a prêtés et qui montrent à quel point les pouvoirs de guérison de Lady Ripley sont fantastiques… Tout d’abord, cette scène et ce geste, que vous nous avez dit regretter, Lady Ripley, et que le public vous pardonnera en apprenant que vous sortiez alors d’un long coma et qu’une sainte colère vous habitait…! Vous plantez, vous-même, le coutelas de l’agent Call dans la paume de votre main sans ressentir la moindre douleur, puis, miraculeusement, la blessure cicatrise à l’instant où vous retirez la lame. Mieux, encore…! Voici un cliché sur lequel nous apercevons les restes des trois balles qui vous ont blessée au sternum. On peut voir que deux côtes sont brisées, ce qui n’a pas semblé vous affecter. Et aussi extraordinaire que cela puisse paraitre, on distingue très bien les restes de petits bouts de cuivre fondu, désintégrés par l’acide qui compose votre sang Un sang qui d’après vous, Docteure Oharo... est tout aussi salvateur et porteur d’innombrables secrets médicaux encore à découvrir…!
- Oui, c’est certain… C’est un immense espoir pour l’humanité et avant tout pour les malades, les blessés et les handicapés du monde entier. Les caractéristiques physiologiques et biologiques de Lady Ripley sont tout-à-fait extraordinaires. Outre ses capacités physiques exceptionnelles, son corps recèle de nombreux trésors chimiques et génétiques aux pouvoirs incommensurables…! Les tests, certes illégaux, mais néanmoins indispensables, que nous avons effectués pour sauver Mr Lefranc, le prouvent et laissent entrevoir de nouveaux espoirs pour la Médecine de demain. Les futures découvertes, quoique singulières, devraient s’avérer fondamentales. J’en suis convaincue !
- Espérons que nos télé-acteurs le seront autant que vous, Mlle Oharo…! Merci pour vos interventions parfaitement explicites. Il est temps, maintenant, de rejoindre notre héros du jour, Mr Volvic Lefranc, en compagnie de sa petite famille. Bonsoir les enfants, bonsoir Madame Lefranc, et bonsoir à vous Mr Lefranc !
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Volvic, couché sur son lit, souriait à la caméra, le buste légèrement relevé. Il serrait son fils dans ses bras. Sa fille balançait ses pieds, assise sur le rebord du lit. Sa femme, debout derrière lui, sourire figée mais sincère, essayait maladroitement de le cajoler en lui caressant l’épaule.
- Tout d’abord, bravo...! Le public s’associe à moi et à Lady Ripley, mon cher Volvic, pour vous souhaiter bon courage et bon rétablissement. Écoutez-le. C’est magnifique…!
Les applaudissements étaient, en effet, assez intenses et en majorité spontanés. Eva Kesh continua :
- Nous sommes heureux de vous savoir réhabilité au sein de la Cité, et de vous voir enfin, réunis, au sein de votre famille. Vous le méritiez…! Vous êtes même devenu un héros de jeu-vidéo. Il n’en faut pas plus pour entrer dans l’Histoire… ! Alors, maintenant que vous voilà en partie sorti d’affaires, quel est votre sentiment face aux polémiques dont vous êtes sujet ?
Les applaudissements étaient, en effet, assez intenses et en majorité spontanés. Eva Kesh continua :
- Nous sommes heureux de vous savoir réhabilité au sein de la Cité, et de vous voir enfin, réunis, au sein de votre famille. Vous le méritiez…! Vous êtes même devenu un héros de jeu-vidéo. Il n’en faut pas plus pour entrer dans l’Histoire… ! Alors, maintenant que vous voilà en partie sorti d’affaires, quel est votre sentiment face aux polémiques dont vous êtes sujet ?
- Merci à tous… ! Je suis vraiment très heureux d’être présent ce soir et de pouvoir répondre à vos questions. Je ne remercierai jamais assez Lady Ridley pour son aide. Je ne regrette pas d’avoir participé à son sauvetage au péril de ma vie. Que ce soit par courage ou simple inconscience, je suis fier de l’avoir fait et m’en tiens pour seul responsable. Je l’ai fait de mon plein gré et jamais je ne me suis senti pris en otage…! Pour le reste, évidemment, je comprends les appréhensions de certains, d’autant plus qu’elles m’ont toujours parues justifiées. Mais aujourd’hui, je le sais : il y a moins de risques à profiter des… comment dire… des pouvoirs surnaturels que possède Lady Ridley, que de vouloir les faire disparaitre à jamais. J’en suis la preuve vivante…! Et puis, vous voyez, je n’ai contracté aucun exo-virus maléfique. Je suis persuadé, comme le sont les médecins, qu’aucun d’eux n’existe en dehors de notre imagination et des rumeurs qui courent. Vous savez, ils m’ont proposé d’expérimenter une greffe de cellules et j’ai accepté sans crainte de contamination, ni de rejet. Je suis tout-à-fait serein... C’est vous dire si j’ai confiance !
