Alien 5 Eternity (sixième épisode)
- Caméra une !
Le premier des quatre écrans diffusa aussitôt le visage de Lady Ripley. Une élégante mains armée d’un plumeau lui passait les tempes au fond de teint. Des milliers de paillettes d’or ornaient son crâne ainsi que la proéminence organique qui lui couvrait la nuque. Sa large collerette était, elle aussi, parsemées de milles petites étoiles étincelantes. Un maquillage sobre avait gommé quelques traits un peu trop caractéristiques de son noble visage. Un peu de rose lui rafraichissait les joues. Un peu de rimmel atténuait la dureté de son regard.
- Caméra deux !
On la voyait, maintenant, de profil, en plan éloignée, assoupie dans son antique fauteuil de merisier. Sa collerette scintillante était plus lumineuse qu’une coiffe impériale. Une simple toge de drapé immaculée l’habillait, la recouvrant entièrement de la base du cou jusqu'au bout des orteils. La maquilleuse s’affairait autour d’elle, la repoudrant de çi, de là ou rajoutant des paillettes d'or sur les chairs proéminentes.
- Caméra trois !
Le troisième écran s’alluma sur une vue panoramique du laboratoire de clonage. La caméra se déplaça le long du large vitrage blindé qui séparait le labo du sas d'entrée pour filmer le défilé de clones endormis qui flottaient à l’intérieur des cylindres de maturation. Le technicien ne pût se retenir de zoomer sur un des visages dont les ressemblances avec celui de Lady Ripley, loin d’être évidentes, étaient néanmoins perceptibles.
- Caméra quatre !
Ce fut au tour de l’animateur qui présentait le reportage, d’apparaitre sur le dernier écran. Il attendait sagement qu’on lui donne l’antenne.
Ce fut au tour de l’animateur qui présentait le reportage, d’apparaitre sur le dernier écran. Il attendait sagement qu’on lui donne l’antenne.
- On reprend dans trente secondes…! Cette fois, c’est la bonne...! lança le technicien d’un ton calme, un peu blasé.
Le présentateur remonta la mèche blonde qui lui chatouillait le front, puis planta son regard stressé dans l’œil de la caméra. Une petite lumière rouge s’était mise à clignoter au centre de l’objectif pour le prévenir de la reprise. Lady Ripley fixait, elle aussi, le point lumineux de ses yeux noirs. Le reflet écarlate formait un iris rougeoyant qui enflammait l’obscure noirceur de ses rétines.
_
Lew Danton observait sa montre holographique, un anneau de platine tenu par un bracelet de cuir vernis. Un petit point rouge s'était mis à clignoter au milieu du cercle de métal précieux. Il releva la tête et attendit que le conseiller ait fini son exposé.
- La dissuasion a, certes, ses limites, mais cette première naissance en série nous aidera très certainement à conclure les prochaines redditions sans avoir à lever toute une armée…! Pour les autres, les plus éloignés et plus particulièrement pour les planètes situées sur cet axe…!
L'expert leva le bras, pointa l’endroit avec sa télécommande pour le rendre plus visible parmi les milliards d’étoiles de la Voie Lactée. Tous les membres de l’assemblée réunis autour de la table levèrent le nez.
- Les menaces ne suffiront pas. Nous devrons y envoyer de nombreux colons...!
Le ministre reprit la parole.
- Merci, Mr Martins. Vous nous ferez part de vos chiffres et prévisions après le discours de Lady Ripley. Mes chers amis, il est l’heure de vérifier si elle a tenu ses promesses et si elle peut répondre à nos attentes...!
L'expert leva le bras, pointa l’endroit avec sa télécommande pour le rendre plus visible parmi les milliards d’étoiles de la Voie Lactée. Tous les membres de l’assemblée réunis autour de la table levèrent le nez.
- Les menaces ne suffiront pas. Nous devrons y envoyer de nombreux colons...!
Le ministre reprit la parole.
- Merci, Mr Martins. Vous nous ferez part de vos chiffres et prévisions après le discours de Lady Ripley. Mes chers amis, il est l’heure de vérifier si elle a tenu ses promesses et si elle peut répondre à nos attentes...!
Le Ministre de la Défense Américaine n’avait pas fini de parler que, déjà, les images diffusées par la chaine intercontinentale apparaissaient au fond de la salle de réunion. Le son augmenta soudain et les paroles du commentateur devinrent compréhensibles.
Face à la caméra, ce dernier, vêtu d’une combinaison de protection, ganté, masqué et coiffé d’une capuche, reculait lentement dans un étroit couloir en longeant les parois vitrées des laboratoires de clonages. Il chuchotait dans son micro :
Face à la caméra, ce dernier, vêtu d’une combinaison de protection, ganté, masqué et coiffé d’une capuche, reculait lentement dans un étroit couloir en longeant les parois vitrées des laboratoires de clonages. Il chuchotait dans son micro :
- C’est une grande première. La naissance de ces clones en série est le fruit de deux ans de recherches et d’expériences menées par Lady Ripley et son équipe. Il aura fallu un peu plus de six mois de croissance prénatale et quatre mois de maturation hyper accélérée pour arriver à ce magnifique résultat…! Vingt hommes et vingt femmes dans la force de l’âge et en parfaite condition physique. Chacun d’entre eux est doté des caractéristiques physiologiques que leur "mère", Lady Ripley, leur a transmises…! Après élimination, bien sûr, des problèmes de mutation évolutive….! Qui pourrait dire, aujourd’hui, que ces êtres là sont des mutants et non des humains. Où est la différence...? La question soulève de nombreuses controverses au sein de la population. Qui se cache derrière ces visages angéliques…?! Deux clans s’opposent…! D’un coté, ceux qui n’y voient que les avantages. De l’autre, ceux qui ne parlent que des risques…! L’intégrité génétique de l’Humanité est-elle réellement menacée…?
Arrivé au bout du couloir, il prit un air très solennel.
- Derrière cette porte, se trouve Lady Ripley, Gardienne du Temple…!
Il se remit à marcher.
- Elle répondra, dans quelques secondes, aux légitimes interrogations que nous nous posons. Nous assisterons ensuite au réveil des clones. Ces derniers vont s’éveiller par paliers, en passant par différentes phases. Nous les verrons sortir de leur sommeil artificiel, puis tenter de faire leurs premiers pas en ce monde. Plusieurs jours seront ensuite nécessaires pour que la résurgence de leurs mémoires soit totale. Nous espérons pouvoir vous offrir, alors, leur première interview en exclusivité… Mais, tout de suite, écoutons les explications et le message de Lady Ripley...!
Arrivé au bout du couloir, il prit un air très solennel.
- Derrière cette porte, se trouve Lady Ripley, Gardienne du Temple…!