- Confiance et Espoir sont les clés du Progrès ! Merci, Volvic… et encore, bravo ! Vos enfants peuvent être fiers de vous. Et vous, Mme Lefranc… Vous qui n’avez jamais abandonné l’espoir de voir votre combat aboutir pour une révision du procès fait à votre mari et pour la réhabilitation de celui-ci. Quel est votre sentiment après vos retrouvailles...?
La femme resta muette quelques secondes, un peu fébrile, puis prenant son courage à deux mains, répondit :
- Je suis toujours aussi amoureuse de lui !
Elle laissa planer un court silence, sûre de son effet, souriant de plus belle en entendant les applaudissements et les vivats du public. Volvic lui prit la main tendrement, puis elle se remit à parler :
- J’ai été la femme la plus heureuse du monde quand j’ai appris sa réhabilitation et son retour parmi nous... jusqu’à ce que je le vois en salle de réanimation, à moitié mort...! J’étais effondrée…! J’ai toujours pensé que son exclusion était une erreur judiciaire et j’accuse la Justice d’être responsable de ce désastre. Aujourd’hui, je me félicite que le destin ait bien voulu parlé en faveur de mon mari. Je voudrais enfin remercier Lady Ripley d’avoir été présente à nos côtés aussi souvent qu’il a été nécessaire et de nous avoir soutenus dans cette épreuve. C’est une rencontre que je n’oublierai jamais...!
- J’ai été la femme la plus heureuse du monde quand j’ai appris sa réhabilitation et son retour parmi nous... jusqu’à ce que je le vois en salle de réanimation, à moitié mort...! J’étais effondrée…! J’ai toujours pensé que son exclusion était une erreur judiciaire et j’accuse la Justice d’être responsable de ce désastre. Aujourd’hui, je me félicite que le destin ait bien voulu parlé en faveur de mon mari. Je voudrais enfin remercier Lady Ripley d’avoir été présente à nos côtés aussi souvent qu’il a été nécessaire et de nous avoir soutenus dans cette épreuve. C’est une rencontre que je n’oublierai jamais...!
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- Tu m’étonnes, chérie…! Je donnerai sans hésiter toutes mes primes à l’année pour la rencontrer rien qu’une fois ! s’exclama la doyenne d’un groupe de transformistes en se tournant vers ses amies.
Celles-ci étaient réunies autour d’elle, au creux d’un large divan à l’aspect chair humaine. dans un vaste salon donnant sur les lumières de la Cité. Elles s'étaient toutes confortablement installées face au diffuseur pour regarder le débat et s’extasier à leur aise sur Lady Ripley.
- Et moi, primes et crédits à vie pour avoir un greffon sur les fesses…!
Elles éclatèrent de rire, un peu gênées par les implants et coutures qui leur sculptaient le visage, leur rehaussaient les pommettes et les sourcils jusqu’aux tempes, leur étiraient ou leur décollaient les oreilles, leur allongeaient le nez et le museau. Certaines d’entre elles pouvaient ressembler à de mignonnes petites souris aux yeux rouges, d’autres à de méchantes sorcières au regard noir ou à d’étranges extraterrestres aux pupilles translucides. Toutes resplendissaient d’une rare et intrigante beauté animale ou surnaturelle. Le reste de leur corps et leurs tenues tendaient à la même perfection.
- Chuuut…! Écoutez ! C’est là que ça va être intéressant !
- … à vous, Professeur Foller de répondre à cette difficile question… Nous sommes tous impatients de comprendre !
- Eh bien, merci de m’avoir invité et bonsoir à tous...! dit le professeur. Je vais essayer d’être le plus clair possible. Arrêtez moi si je m’égare...! Laissez moi d’abord vous rassurer à propos des risques de contamination et d’épidémie : il n’y a aucun exo-virus à l’intérieur de son organisme. Les scientifiques qui l’ont clonée ont pris grand soin de tous les éliminer pour ne pas risquer d’y être exposés. En revanche, et c’est un des points les plus positifs, tous les codes viraux ont été enregistrés au sein de son a.d.n et elle se trouve, ainsi, immunisée contre des milliers d’exo-virus qui pourraient parvenir jusqu’à nous et dont nous avons toujours eu si peur. De là à trouver des géno-vaccins, il n’y a qu’un pas… à franchir…! En ce qui concerne son inquiétante métamorphose, les mues et les déformations qui l’accablent, il ne s’agit, là, que d’une conséquence très naturelle, inhérente à l’hybridation dont Lady Ripley est victime...!
Le professeur loucha vers la "Mutante", planta son regard noir dans le sien, encore plus noir, et sourit brièvement avant de reprendre son explication.
- Nous serons bientôt en mesure de ralentir cet étrange processus et nous pourrons le stopper dans sa progression. Il va sans dire que si certaines expériences étaient tentées, nous réussirions facilement à faire disparaitre cette anomalie. Les lois relatives à la Génétique pourraient, dès maintenant, nous permettre d’expérimenter divers clonages ou greffes mutagènes, mais il reste à modifier quelques lois anti-extraterrestres totalement obsolètes…! Enfin, pour répondre à cette délicate question d’immortalité, que nous nous posons, tous, depuis la nuit des temps, et dont nous avions déjà quelques réponses qui confirmaient nos espoirs ; je pense que dans le cas présent, on peut parler d’un concept plus proche encore de nos chimères et utiliser le mot "Éternité" pour définir ce miracle de la génétique : la Récurrence de la Mémoire. La possibilité de renaitre, soi-même, indéfiniment, quand vous le désirez. Dans un ou mille siècles ! Rendez-vous compte…! Un accident mortel, une jeunesse qui s’épuise ou une longue maladie qui finit par vous emporter, vous décédez et vous voilà déjà en train de jeter la terre sur votre propre cercueil. C’est tout simplement inconcevable, mais c’est pourtant une réalité ! Remercions le "ciel" de nous avoir envoyé un tel cadeau…!