Il se remit à marcher.
- Elle répondra, dans quelques secondes, aux légitimes interrogations que nous nous posons. Nous assisterons ensuite au réveil des clones. Ces derniers vont s’éveiller par paliers, en passant par différentes phases. Nous les verrons sortir de leur sommeil artificiel, puis tenter de faire leurs premiers pas en ce monde. Plusieurs jours seront ensuite nécessaires pour que la résurgence de leurs mémoires soit totale. Nous espérons pouvoir vous offrir, alors, leur première interview en exclusivité… Mais, tout de suite, écoutons les explications et le message de Lady Ripley...!
La "Mutante" apparût dans un encart sur sa gauche.
- Mes hommages, Lady Ripley !
L’animateur fit un sourire de circonstance, puis disparût, avalé par le noble visage de la Grande Dame. Elle était impériale, divine, surnaturelle. Une incroyable douceur émanait de ses traits pourtant durcis et déformés par la mutation. L’aura de lumière qui coiffait les proéminences de son crâne pailleté d’or en gommait la monstruosité. Les bords scintillants de sa collerette formaient une divine auréole tout autour de son noble visage. Ses yeux noirs brillaient sous la lumière des projecteurs. Sous le fard, la fine trame de son épiderme écailleux apparaissait, aussi lisse et géométrique que la peau d’un serpent. Le temps avait fini de sculpter son faciès majestueux.
L’animateur fit un sourire de circonstance, puis disparût, avalé par le noble visage de la Grande Dame. Elle était impériale, divine, surnaturelle. Une incroyable douceur émanait de ses traits pourtant durcis et déformés par la mutation. L’aura de lumière qui coiffait les proéminences de son crâne pailleté d’or en gommait la monstruosité. Les bords scintillants de sa collerette formaient une divine auréole tout autour de son noble visage. Ses yeux noirs brillaient sous la lumière des projecteurs. Sous le fard, la fine trame de son épiderme écailleux apparaissait, aussi lisse et géométrique que la peau d’un serpent. Le temps avait fini de sculpter son faciès majestueux.
- Chers concitoyens, chères concitoyennes… Laissez-moi, d’abord, vous souhaiter une bonne et heureuse année. Je veux aussi remercier tous ceux qui nous ont soutenus, moi et mon équipe pour mener ce projet à bien, et plus particulièrement les quarante jeunes et courageuses personnes qui ont prêté leur a.d.n à la Science. Ils ont préférés rester anonymes pour le moment, mais je suis certaine que leurs noms s’écriront un jour en lettres d’or dans le grand livre de l’Humanité…! Beaucoup d’entre vous sont d’ores et déjà prêts à vivre la même chose, ou du moins à l’accepter comme un progrès, mais de nombreuses voix s’élèvent aussi pour protester. Le débat doit rester ouvert, car chaque partie apporte sa pierre à l’édifice. L’audace des uns et la prudence des autres nous aideront à aller de l’avant avec sagesse, j’en suis certaine…! Je crois que les lois proposées par le gouvernement protègeront efficacement l’intégrité génétique de l’Humanité. Nos détracteurs diraient qu’il est déjà trop tard et qu’avec cette expérience celle-ci est définitivement condamnée. Je voudrais leur répondre en leur rappelant ceci : notre Humanité est, elle aussi, le fruit de métissages, de mutation naturelles et de rencontres extraordinaires qui se sont produites au fil des siècles. Aujourd’hui, dans ce monde sans limites, il est naturel que ces rencontres soient devenues extraterrestres et que de nouvelles mutations aient pu avoir lieu. Vont-elles, pour autant, changer la face de l’Humanité et sa destinée. Je ne le pense pas…! Ces naissances doivent nous apporter la preuve que la mutation qui a eu lieu n’affecte en rien l’humanité des clones, tant du point de vue physique que spirituelle. Qu’aucune difformité n’apparaitra, que leur mémoire sera dépourvue de réminiscences exo-gènes, et qu’ils pourront ainsi être considérés comme des humains à part entière. Même si du fait de leur état, ils ne peuvent l’être au regard de la loi, ils doivent le devenir à nos yeux…! Si certains pensent qu’ils sont une menace, alors que dire de celle que représentent les Militaires et leurs millions de xéno-morphes. La voilà, la vraie menace. Les Militaires n’ont que faire de l’intégrité génétique de l’Humanité, et ils ne se gêneront pas pour cracher sur nos lois. Qu’aurons-nous à leur opposer si nous ne réagissons pas plus promptement…! C’est une véritable Armée que nous devons lever pour aller les combattre. Montrons leur notre détermination et faisons état de nos nouvelles forces au plus vite…!
Le présentateur trouva là une opportunité pour intervenir :
- C’est une véritable déclaration de guerre…! Je vous en laisse la responsabilité. Les citoyens décideront selon leur conscience…! Je voulais vous poser une question, Lady Ripley, qui ne semble pas très importante au premier abord, mais qui pourrait pourtant se révéler essentielle. Vous avez sans doute entendue parler de ce mouvement à tendance sectaire qui préconise une totale transformation de l’Humanité à partir de votre a.d.n dans le but avoué d’être plus performant. La tentation est grande, il est vrai, et le risque existe bel et bien. Alors, que pensez-vous de cette attente, de cette demande, qui provient certes d’une minorité, mais qui pourrait très vite prendre de l’ampleur…!
- Eh bien, je déplore ces revendications parfaitement déplacées alors même que nous votons des lois de protection. Ces sectes, adeptes du Génétisme, semblent confondre Science et Liberté avec esthétisme et laxisme. Bien sûr, je peux comprendre ce désir de performance, mais ces mutations exogènes ne leur apporteraient pas le bonheur. Elles sont d’un intérêt bien supérieur à d’aussi basses considérations…! Je m’opposerai farouchement à ce mouvement, à cette malheureuse tendance, aussi longtemps que les lois m’y autoriseront. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles ces nouvelles lois de protection ont été établies…! Ce qui devrait d’autant plus motiver les citoyens à participer au vote...!
- Nous ferons justement une estimation dans quelques secondes, après une dernière question. Vos détracteurs, et plus paradoxalement, les adeptes du Génétisme, disent que vous n’êtes pas la mieux placée pour diriger les recherches et les expériences de mutation exogène, du fait même de votre parenté, entre guillemets, avec les xéno-morphes. Que leur répondez- vous...?