Le professeur loucha vers la "Mutante", planta son regard noir dans le sien, encore plus noir, et sourit brièvement avant de reprendre son explication.
- Nous serons bientôt en mesure de ralentir cet étrange processus et nous pourrons le stopper dans sa progression. Il va sans dire que si certaines expériences étaient tentées, nous réussirions facilement à faire disparaitre cette anomalie. Les lois relatives à la Génétique pourraient, dès maintenant, nous permettre d’expérimenter divers clonages ou greffes mutagènes, mais il reste à modifier quelques lois anti-extraterrestres totalement obsolètes…! Enfin, pour répondre à cette délicate question d’immortalité, que nous nous posons, tous, depuis la nuit des temps, et dont nous avions déjà quelques réponses qui confirmaient nos espoirs ; je pense que dans le cas présent, on peut parler d’un concept plus proche encore de nos chimères et utiliser le mot "Éternité" pour définir ce miracle de la génétique : la Récurrence de la Mémoire. La possibilité de renaitre, soi-même, indéfiniment, quand vous le désirez. Dans un ou mille siècles ! Rendez-vous compte…! Un accident mortel, une jeunesse qui s’épuise ou une longue maladie qui finit par vous emporter, vous décédez et vous voilà déjà en train de jeter la terre sur votre propre cercueil. C’est tout simplement inconcevable, mais c’est pourtant une réalité ! Remercions le "ciel" de nous avoir envoyé un tel cadeau…!
- Merci Professeur pour ces fantastiques éclaircissements qui ne manqueront pas de soulever beaucoup d’autres questions…! Il nous faut donc définir une nouvelle éthique plus moderne et adaptée aux nouvelles découvertes, si j’ai bien compris votre message. J’aimerais avoir votre avis, Mme Gablinska, sur ce que nous venons d’entendre. Que nous proposez vous comme éléments de réflexion…?
- Bonsoir et merci pour votre invitation…! Demandons-nous, avant tout, si nous étions prêts à faire une rencontre extraterrestre...! Oui, je le crois. Allions nous jusqu’à l’espérer…? Peut-être…! Alors, pourquoi ne pas tenter l’expérience…? D’autant plus, que nous ne prenons aucun risque avec Lady Ripley. Nous sommes loin d’être en face de l’envahisseur tant redouté…! Pour ce qui est des risques liés au clonage, il faut de toute évidence être extrêmement vigilant face aux convoitises et aux désirs de tout un chacun, moi y compris, je vous l’avoue…!
La doyenne du petit groupe de transformistes, se leva du divan et dit en s’éclipsant :
- Oh, la, la… Elle va nous faire la leçon, celle-là, maintenant...! Et vous avez entendues Foller qui cherche déjà à l’humaniser. On est vraiment seules au monde…!
Ses amies acquiescèrent.
- Quand je pense qu’il est juste à côté d’elle. Il pourrait presque se servir...! remarqua l’une d’elle.
Ses amies acquiescèrent.
- Quand je pense qu’il est juste à côté d’elle. Il pourrait presque se servir...! remarqua l’une d’elle.
Une autre se prit à rêvasser :
- Il suffirait de quelques brins de son a.d.n et on pourrait toutes se faire cloner…!
- Facile…! On forme un commando, on lui arrache un bout de peau, et on décampe. On monte un labo, on kidnappe Foller, et hop, dans le tube. On n’est pas prêtes d’y arriver...!
- On peut rêver…!
- On peut aussi militer dans ce but, et déjà commencer à voter en ce sens. Ça nous rapprochera un peu de notre objectif ! proposa l’une d’elles.
- On peut aussi militer dans ce but, et déjà commencer à voter en ce sens. Ça nous rapprochera un peu de notre objectif ! proposa l’une d’elles.
- On sera morte avant de l’atteindre, c’est sûr !
- Il faut pas désespérer ma chérie… ! Ils viennent de dire que la mort n’existait plus !
- Ils ont parlé d’éternité, ils n’ont pas dit que la mort n’existait plus, c’est différent...! Et pour avoir un billet pour l’Eternité, je crois qu’il va falloir se lever de bonne heure. Ça ne va pas être donné à tout le monde !
- On sait déjà qui va en profiter…!
- Les Immortels du gouvernement…! Et veuillez dire, dorénavant : les Éternels !
- Ah, oui…! Sûr, qu’ils ont prévus de s’appeler comme ça !
- En tous cas, s’ils le font, nous serons en droit de les imiter…!