- Que ce sont les citoyens qui ont décidé de me nommer à ce poste, avec l’approbation du gouvernement. Ceux-là n’ont pas oublié que j’ai lutté et que je me suis sacrifiée pour préserver l’Humanité d’une invasion. Quelle meilleure garantie peut-on offrir…!? Mon état d’esprit est le même et si j’ai voulu rester maitre de mon a.d.n, c’est pour les même raisons qui m’ont poussée au sacrifice. Pour protéger l’intégrité génétique de l’Humanité...! Devrais-je le répéter sans cesse…?! Qu’ils m’intentent donc un procès, s’ils le veulent, et pourquoi pas un nouveau référendum. Je me plierai volontiers aux décisions de la Justice et du Peuple...!
- Ils se contenteront de votre réponse. Tout le monde aura compris que vous êtes toujours la même. Merci, Lady Ripley, de nous avoir reçu dans votre laboratoire et bonne chance pour la suite…!
Le cadre s’élargit peu à peu, faisant apparaitre l’intérieur du laboratoire de clonage. Lentement, la caméra passa en revue chacun des clones qui sommeillaient dans leur cylindre de maturation.
Le présentateur réapparut à l’écran :
- Et vous, qu’en pensez-vous, chers téléspectateurs...? N’attendez pas plus longtemps et appelez nous dès maintenant si vous avez l’intention de soutenir Lady Ripley et les lois du gouvernement…! C’est bientôt l’instant fatidique et je me trouve, maintenant, à l’intérieur de la salle de contrôle avec les médecins chargés de superviser les opérations. Allons-nous voir naitre des monstres sanguinaires ou des êtres doux et sensibles ? Jusqu’où pourrons-nous leur faire confiance ? On ne peut, encore, rien en dire…! Alors, pour le moment, laissons parler la "nature" et voyons ce qu’elle peut nous offrir de nouveau. Voilà, c’est parti ! Les quarante clones maintenus en hyper-sommeil vont tout d’abord quitter leur état de semi-apesanteur et ressentir pour la première fois la force de gravité de notre planète. Comme on peut le voir, les cylindres de maturation se positionnent à l’horizontale. Les forces magnétiques vont perdre de leur intensité et les corps vont doucement se poser sur leur couche. Tout semble fonctionner à merveille !
À l’image, le corps nu d’une femme flottant à l’intérieur de son cylindre se mit à descendre lentement.
L’animateur reprit son explication :
- La prochaine étape consiste, maintenant, à réveiller les clones. Tout est prévu pour que les opérations se passent dans le calme. Des sons familiers et des parfums vont venir stimuler leur mémoire et leur conscience. Voyons, ensemble, comment ils réagissent…! À première vue, aucuns signes de stress. Quelques frémissements sont perceptibles et indiquent qu’ils sont sensibles aux stimulis. Comme on peut le constater, leur anatomie est en tout point semblable à la nôtre et aucune difformité n’est apparente. Reste évidemment à vérifier qu’aucune réminiscence évolutive imprévue n’apparaitra à plus long terme. Ah ! Le responsable des opérations, Mr Nico Katrakazos, me fait signe que la phase du réveil est enclenché. Ils ne devraient plus tarder à ouvrir les yeux. Encore quelques secondes d’attente…!
Le visage d’un clone apparût à l’image. Celui d’un homme aux cheveux longs et très sombres. Ses narines se mirent à palpiter. Il contracta ses puissantes mâchoires. Ses globes oculaires roulèrent en tous sens sous ses paupières closes et soudain il ouvrit les yeux.
- Chers téléspectateurs, chères téléspectatrices, nous assistons à la première naissance. C’est incroyable…! Un des clones vient d’ouvrir les yeux et semble attentif aux paroles rassurantes qui lui sont diffusées. Les médecins sont tous concentrés sur leurs appareils…! D’autres clones sont en train d’émerger de leur sommeil… Ils devraient très vite atteindre un niveau de conscience primitive qui leur permettra de se lever et d’appréhender le monde qui les entoure. Quelques minutes devraient suffire. L’état de leur conscience et de leur mémoire ne les autorisera malheureusement pas à nous parler. Une douzaine d’heures sera nécessaire pour que leurs souvenirs ressurgissent et pour qu’ils comprennent ce qui vient de leur arriver. Nous aurons tout de même la chance de les voir faire leurs premiers pas dans quelques instants…! Tous les clones sont maintenant réveillés, parfaitement calmes et en pleine forme. Tous les bilans sont positifs et pour les médecins, c’est déjà une belle réussite. Bravo…! Un grand bravo, bien sûr, à Lady Ripley et à son équipe de chercheurs pour cet exploit...!
Plusieurs clones tâtonnaient du bout des doigts contre la paroi qui les emprisonnait. Derrière eux des placards libérèrent les androïdes destinés à la manutention. Les robots sortirent de la cloison et allèrent se poster à l’arrière des cylindres de maturation.
- L’ouverture des cylindres vient de se déclencher. Les clones sont, maintenant, à l’air libre. Des androïdes les aident à s’asseoir et à poser les pieds au sol. Oh, oh… Que se passe t-il ? Je les vois tousser et suffoquer ! Les médecins me disent que tout est normal. Le taux d’oxygène étant beaucoup moins élevé à l’extérieur qu’à l’intérieur des cylindres de maturation. Une simple sensation de manque qui ne va pas durer, me dit-on. Je l’espère ! L’un d’eux fait l’effort de se lever. Ses jambes tremblent et un grand étonnement se lit sur son visage. Il se retient au garde-fou et s’accroche au bras de son aide. Ça y est, il fait ses premiers pas. Chers téléspectateurs, chères téléspectatrices, nous voyons naitre une nouvelle espèce qui, elle aussi, marche debout…! Et qui, elle aussi, ira très loin ! Moins d’une année aura suffit pour qu’ils naissent ainsi, en possession de tous leurs moyens. N’est-ce pas incroyable…! Le premier clone avance avec difficulté, posant laborieusement un pied après l’autre. Trois pas… Quatre pas… L’androïde l’entraine avec lui…! Ils vont tous être menés vers le quartier de quarantaine, pour s’y restaurer, se reposer, et pour commencer les exercices de…
La voix du reporter s’éteignit subitement.
- Mes amis, ce que nous venons de voir et d’entendre devrait vous réjouir…! Je suis persuadé que nous pouvons réussir ! s’exclama le Ministre de la Défense Américaine, Lew Danton, après avoir coupé le son.
Les membres du Conseil de Guerre s’attardèrent un peu sur les images du clone et de la pouponnière en plein éveil, avant de se retourner vers lui.
Les membres du Conseil de Guerre s’attardèrent un peu sur les images du clone et de la pouponnière en plein éveil, avant de se retourner vers lui.
- Ça a l’air de fonctionner parfaitement, pour l’instant. Attendons de voir ce qu’ils ont dans le crâne avant de les utiliser. Le résultat des tests sera décisif. Vous pourrez compter sur l’Eurasie s’ils sont positifs...! répondit la Gouverneure de l’immense continent.