- On ne va pas attendre qu’ils le fassent en secret, il faut tout de suite les forcer à partager leurs découvertes et proposer une loi !
- Ils n’ont certainement pas l’intention de nous faciliter les tâches…! leur dit la doyenne en revenant dans le salon et en articulant bien les trois derniers mots.
Elles explosèrent toutes de rire. Même si elles connaissaient la blague par cœur, elles en riaient toujours... quand la contrepèterie tombait à pic.
- Ecoutez le débat et vous comprendrez pourquoi…! dit la doyenne en se servant un drink.
Elle alluma un joint électronique et le fuma accoudée au bar en sirotant son verre et en caressant ses implants du bout des ongles.
Elle alluma un joint électronique et le fuma accoudée au bar en sirotant son verre et en caressant ses implants du bout des ongles.
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- … la conquête de l’espace leur en offre l’opportunité...! expliquait le ministre Lew Danton. Devenir éternel sera très simple, mais le rester sera une quête permanente qui les mènera toujours plus loin, aux confins de l’Univers. Il n’y aura pas d’éternité sur Terre. Seuls les colons auront le privilège d’une résurrection à chaque nouvel engagement. Aucun passe-droit ne sera délivré et tous les contrevenants seront immédiatement condamné à l’exil ou engagés de force…! Mme Gablinska nous l’a parfaitement fait comprendre : l’Eternité a besoin de l’Infini pour exister…! S’engager, c’est quitter sa famille, ses amis, son passé, le confort et la sécurité que nous offre la Terre, pour ne jamais revenir. Il ne suffit pas de vouloir gagner un petit bout d’éternité, il faudra, aussi et surtout, remporter milles combats et affronter des mondes inconnus. L’esprit des colons, c’est celui des premiers pionniers de l’espace, celui du dépassement de soi, celui des guerriers de l’ancien monde qui montent au combat…! C’est un état d’esprit qu’il faut développer et ressentir au plus profond de soi, avant de pouvoir prétendre avoir le mérite de s’engager. À nous de prouver qu’il reste encore des aventuriers dignes de ce nom…! Notre adversaire est battu d’avance et il le sait. Dans moins d’un siècle nous aurons reconquis toutes les colonies usurpées par l’Armée, sans avoir pris le moindre risque. Les avantages que nous offre le clonage mutagène est notre meilleure arme. Il s’agit donc de l’expérimenter au plus tôt… Et, afin de donner l’exemple, j’ai moi-même décidé de m’engager, en qualité de simple soldat, pour lutter aux côtés de tous ceux qui se porteront volontaires. Il est temps de mettre un terme à l’hégémonie énergétique des militaires et de reprendre notre indépendance ! bastonna le ministre de la défense pour conclure.
- Quelles révélations, Mr le Ministre...! Vous préparez la guerre…! Mais, personne n’en veut, si je ne m’abuse...! Voyons voir s’il y a des volontaires…! Chers téléspectateur, cher public, à vos modems. Oui ou Non...! Êtes-vous prêts à engager votre propre clone, votre double, et en définitive vous-même, dans une guerre d’indépendance…? En attendant de recevoir les plus lointaines réponses, je me tourne vers vous, Lady Ripley pour avoir votre avis...!
La "Mutante" lui sourit poliment, puis répondit en soupirant :
- Eh, bien…! Écoutez, comme toute personne raisonnable, j’aspire à une Paix Universelle, évidemment. Mais je cherche, aussi, à retrouver une paix intérieure… Vous savez, à mon époque, l’Armée se battait déjà contre les civils et assassinait tous les clandestins qui empiétaient sur ses trafics. Il semble que rien n’ai changé. Pour moi, les militaires sont responsables de tant de malheurs, sans même parler du mien, que je ne peux leur accorder une quelconque miséricorde…! Avec eux, s’il en reste un sur le champ de bataille, la guerre n’est pas finie… Alors, le plus tôt sera le mieux !
La franchise avec laquelle la "Mutante" venait de s'exprimer fit l’effet escompté. Eva Kesh se mit à rire de bon cœur et le public, surexcité, lui fit une longue ovation. Le Ministre de la Défense frappait dans ses mains sans pouvoir se retenir de sourire.
La franchise avec laquelle la "Mutante" venait de s'exprimer fit l’effet escompté. Eva Kesh se mit à rire de bon cœur et le public, surexcité, lui fit une longue ovation. Le Ministre de la Défense frappait dans ses mains sans pouvoir se retenir de sourire.
- Vous n’y allez pas de main morte…! reprit la présentatrice. Ils doivent d’ores et déjà compter leurs abattis...! Demandons, maintenant, à nos concitoyens, ce qu’ils en pensent…! Dix milliards de réponses suffiront à nous donner une idée des futures statistiques. Ah ! Je vois une nette différence entre la réponse de nos colons et celle des terriens. Presque cent pour cent chez les uns, contre moins de cinquante pour les autres. C’est une majorité de OUI qui l’emporte, avec, donc, un petit bémol… Voilà qui devrait vous rassurer, Mr le Ministre !
- Le peuple a parlé…! répondit ce dernier.