Tous les autres élus du peuple assis autour de la table hochèrent la tête en signe d’acquiescement.
Tous les autres élus du peuple assis autour de la table hochèrent la tête en signe d’acquiescement.
- Je crois que nous sommes tous du même avis…! s’enthousiasma le gouverneur des Amériques.
Lew danton intervint :
- Il faut encore que la population nous suive et que les volontaires se présentent par dizaines de milliers. Ce qui n’est pas vraiment le cas. Et je doute que le discours de Lady Ripley puisse y changer quelque chose. Il peut, à la rigueur, nous permettre de stabiliser la mobilisation, mais surement pas de lever une armée digne de ce nom...!
- C’est vrai ! Ce ne sera pas suffisant pour lever une armée…! Mais ses propos étaient convaincants. Nous pourrions lui demander de prêcher la bonne parole et d’axer son discours sur la nécessité d’une intervention...!
C’est le gouverneur de la Grande Afrique, qui parlait en ces termes.
C’est le gouverneur de la Grande Afrique, qui parlait en ces termes.
- Nos citoyens ne sont pas si crédules et ils pourraient mal le prendre. Elle pourrait même y perdre tout crédit. Je crois que nous devrions plutôt la nommer à la tête de notre première mission…! proposa le Gouverneur du Continent Pacifique.
Ils le regardèrent tous en haussant les sourcils avec étonnement. Lew Danton réagit le premier.
Ils le regardèrent tous en haussant les sourcils avec étonnement. Lew Danton réagit le premier.
- Pourquoi pas...! La faire élire par le peuple pour commander une Armée du Peuple est une idée intéressante !
- Il y une autre solution…! Plus simple à mettre en œuvre ! avança le Gouverneur des Amériques
- C’est-à-dire…? demanda la Gouverneure de l’Eurasie.
- Démultiplier les clones !
- C’est interdit par la loi, et j’espère que cela le restera…!
- Nous avons besoin d’un million de clones pour être efficace. Il est facile ainsi de les produire en quantité…! Combien de temps nous faudrait-t-il pour sélectionner autant de volontaires ? Alors qu’un seul suffirait !
- Vous avez raison…! N’attendons pas de voir les effets du discours de Lady Ripley sur la population...!
- Le gouvernement risque gros dans une affaire comme celle-là. Madame La Gouverneure à raison, nous serions tous hors la loi. Il nous faudrait un laboratoire clandestin, persuader nos meilleurs généticiens, créer un service secret. Ce n’est pas impossible, mais cela prendrait aussi du temps…! Je penche plutôt pour la première solution. Impliquons Lady Ripley un peu plus fortement dans la mobilisation et proposons-lui de diriger, ou plutôt de superviser la mission de récupération du vaisseau extra-terrestre. Le butin est précieux et la population y porte beaucoup d’intérêt. Je pense qu’elle n’est pas insensible au prestige qu’elle pourrait en tirer et il y a de fortes chances pour qu’elle accepte. Je ne dis pas qu’elle fera partie forcément partie de l’état-major, mais qu’elle pourrait être la marraine de notre petite Armée pour son baptême du feu. Si la mission réussit et qu’aucune perte n’est à déplorer, nous aurons l’opinion avec nous…! Quarante clones bien formés et un fort soutien robotisé sont suffisants pour mener une opération efficace. Nous ne trouverons là-bas qu’une vieille armée de soldats-androïdes commandée par une poignée de militaires rebelles. Nous avons plusieurs mois d’avance sur eux, alors profitons-en…! Pour ma part, je choisis cette option, sans hésiter ! conclût Lew Danton.
- Et si nous n’obtenons pas les résultats escomptés…!
- Il nous faudra convaincre Mme La Gouverneure que nécessité fait loi…! répondit le gouverneur des Amériques.
Lew danton éteignit le diffuseur.
Lew danton éteignit le diffuseur.
CHAPITRE N°8
Un glacis noirâtre aux reflets brillants envahissait tout l’espace. De vagues remous grumeleux en déformaient régulièrement la surface. L’abominable grouillement de xéno-morphes, agonisants les uns sur les autres au fond de leur nid gluant, formait une soupe noire et bouillonnante, une chape de goudron organique, un ciel de sang noir, pesant et irréel.
Une infime lueur blanche dessina un fin et pâle croissant de lumière qui déchira ce cauchemar en deux. Peu à peu, un large disque noir apparût en contre-jour, puis le fin couronnement de lumière explosa brusquement et emplit le vide obscur. Deux soleils se levèrent sur l’horizon.
- Madame Weaver…! Madame Weaver...!
L’appel paraissait lointain... Lady Ripley… ! Lady Ripley… !
L’appel paraissait lointain... Lady Ripley… ! Lady Ripley… !
L’actrice s’était endormie quelques minutes auparavant, complètement épuisée. Elle se redressa sur son fauteuil, se cala contre le dossier et retira ses lunettes noires. Une maquilleuse se précipita sur elle pour la poudrer.
Une voix posée sortit d’un haut-parleur :
- Ok ! Tout le monde est prêt. On reprend dans trente secondes…!
L’actrice glissa la paire de lunettes noires sous sa toge de drapés immaculée, puis fit signe qu’elle était prête.
Les caméras fixées sur des drones télé-programmés, se déplaçaient toutes seules. La voix du haut-parleur annonça calmement le décompte :
- « …trois, deux, un, ça tourne…! Attention…! Action ! ».
L’actrice se concentra un court instant. Elle fixa l’objectif de son regard noir et reprit la scène où elle l’avait laissée :
- Mes très chers enfants, vous voici, maintenant, arrivés à destination. Votre sens du devoir et du sacrifice sont notre force et je veux vous dire la fierté que je ressens en cet instant…! Je suis confiante quant à l’issue de cette mission. Car vous êtes les plus valeureux et les plus courageux d’entre nous. Rien ne peut vous arrêter. Votre foi en la Liberté est la plus forte et elle vous mènera à la victoire…! Je resterai à vos côtés tout au long de cette lutte. Je suis avec vous. Je fais ce voyage avec vous. Quoiqu’il arrive, vous ne serez jamais seuls !
Elle se leva, alors, de son antique fauteuil. Le drapé de sa toge blanche tomba droit comme un i jusqu’au sol, dissimulant ainsi les difformités de son corps monumental. Celui-ci s’était allongé de plusieurs dizaines de centimètres depuis sa résurrection et elle paraissait vraiment très grande. Un voile de tulle lui couvrait les épaules pour en cacher l’ossature saillante. Sa coiffe organique et sa collerette étaient ornementées de paillettes argentées qui en illuminaient la surface. Elle tendit les bras en avant, puis les écarta lentement l’un de l’autre, la paume de ses mains tournée vers le ciel.