- Il est temps d’écouter les arguments de vos détracteurs. Nous vérifierons, ensuite, si la tendance se confirme ! conclut Eva Kesh.
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- Oh, putain… Mortel ! s’exclamèrent en chœur, avec parfois d’autres mots, mais tout aussi crûment, tous les colons assis un peu partout dans la salle de repos, face au maxi-diffuseur.
- YEAH ! firent-ils, en levant leurs canettes de bière. À la "Mutante", les gars…! À Lady Ripley !
- YEAH ! firent-ils, en levant leurs canettes de bière. À la "Mutante", les gars…! À Lady Ripley !
Ils finirent de l’honorer avec une bonne gorgée de bière avalée au goulot, à défaut de coupe de champagne.
- Une seconde vie nous attends, mon pote…! On va pouvoir rentrer sur Terre pour y finir nos vieux jours. Tu te rends compte. Bientôt la quille…! dit l’un d’eux à son voisin.
- Tu crois qu’on y aura droit, toi…!
- Bah, bien sûr…! On est des colons, raison de plus. Y’a plus qu’à se porter volontaire et envoyer son clone à sa place dans ce fichu merdier. J’approuve !
Juste à coté, l’un d’eux s’en amusait, déjà, avec ses potes. Un brin vulgaire :
- … j’l’abandonne dans c’bled pourri et j’lui fais cadeau d’ma salope d’androïde, pour m’faire pardonner...!
- C’est pas une androïde qu’y lui faudra, à ton clone, mais un xéno-morphe… !
- T’inquiète, les xéno-morphes aussi. J’les embroche tous sur ma queue et j’les donne à bouffer aux extra-terrestres…!
Alors, là, ils étaient tous morts de rire. Un ancien leur fit remarquer :
Alors, là, ils étaient tous morts de rire. Un ancien leur fit remarquer :
- Personne, ici, n’a rien à y gagner. Ils ne comptent pas nous cloner sur Terre. On y retournera tous avec nos maladies, et c’est pas une putain d’prime qui nous empêchera d’en crever !
- T’oublies les découvertes qu’ils ont prévu d’faire. Ils seront sûrement capables de nous guérir…!
- C’est possible…!
Un des chefs de chantier intervint :
- Ça dérange personne d’envoyer son clone galérer ici pour l’éternité…?! C’est vous-même que vous enverrez au charbon. Et là, il faudra pas espérer revenir sur Terre, les gars. Vous devriez y réfléchir...!
- Parle pour toi…! Moi, j’suis pas parti avec l’intention de revenir. Alors, si j’peux continuer à tracer ma route à l’infini, ça m’arrange !
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Eva Kesh se détourna du public et s’avança vers ses invités.
-… Écoutons vos arguments, et voyons s’ils changent la donne. À vous l’honneur, Sainte-Mère…! Je rappelle que vous êtes la porte-parole du Grand-Temple œcuménique. Ne craignez vous pas le ridicule en affirmant que Lady Ripley est l’œuvre du Diable ?
- Pas du tout, puisque ce n’est, là, qu’une simple métaphore. Si vous étiez croyante, vous l’auriez compris. Chacun sait très bien que Lady Ripley est le résultat d’expériences génétiques perpétrées par les scientifiques. Ce sont eux, les vrais serviteurs du Diable. Et c’est au sein de leur conscience que le mal s’active…! Mme Gablinska l’affirmait elle-même : le cycle de la Vie et de la Mort ne doit en aucun cas être perturbé. L’ordre cosmologique, lui-même, ne peut être contraint que par ses propres motivations… ! Le gouvernement prétend vouloir minimiser les risques et imposer de nouvelles lois protectrices, en abrogeant les plus efficaces d’entre elles. C’est absurde… Quand Dieu a crée l’âme immortelle, n’a-t-il pas anticipé cette possibilité ? Que l’Humanité, consciente de son pouvoir, risquerait, un jour, de détruire le fragile équilibre naturel de l’Univers. Qui donc voudrait prendre ce risque, à part tous ceux qui croient pouvoir en profiter. Si la Mort disparait, la Vie finira par, tous, nous étouffer, soyons en sûr…! Je ne dis pas que Lady Ripley en est la responsable, mais qu’elle est l’outil avec lequel le Diable pourrait bien se jouer de nous si nous lui en laissons l’occasion…! Le très relatif isolement dont elle fait l’objet n’offre aucune sécurité de ce point de vue là. Comment s’assurer que les scientifiques et leur entourage ne s’octroient le droit ou le mérite de profiter d’une telle découverte, au mépris de l’Humanité toute entière ! Aucune loi ne sera efficace dans un pareil cas. Le désir de la transgresser sera trop fort pour une pauvre et faible âme de pêcheur comme la nôtre. Je crois qu’il est encore temps de sauver le futur de l’Humanité, en priant pour une prise de conscience collective et un refus de la fatalité. Les scientifiques, les politiciens, Lady Ripley, elle-même, et tous ceux qui se sentent visés, doivent, dès maintenant, songer au salut de leur âme et refuser de devenir le bras armé du Mal !
- Je vois que le Professeur Foller a hâte de vous répondre. Allez-y, Professeur, vous avez la parole !