- Prenons-nous la main, mes chers enfants, et communions…!
_
À quelques heures d’intervalles, les quarante officiers commandant la mission "Liberty" recevaient le message de Lady Ripley. Leur voyage vers LV426 avait duré trois longues années qu'ils avaient passées en totale hibernation. Leurs cinq vaisseaux étaient positionnés en orbite géostationnaire autour de la petite planète et flottaient lentement dans l’espace, entre le jour et la nuit. Au loin, deux étoiles brillaient d’un puissant éclat blanchâtre. Étrangement, seuls les restes d’une pâle lueur parvenaient jusqu’à eux et arrosaient la surface de la planète. L'aurore blanchâtre qui commençait à poindre sur l’horizon perçait l’atmosphère ténue d’une fine couronne de lumière. À l’opposé, dans un coin de ciel, le soleil était un astre parmi tant d’autres, minuscule, perdu dans le foisonnement stellaire de la Voie-Lactée.
Les cinq équipages, tous composés de quatre hommes et quatre femmes, écoutaient religieusement leur "Mère". Postés en arc de cercle autour du diffuseur, main dans la main, sanglés au fond de leur siège dans la salle des commandes de leur vaisseau respectif, les quarante officiers s’apprêtaient à entrer en communion avec elle avant de partir au combat. L’image de Lady Ripley retransmise par le diffuseur holographique était si réaliste que cette dernière semblait réellement se trouver parmi eux.
Lady Ripley écarta les bras, tendit sa main gauche à l’un de ses jeunes fils, sa main droite à l’une de ses jeunes filles et ferma, ainsi, le cercle. La technologie micro-ondes permit à ses derniers de sentir la chaleur et l’épaisseur de sa chair quand ils posèrent leur paume contre la sienne. Une sensation de soulagement les envahit au premier contact. Les yeux clos, ils prièrent tous ensemble, en silence, durant de longues secondes. La douce voix de leur mère les réconforta une dernière fois :
- Nous formons un seul et même esprit, une seule et même famille, un seul et même corps, un seul et même cœur ! Rien ne peut nous séparer. Un lien invisible nous unit les uns aux autres, pour l’éternité. Nous sommes Un ! Et c’est pour cela que nous réussirons...! Nous écrivons une nouvelle page de l’histoire de l’humanité, qu’il nous faut tourner au plus vite. Mettons-y toute notre énergie, toutes nos envies de libertés, tout notre amour. Combattons sans haine et imposons-nous sans orgueil…!
Elle laissa passer un temps, puis reprit :
- À cette heure, vous êtes dorénavant livrés à vous-même. Continuez de suivre le programme à la lettre, tant que vous le pourrez et ne prenez aucun risque. Il sera préférable d’abandonner, en cas d’imprévu…! Nous voulons vous revoir vivants…! Je vous souhaite bonne chance, mes très chers enfants…! Soyez prudents...!
Elle laissa passer un temps, puis reprit :
- À cette heure, vous êtes dorénavant livrés à vous-même. Continuez de suivre le programme à la lettre, tant que vous le pourrez et ne prenez aucun risque. Il sera préférable d’abandonner, en cas d’imprévu…! Nous voulons vous revoir vivants…! Je vous souhaite bonne chance, mes très chers enfants…! Soyez prudents...!
L’image holographique de Lady Ripley vacilla soudainement, puis disparut. Chacun de leur côté, les équipages se reconnectèrent à la dure réalité. Les officiers se lâchèrent la main et rouvrirent les yeux. Ils se calèrent bien au fond de leur siège, face à leurs écrans holographiques de contrôle. Ils reposèrent leurs avant-bras sur les accoudoirs, puis enclenchèrent le verrouillage des attaches de sécurité. De larges arceaux sortirent d’un côté du siège baquet et des deux accoudoirs pour former un carcan qui enveloppa leur corps des pieds à la tête. Tous reprirent leur surveillance sans dire un mot et on n’entendit plus que le cliquetis des claviers de commandes sous leurs doigts habiles.
Le diffuseur central était comme une fenêtre sur l’extérieur. L’image de la petite planète vers laquelle ils se dirigeaient apparaissait parfaitement. Une aube blanche se levait et s’étendait des pôles vers l’équateur.
- Attention…! Entrée dans l’atmosphère dans dix secondes ! signala le haut-parleur.
Les quatre vaisseaux pénétrèrent dans l’atmosphère de LV426 en file indienne. Les vibrations du fuselage se répercutaient à travers l’armature des sièges. Une éblouissante lueur, pleine de feu et d’étincelles, enflamma soudainement le diffuseur central et illumina la salle des commandes de chacun des vaisseaux.
À l’extérieur, les boucliers thermo-magnétiques, surchauffés, brûlaient comme des torches. Quatre boules de feu plongeaient maintenant vers la surface obscure de la planète. Le cinquième vaisseau, le "Liberty 5", resta en orbite géostationnaire, prêt à intervenir pour un sauvetage de dernière minute.
Les quatre aéronefs perdirent peu à peu de leur vitesse et se stabilisèrent. Ils traversèrent l’épaisse couche nuageuse qui recouvrait la planète, puis filèrent au-dessus des chaines de montagnes noircies qui émergeaient de la pénombre. Le rayonnement de l’aube frappait les cimes les plus hautes d’une pâle lumière blanche. Ils amorcèrent leur descente et atteignirent très vite l'épaisse nappe de brouillard qui recouvrait la planète, fonçant au travers sans ralentir.
Dans le diffuseur central du "Liberty 1", la brume opaque réduisait la visibilité à quelques mètres. Seuls les écrans de contrôle affichaient un tracé précis du relief qui défilait à toute vitesse. La voix synthétique de l’ordinateur de bord annonça :
- Attention…! Mise en route des rétro-pulseurs dans cinq secondes !
L’un des pilote-navigateurs valida l’opération, puis comme les autres, s’arrima aux accoudoirs. La décélération fut un peu brutale. Les officiers se sentirent partir vers l’avant et luttèrent en vain contre la gravité. Après quelques secondes, leur vaisseau atteignit sa vitesse de croisière.
- Attention…! Atterrissage dans trente secondes ! signala l’ordinateur.
Au dehors, les bans de brume s’espaçaient toujours plus en s’effilochant, puis soudain le sol apparut quelques kilomètres plus bas. Une vaste plaine, sombre et désertique, s’étendait maintenant devant eux. Ils ralentirent en approchant du site d’atterrissage que l’on devinait au loin... un immense cratère au milieu d’un désert vitrifié.
Aucun vestige de l’ancienne colonie militaire n’avait résisté à l’explosion du générateur nucléaire, quatre siècles auparavant, après l’épique bataille que Lady Ripley, qui n’était alors qu’une humble Lieutenant à l’époque, avait menée contre la seconde invasion de xéno-morphes, en ce même lieu. Les restes des derniers débris provenant de la base disparue devaient se trouver éparpillés sur la plaine désertique, détruits par le temps.
Les quatre vaisseaux se posèrent tout au fond du cratère. Autour d’eux, sur l’horizon lointain, s’élevaient des chaines de montagnes noires érodées par les vents. Derrière l’une d’entre elles se trouvait le fort militaire qui renfermait le vaisseau extra-terrestre tant convoité. Les équipages purent enfin se détendre un peu et déverrouillèrent, derechef, le carcan de sécurité qui les plaquait à leur siège.
- "Liberty 1" à la Terre…! Atterrissage réussi. Tout va bien !
Ce furent les seuls mots des commandants de bord. Tous les officiers se remirent immédiatement à surveiller leurs écrans holographiques, concentrés sur leurs radars de recherche, à l’affût d’un signe de vie ennemi. L’un d’eux valida la sortie des drones éclaireurs. L’instant d’après, deux des vaisseaux les crachaient par centaines au-dessus de la plaine vitrifiée. De nouvelles données apparurent, remplissant les écrans de milles signes et tracés lumineux, puis les premières images arrivèrent dans le diffuseur central.
Ce furent les seuls mots des commandants de bord. Tous les officiers se remirent immédiatement à surveiller leurs écrans holographiques, concentrés sur leurs radars de recherche, à l’affût d’un signe de vie ennemi. L’un d’eux valida la sortie des drones éclaireurs. L’instant d’après, deux des vaisseaux les crachaient par centaines au-dessus de la plaine vitrifiée. De nouvelles données apparurent, remplissant les écrans de milles signes et tracés lumineux, puis les premières images arrivèrent dans le diffuseur central.
Les drones se déplaçaient très rapidement, sondant les sous-sols et tout l’espace devant eux avec leurs faisceaux de détection. Ils arrivèrent très vite par vagues successives jusqu’aux premiers renforts montagneux, passèrent par-dessus les crêtes, puis s’engouffrèrent dans les vallées pour en fouiller chaque recoin. Ils découvrirent dans un vaste cirque, des hangars et des centaines d’aéronefs détruits sur un tarmac abandonné, puis ils pénétrèrent dans une large vallée de roches noires au milieu de laquelle trônait le fort militaire, une vieille coque de béton armé, bardée de miradors et de postes de défense blindés.
Surgissant de leurs canons, des centaines de rayons laser destructeurs s’élancèrent brusquement dans le ciel en direction des drones et les abattirent par dizaines. Bien inutilement, car aussitôt touchés, les drones expulsaient plusieurs autres centaines de micro-drones qui prenaient le relais. Heureusement, le nombre l’emporta sur la force et une petite demi-douzaine de drones-éclaireurs réussit à traverser toute la vallée avant de revenir à bon port.
Les premières analyses semblèrent réjouir tous les équipages ou, pour le moins, les soulager. En effet, l’image des navettes de défense éventrées sur le tarmac ravagé, démontrait qu’une partie des militaires commandant le fort était passée dans leur camp et avait saboté leur équipement, leur évitant une dangereuse bataille en plein ciel. La suite des analyses allait permettre de savoir qui se cachait encore à l’intérieur de la forteresse. L’un des officiers connecta son poste à l’ordinateur de commandement et envoya les résultats du scanner vers le diffuseur central. L’intérieur du fort apparût par couches et tranches successives. Les contours, les structures et les charpentes métalliques se précisèrent lentement à l’image. Quatre officiers se partageaient la tâche. Ils comptabilisèrent rapidement de nombreux soldats-androïdes, des myriades de petits points rouges, regroupés par escadrons sur plusieurs niveaux. Puis tout un entrelacs de cloisons, de passerelles et d’escaliers. Au milieu de ce fouillis inextricable, se dessina, peu à peu, la longue silhouette d’un vaisseau extra-terrestre enfermé entre les quatre doubles murs de son entrepôt blindé.
L’un des officiers s’exclama soudain :
- Regardez…! Là, en sous-sol…! Le vaisseau…!
Un autre lança :
- Ils ont posé des explosifs…! Tout un arsenal de missiles stocké dans le vaisseau...!
Le commandant de bord du "Liberty 1" commandait la mission et les équipages des quatre autres vaisseaux. Il faisait le choix de risquer la vie de ses officiers s'il décidait d'intervenir pour sauver le vaisseau extra-terrestre de la destruction. Devait-il attendre, peut-être durant une éternité, que les militaires le détruisent ou allait-il tenter sa chance...?
- Il y a une chance sur deux...! Ou ils font tout exploser si nous tentons quelque chose, ou l’ordre de destruction n’est pas encore arrivé à destination...! conclût-il en validant calmement le plan d’attaque prévu.
Aussitôt, la voix synthétique de l’ordinateur annonça :
- Attention…! Décollage dans trente secondes...!
Les officiers s’empressèrent de verrouiller les arceaux de sécurité sans rien laisser paraitre de la tension qui montait en eux.
Au dehors un double lever de soleil illuminait l’horizon. Le vent soufflait de violentes bourrasques glacées, soulevant des nuées de poussière et de grêle qui s’abattaient sur la carlingue des vaisseaux. Ces derniers quittèrent le fond du cratère. Leurs puissants moteurs magnétiques les poussèrent à toute vitesse dans la tempête jusqu’aux abords de la chaine montagneuse. Deux des vaisseaux se posèrent sur le haut d’un petit plateau. Les deux autres continuèrent leur chemin, franchirent les premières barres rocheuses, puis plongèrent au creux de vallées grises et desséchées. Ils se séparèrent, contournant le sommet d’une montagne blafarde qui se dressait devant eux, avant de s’enfoncer chacun de leur côté au fond d’étroites et sombres gorges rocheuses. Ils furent, bientôt, proche de leur cible, ralentirent leur course, puis se postèrent au plus près de deux embouchures qui donnaient directement sur le fort, protégés des feux de défense militaires par les hautes falaises qui s’élevaient au dessus d’eux.
Environ trois cents mètres séparaient le "Liberty 1" des remparts de béton armé du fort militaire. À l’autre extrémité de la vallée, le "Liberty 2" se cachait lui aussi à l'embouchure d'une gorge, posté à quelques cinq cent mètres de l’entrepôt militaire. L’énorme bâtisse et ses miradors étaient encore dans l’ombre des monts qui la cernaient. Des brumes montaient doucement par-delà les crêtes illuminées des montagnes et les coiffaient de filaments fantomatiques qui s’évaporaient dans les premières lueurs du jour.