- Merci, Mme Kesh…! Je ne vais pas nier avoir, moi-même, un certain désir d’éternité, bien que j’en apprécie les limites, mais de là à vous laissez dire que c’est un pêché contre l’Humanité, il en est hors de question. Tous vos cultes sont empreints de ce concept que vous dénigrez aujourd’hui. L’immortalité de l’âme et la résurrection ont toujours été votre cheval de bataille. Et maintenant qu’on vous l’offre réellement, vous n’en voulez plus. On croit rêver… ! Ne vous faites pas plus ridicule que vous ne l’êtes. Acceptez, plutôt, en échange d’un moment d’éternité, d’être les nouveaux missionnaires de l’espace. Les extraterrestres sont très certainement pourvus d’une âme qui ne demande qu’à être sauvée des flammes d’un enfer éternel…! Je plaisante, bien sûr, mais vous avez eu le tort de commencer…! ironisa le Professeur Foller, sourire au lèvres.
Une partie du public applaudit ses propos et sous-entendus avec enthousiasme.
Une partie du public applaudit ses propos et sous-entendus avec enthousiasme.
- Allons, allons, ce n’est pas une joute verbale. Vous voulez rajouter quelque chose, Professeur ? intervint la présentatrice.
- Oui…! J’aimerais conclure ainsi : en rappelant que les scientifiques n’ont fait que réaliser ce que les religieux ont imaginé à travers leurs mythes et légendes durant des millénaires. Vous en avez eu l’idée, nous l’avons réalisé... Et jusqu’à preuve du contraire, nous sommes les seuls à en être capables !
- Restons en là…! Merci, Sainte-Mère, pour votre intervention. Je crois que votre appel a été entendu…! Mr Driss, vous êtes le directeur du N.E.T.I. Vous êtes venu défendre les positions et convictions de vos très nombreux sympathisants. Nous vous écoutons…!
- Merci de nous avoir invité à débattre et bonsoir à tous ! Votre spectacle est magnifique, Mme Kesh, et il nous fait rêver. Mais je crains que le débat ne soit un peu tronqué par avance…! J’aimerais que l’on puisse prendre un peu de recul pour analyser les choses de manière plus objective. Il nous faut prendre conscience du danger, et sans vouloir nier les aspects positifs de la chose, mesurer les risques que nous prenons afin de nous en protéger. Le gouvernement a, déjà, fait l’erreur d’outrepasser ses droits, violant une des lois fondamentales de la sureté spatiale, en accueillant Lady Ripley, qui aurait dû être considérée comme une extraterrestre. Je veux bien admettre que, dans l’urgence, il en ait été contraint et forcé, mais il serait parfaitement intolérable que le gouvernement refuse d’appliquer, désormais, les lois telles qu’elles ont été établies pour ce genre d’individu. En l’occurrence, celle qui impose une quarantaine prolongée en cas de contamination. Lady Ripley ne devrait même pas se trouver parmi nous…! Vous pouvez arguer le fait qu’elle soit en partie humaine pour l’en exonérer, mais pour nous, elle n’est pas la simple victime d’une mutation naturelle. Pire qu’une contamination, elle est le fruit d’un métissage extraterrestre contre nature. La loi doit, donc, être appliquée sans délai à son égard… Replaçons-la en observation et instaurons un moratoire de réflexion qui nous laisse le temps de mieux apprécier la situation. Il est nécessaire d’échafauder et d’aménager les lois en ayant conscience de toutes les conséquences négatives qui en découleront. Je ne vais pas vous en faire la liste, mais prenons juste comme exemple, le risque; que je considère comme majeur; qu’elle puisse se reproduire pour donner naissance à une nouvelle espèce… Ne faudrait-il pas alors penser à une stérilisation obligatoire ? Ainsi que pour les clones…! Et comment pourront nous empêcher que des scientifiques ne provoquent, eux-mêmes, une mutation généralisée à l’insu de l’Humanité. Voilà les vraies questions qu’il faut se poser. Celles qui concernent les risques que nous allons prendre en acceptant les extraterrestres dans notre sphère d’habitation. Certaines solutions devront être radicales pour s’avérer efficaces…!
- Assez radicales pour vous faire réagir, Lady Ripley…! intervint la présentatrice.
- Pas vraiment…! Je comprends, tout-à-fait, votre point de vue et celui de vos sympathisants. Je suis moi-même passée par là...! Je n’ai cessé de lutter contre le danger qu’une telle rencontre représentait pour mon équipage et pour l’Humanité dans son ensemble. Je suis allée jusqu’à me sacrifier pour qu’elle n’ait pas lieu. Sachez que je continuerai à le faire avec la même conviction, à vos côtés, en me pliant volontiers à toutes les mesures de précaution qui seront nécessaires…!
- De belles promesses ne suffiront pas à nous convaincre. Attendez-vous à subir de grandes contraintes. Nous ne lésinerons pas sur la sécurité et la protection de notre intégrité génétique ! répondit le représentant des anti-extraterrestres.