Les deux vaisseaux manœuvraient au centimètre près pour tenter de se poser au sol, coincés entre les hautes parois noirâtres qui s’effritaient par la seule force des vibrations. Des pans de roche entiers risquaient de s’effondrer sur eux à chaque instant. Les amortisseurs s’écrasèrent lentement sur un lit de pierres brisées, puis les moteurs se turent. Les deux équipages sentirent le soulagement les envahir. Les visages se détendirent. Quelques officiers essuyèrent la sueur sur leur front.
L’ordinateur s’activait, les demandes de validations pleuvaient. Les vérifications se firent rapidement, puis les ordres furent envoyés.
- Ouverture de la passerelle effectuée ! leur indiqua la voix synthétique de l'ordinateur central.
Le commandant valida aussitôt la sortie du Véloce, le Véhicule-d’Excavation-Laser, d’un petit coup de pouce sur son clavier de contrôle. A l’extérieur, la soute du vaisseau s’ouvrit pour laisser le passage à la lourde machine. Mais, alors même que l’ordinateur annonçait le largage du tunnelier, un coup de tonnerre ébranla chacun des deux vaisseaux et se répercuta jusqu’aux salles des commandes.
L’inquiétude se lût sur le visage des officiers. Tout de suite, les diffuseurs leur montrèrent les images de l’extérieur qui confirmèrent leurs pensées. Les militaires tiraient de leurs miradors sur les falaises pour tenter de les fracasser. Des rayons-laser surpuissants éclataient la roche et provoquaient de longues failles qui s’élargissaient à vue d’œil. Deux nouveaux missiles visant chacun des deux vaisseaux explosèrent contre les parois rocheuses. Un énorme tremblement secoua les équipages. Sous la puissance du choc, un impressionnant pan de roche se détacha et chuta en glissant comme un couperet au dessus du "Liberty 1". Les officiers le regardèrent tomber vers eux. Ils le virent soudainement toucher la falaise, se renverser, virevolter, pour finir par s’étaler comme une crêpe à quelques pas du vaisseau. L’ordinateur, imperturbable, continua de sa voix monocorde :
- Largage effectué… !
- Il faut sortir de cette impasse ou on va y rester ! s’exclama le commandant.
- Fermeture de la passerelle effectuée ! indiqua l’ordinateur.
- Décollage d’urgence ! cria le commandant en validant l’ordre sur son clavier.
- Attention…! Décollage immédiat ! confirma la voix synthétique.
Le vaisseau se souleva lentement du sol puis commença à remonter avec précaution entre les hautes barres rocheuses qui l’enserraient. Le tunnelier se trouvait au fond de la gorge, positionné sur sa lourde rampe de lancement, prêt à fonctionner.
Le "Liberty 1" prit de la hauteur et s’éloigna au plus vite du danger. Il stationna à bonne distance pour assister au spectacle. Sans attendre, le commandant ordonna la mise à feu du Véloce. Le fond de l’étroite gorge fut instantanément emplit d’un immense nuage de gaz, de poussière et de scories brûlantes que l’excavateur-laser expulsait avec fracas.
Au même instant, le "Liberty 2" s’extrayait difficilement de la gorge où il s’était enfoncé. Des tonnes de débris rocheux dégringolaient d’une des falaises qui le surplombaient et s’abattaient sur son flanc droit. De gros éclats de pierre éjectés par les explosions volaient en tous sens et venaient percuter le fuselage avec fracas. Il remonta sur plusieurs dizaines de mètres, sous une pluie de roches, pour atteindre l’évasement qui lui permettait de s’échapper. En vain.
Un nouveau missile vint frapper la falaise, juste au-dessus du "Liberty 2". L’énorme boule de feu enveloppa la carlingue du vaisseau et l'engin tangua en frôlant les parois rocheuses.
Les regards angoissés des membres de l'équipage se croisèrent. Le commandant, la gorge serrée, resta concentré sur le pilotage, prêt à prendre les commandes si l’ordinateur flanchait.
Le haut de la falaise se décrocha pan par pan et s’effondra sur eux comme un jeu de dominos. Les immenses plaques de roche chutèrent les unes après les autres. Une première tranche se détacha et tomba au fond de la gorge en se disloquant. Ils crurent un instant qu’ils avaient échappé au pire quand tout le reste de la paroi arrachée à la falaise s’abattit sur le vaisseau et l’entraina dans sa chute.
Le crash déconnecta tous les circuits durant quelques secondes. Les officiers du "Liberty 2", plongés dans l’obscurité, se crispèrent sur leur siège en attendant le choc. Le vaisseau s’affaissa sur le côté sous le poids des roches et plongea en raclant la falaise, avant de violemment frapper le sol. Un des flancs se planta dans le lit de pierres brisées en éclatant de toute part, le stoppant net. Puis, tout doucement, l’aéronef vacilla en grinçant et se retourna sur le dos. Pour parfaire le tout, un imposant et dernier pan de roche qui avait tardé à se décrocher éventra la soute du vaisseau avant de se désagréger.
Les officiers du "Liberty 2" étaient dans un triste état. Le système de sécurité se mit en marche automatiquement, les lumières et les ordinateurs de contrôle se rallumèrent à l’intérieur de la salle des commandes. Retenus, la tête en bas, par les arceaux de sécurité, les plus valides tentaient de reprendre le contrôle de la situation. Les autres, encore choqués ou évanouis, pendaient dans le vide, coincés dans leur carcan. Une officière était complètement inconsciente. Une méchante coupure lui barrait le front et du sang s’écoulait dans ses cheveux. Une première goutte perla au bout d’une mèche, grossit rapidement, puis alla s’écraser deux mètres plus bas contre la cloison métallique du plafond. La tache écarlate se mit à bouillonner au contact du métal. Des dizaines de minuscules bulles rougeâtres éclatèrent en surface et s’étalèrent rapidement tout autour en grésillant un court instant.
Le commandant réussit à rétablir le contact avec l’ordinateur central. Tapant du bout des doigts sur les claviers insérés aux accoudoirs, il se connecta au système de stabilisation. Quelques secondes plus tard, c’est toute la salle des commandes, dans son ensemble, qui se mit à tourner sur elle-même à trois cent soixante degrés. Tous les vaisseaux de guerre étaient ainsi conçus. Le poste de commande se trouvait logé dans un habitacle circulaire gyroscopique ultra renforcé qui le gardait stabilisé en permanence.
Les officiers conscient se dégagèrent de leurs sièges et se précipitèrent au secours des plus mal en point. Ils se mirent à plusieurs pour secourir leur équipière évanouie, la libérèrent de ses attaches, puis la portèrent un peu plus loin pour l’allonger sur le sol.