- Vous êtes prévenue, Lady Ripley…! ironisa la présentatrice. La Société Civile a, elle aussi, beaucoup d’exigence. Sa représentante, Mlle Kong, est là pour nous les rappeler. Vous avez la parole…!
- Merci… Bonsoir à tous ! Tout d’abord, j’aimerais rappeler que toutes nos associations, en tant que personne morale, sont parfaitement neutres au débat et que leurs adhérents sont libres de leurs convictions. Nous déplorons de nous retrouver assimilés aux détracteurs du gouvernement et il nous fallait clarifier notre position. Nous n’avons aucun parti pris ! Nous exigeons, simplement, la levée du secret-défense concernant toute cette affaire. Sur les expériences génétiques passées et à venir, sur les découvertes médicales et sur les technologies extraterrestres. Nous exigeons aussi de participer à la surveillance et à la protection de Lady Ridley, comme il l’est stipulé dans la loi sur le contrôle des personnes. Nous pensons, même, qu’il sera nécessaire de contrôler tous ceux qui l’auront côtoyée. Loin de moi, l’idée de suspecter les membres du gouvernement présents autour d’elle, sur ce plateau, de vouloir l’utiliser à leur seul profit et de garder pour eux les secrets scientifiques dont ils sont détenteurs, mais la loi nous autorise à en avoir le cœur net et je crois, messieurs, dames, que vous n’y échapperez pas. Nous vous invitons, d’ailleurs, à rejoindre notre vaste réseau civil, comme tant d’autres de vos collègues qui nous soutiennent et qui partagent leur savoir avec la population, en toute sécurité…! Le gouvernement sait très bien qu’avec notre aide, tout sera plus rapide et efficace. Nos services ont souvent prouvé leur utilité. Tant au niveau de la recherche scientifique et technologique, qu’à celui de la protection civile. Il aura du mal à garder la confiance de la population s’il rejette ses doléances !
- Vos exigences ont été entendues…! rétorqua Eva Kesh. Merci pour votre intervention et bonne continuation à votre réseau d’échange et de contrôle civil…! Nous avons, maintenant, matière à réflexion. Alors, en attendant les nouvelles statistiques et les questions que vous désirez poser à nos invités, cher public, voici une petite surprise. Ce sont des retrouvailles un peu particulières, pour nos deux héros acrobates ! Après avoir reçu les honneurs du gouvernement, il ne leur restait plus qu’à recevoir l’hommage de la population, car ils le méritent…!
Elle se leva de son fauteuil, sans s’arrêter de parler, et se dirigea vers les coulisses.
- Je suis heureuse d’accueillir ceux qui ont courageusement anéanti un escadron de soldats au péril de leur vie et ont aidé au sauvetage in-extremis de Lady Ripley…! Applaudissons, Washi et Donf !
Elle se leva de son fauteuil, sans s’arrêter de parler, et se dirigea vers les coulisses.
- Je suis heureuse d’accueillir ceux qui ont courageusement anéanti un escadron de soldats au péril de leur vie et ont aidé au sauvetage in-extremis de Lady Ripley…! Applaudissons, Washi et Donf !
La présentatrice tendit ses mains, bras grands ouverts, vers les deux djeuns qui surgissaient des coulisses et s’avançaient vers elle, sapés à la dernière mode sport, leur médaille du courage autour du cou, les cheveux rutilants sous la casquette, sourire aux lèvres et dents éclatantes de blancheur. Washi, la patte raide, exagérait son boitillement. L’épaule immobilisée par une attelle, il levait son bras valide et saluait le public survolté, poing serré. Donf répondait aux vivats de la foule par de timides levées de poing et des hochements de tête nerveux.
Les images 3D de leur exploit, filmé par les civils, apparaissaient au dessus d’eux, au travers de l’immense diffuseur géant qui recouvrait la scène. On les voyait passer entre les poutrelles d’acier de la Tour Eiffel, suivis par leur vaisseau qui finissait sa course en explosant et en s’éparpillant sur toute la largeur du fleuve asséché; massacrant l’escadron d’androïdes-militaires. L’enthousiasme du public s’intensifia encore.
La présentatrice leur serra chaleureusement la main et les entraina avec elle jusqu’à leur place. Les deux compères saluèrent timidement la "Mutante" d’un bref regard et d’un bonsoir muet avant de s’asseoir à ses côtés. Donf chercha maladroitement une position à adopter, puis finit par poser ses fesses au bord du fauteuil, les jambes écartées, coudes sur les genoux et les mains jointes, déjà plus à son aise. Washi, gêné par sa jambe, s’était, lui aussi, calé en bout de siège. Tous les autres invités avaient disparus comme par magie grâce aux effets spéciaux. Eva Kesh reprit sa place au côté de la "Mutante".
- Lady Ripley, voici vos sauveurs ! Vous teniez absolument à les remercier et à les féliciter, en personne. Je vous laisse, donc, le soin de leur exprimer toute votre reconnaissance !
La "Mutante" se leva pour s’adresser à ses deux sauveurs :
- Aucun mot n’est assez fort pour vous dire ma gratitude, jeunes hommes…! J’ai vraiment été très émue quand j’ai appris ce que vous aviez fait pour moi. Vous auriez pu perdre la vie en agissant ainsi. Je vous en serai redevable à jamais et mon amitié vous est acquise…! Au-delà du courage et de ce sens du devoir dont vous avez fait preuve, c’est à votre sens du sacrifice et à la générosité qui vous animent que je veux rendre hommage. Je suis consciente que quelques remerciements ne suffiront pas à vous exprimer ma reconnaissance et j’aimerais vous faire, plus concrètement, la promesse d’un soutien inconditionnel, si tant est que vous en ayez besoin, un jour. J’aimerais pouvoir vous être aussi utile que vous l’avez été pour moi et vous apporter autant en retour…! Que vous dire de plus ?
- Pourquoi en dire plus ? intervint, la présentatrice. Qui pourrait, mieux que vous, leur rendre la pareille…! Tout simplement en leur offrant l’éternité. Une éternité à laquelle ils sont, d’ailleurs, en droit de prétendre et qu’ils accepteront volontiers en remerciements. Qu’en dites vous, Washi ?
- Pourquoi pas… Je n’sais pas trop ! J’y ai pensé, comme tout l’monde, mais je crois que le courage me manquerait... À cause de mes enfants. Je ne laisserai pas mon clone partir s’il avait le sentiment de les abandonner. Il n’aurait qu’une envie, c’est de revenir les voir grandir. Je préfère me contenter de l’hommage qui nous a été fait et des remerciements de Lady Ripley…! Évidemment, si le gouvernement le demandait, je n’hésiterai pas à me porter volontaire et à partir vers les colonies pour faire mon devoir, malgré tout !
- Et vous, Donf… Vous ne laisseriez pas votre meilleur ami partir tout seul !?
- C’est sûr ! J’aurais l’impression d’le laisser tomber. Je n’m’imagine pas, moi-même, partir sans lui. Par contre, l’idée d’aller surfer des paysages inconnus me plait vraiment bien. Et pourquoi pas pour l’éternité…! Il y a tellement de choses à découvrir !
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- Putain d’civils ! soupira le Général D’ARKO. Ils vont nous envoyer tous les plus tordus…!
Le général recula brusquement sur son siège à sustentation, les deux mains collées au rebord de la grande table ronde. Il se leva et se pencha au-dessus de l’assistance, buste en avant, pesant de tous son poids sur ses bras tendus. Son tablier de décorations militaires se balançait contre son uniforme. Il balaya les membres du Conseil d’un regard sombre. D’un clic sur sa télécommande, il éteignit le diffuseur à facettes, puis se remit à parler :
Le général recula brusquement sur son siège à sustentation, les deux mains collées au rebord de la grande table ronde. Il se leva et se pencha au-dessus de l’assistance, buste en avant, pesant de tous son poids sur ses bras tendus. Son tablier de décorations militaires se balançait contre son uniforme. Il balaya les membres du Conseil d’un regard sombre. D’un clic sur sa télécommande, il éteignit le diffuseur à facettes, puis se remit à parler :
- Messieurs…! Mesdames…! Nous n’avons plus le choix… Dans un an ou deux, les civils seront en mesure de reconquérir le système solaire dans sa totalité. Nos armées de xéno-morphes ne leur feront ni chaud, ni froid. Inutile de se fatiguer pour rien. C’est notre dernière partie et ils ont toutes les meilleures cartes en main. Nous avons perdu la "Mutante", perdu nos meilleurs généticiens et donc perdu ce combat à l’avance. Évitons, en plus, de perdre la face… Nous sommes, tous, en droit de négocier notre reddition avec le gouvernement civil et je pense qu’il faut s’y préparer. Ceux qui ne pourront s’y résoudre devront aller poursuivre le combat dans les exo-systèmes qui en feront leur parti…!
- Ne pourrait-on pas envisager une guerre-éclair absolue, tant que nous en avons encore la possibilité. Mettons toutes nos forces en action et essayons de les prendre de vitesse ! suggéra une vieille générale surliftée, d’une voix rauque qui trahissait son âge avancé et son état de santé très dégradé.
- Je pense qu’il est trop tard et qu’il vaut mieux se résigner à passer sous tutelle civile, sans combattre. Sans risquer l’exil, ni l’exclusion ! répondit le général D’ARKO.
- Vous comptez, aussi, leur livrer le "Vaisseau", en échange de leur clémence ! Il faudrait ordonner sa destruction immédiate !
- Qu’est-ce que vous croyez ? Là-bas, aussi, ils sont prêts à négocier. Il faut nous faire une raison. Pensez que l’on peut y gagner l’Éternité !
- Utilisons le "Vaisseau" pour faire monter les enchères au maximum…! Menaçons-les de le détruire ! s’exclama un des généraux. Les membres du conseil acquiescèrent, tour à tour, de la tête, à sa suggestion.
- Je crains que ce soit le mieux pour nous…! reprit le général D’ARKO. Et, surtout, ne le prenons pas comme une trahison… ! C’est une reddition forcée par le destin...!
Fin du quatrième épisode
Cinquième épisode : http://lesmainssansmaitre.blogspot.fr/2015/08/eternity-alien-5-cinquieme-episode.html

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