Le commandant vérifia que le Véloce qu’ils venaient de larguer répondait aux ordres. Il valida sa mise en route. À l’extérieur, le mastodonte d’acier carboné et sa lourde rampe d’ancrage n’avaient pas résisté à l’effondrement de la roche et gisaient renversés sous plusieurs tonnes de gravats.
Le commandant se remit en contact avec le premier équipage :
- "Liberty 2" à "Liberty 1"...! La communication établie, il annonça aussitôt :
- Immobilisation pour avaries…! Véloce hors service. Navette de secours hors service. Appel de détresse...!
Il regarda ses co-équipiers qui venaient de ranimer la blessée, puis ajouta :
- Une blessée légère. Attendons instructions !
Il regarda ses co-équipiers qui venaient de ranimer la blessée, puis ajouta :
- Une blessée légère. Attendons instructions !
Il reçut la réponse immédiatement :
- "Liberty 1" à "Liberty 2". Message reçu. Proposons sauvetage, après largage des escadrons. À vous...!
- Ok..! Attendons instructions. Terminé...!
Il se retourna vers l’équipage et se leva de son siège en disant :
- Il faut préparer l’évacuation !
- Il faut préparer l’évacuation !
Le commandant de bord du "Liberty 1" valida la poursuite des opérations et envoya un ordre de départ aux deux vaisseaux stationnés en arrière. Sur son écran de contrôle, le tunnelier en était presqu’au quart de son trajet et progressait sans ralentir dans le sous-sol argileux. Subjugué par la phénoménale puissance du Véloce, il observa un instant l’immense jet de gaz brûlant et de scories incandescentes expulsé par l’excavateur, qui montait entre les falaises.
Les renforts arrivèrent sur place en moins d’une minute. Les deux transporteurs rejoignirent le "Liberty 1" et se stabilisèrent dans les airs à ses côtés.
Il leur fallait, cette fois, minimiser les risques. Ils avaient été imprudents lors du largage des excavateurs-laser et s’étaient trop rapprochés de l’embouchure de la gorge. L’entrée du tunnel pouvait se retrouver sous les décombres à tout moment si la falaise continuait à s’écrouler. Ils choisirent de sacrifier un des vaisseaux pour s’en servir de bouclier.
- "Liberty 1" à "Liberty 3". Largage escadrons trop dangereux. Nécessité bouclier de protection. Propose reprise commandement à "Liberty 3". Prêt pour abandon de poste. À vous !
- "Liberty 3" à "Liberty 1"...! Ok, on reprend les commandes et on vous récupère. Terminé...!
La commandante du "Liberty 3" reprit la surveillance de son écran. Le Véloce avançait inexorablement à travers le sous-sol de la vallée. Les officiers, concentrés, s’activaient à leur poste de contrôle, tapotant fébrilement sur leurs claviers de commandes.
Le "Liberty 1" leur envoya un dernier appel :
- "Liberty 1" à "Liberty 3"...! Prêts pour évacuation !
- "Liberty 3" à "Liberty 1"...! Prêt pour récupération !
- Évacuation en cours…!
La navette de secours s'évacua du vaisseau sacrifié pour être aussitôt récupéré par le "Liberty 3".
La navette de secours s'évacua du vaisseau sacrifié pour être aussitôt récupéré par le "Liberty 3".
Le Véloce touchait au but et commençait à transpercer les fondations du fort. La commandante du "Liberty 3" décida, sans plus attendre, de lancer son escadron à l’assaut. Mille androïdes surarmés composaient sa force de combat. Le "Liberty 4" en avait autant, sous son commandement, prêts à partir à l’attaque. Elle prit les commandes du "Liberty 1", puis donna ses ordres :
- Largage des escadrilles en position regroupée !
L’un des officiers répondit aussitôt :
- Effectué !
À l’extérieur, les escadrilles androïdes se jetèrent dans les airs par la soute des deux transporteurs, puis se regroupèrent en formation. La commandante positionna le "liberty 1" au-dessus du bataillon pour le protéger.
- Descente à 30°. Cent kilomètres heure...!
- Effectué !
Les escadrons d’androïdes se mirent à descendre en diagonale vers l’entrée du tunnel, fonçant vers la pluie de cendres et de scories qui se déversait dans la gorge. Le Liberty 1 télécommandé à distance resta positionné au dessus d'eux. Les deux milles androïdes entassés sous le vaisseau atterrirent sans encombre dans le fond de la gorge. Un rideau de fumées et de poussières incandescentes les enveloppaient de tous cotés. Un souffle puissant balayait les scories brûlantes sur les premiers rangs de l’escadron, mais celui-ci continua d’avancer. Enfin, les terribles grondements et sifflements du geyser de gaz cessèrent soudainement. Les cendres et les fumées se dissipèrent et, bientôt, l’entrée du tunnel apparut, encore incandescente. La lourde rampe d’ancrage qui se trouvait devant était entièrement recouverte d’une épaisse couche de scories vitrifiées et de lave rougeoyante.
_
À l’autre bout, le Véloce, après avoir percé les fondations du fort militaire, venait de pénétrer à l’intérieur. La voie était libre. Le bataillon de soldats-androïdes piqua en rang serré vers l'entrée du tunnel.
Les Militaires l’entendaient d’une toute autre oreille et mirent toutes leurs forces en action. Les bombardements redoublèrent d’intensité. Plusieurs missiles fondirent vers l’embouchure de la gorge, s’engouffrèrent dedans et explosèrent simultanément contre la falaise qui surplombait l’accès au tunnel. Une dizaine de rayons laser, partant des postes de tirs qui hérissaient le fort, se rejoignirent en un surpuissant faisceau de feu et se mirent à trancher d’immenses pans dans la roche, découpant les crêtes et menaçant le "Liberty 1" qui protégeait le bataillon.
D’autres missiles explosèrent à nouveau aux endroits les plus fragiles, projetant des milliers d’éclats de roche dans le fond de la gorge et sur le fuselage du vaisseau-bouclier.
Enfin, submergée de missiles et vitrifiée par le feu des canons-laser, la montagne vacilla. Une longue et haute crête, profondément entamée à sa base, s’affaissa tout doucement en se craquelant sur le pourtour. Située juste au dessus de l’entrée du tunnel, elle menaçait de l'ensevelir. De larges pans de granit se détachèrent soudain et basculèrent dans le ravin.
Le bataillon de soldats-androïdes atteignit le seuil du tunnel au même instant. La lourde rampe d’ancrage recouverte de scories ressemblait à un pic rocheux sortant de terre. Quelques parties métalliques apparaissaient à nues sous les coulures de basalt noircie. Le nom du fabricant, "Baron", y était encore visible, gravé dans l’acier en lettres d’or. Les androïdes, en sustentation à deux mètres du sol, contournèrent la rampe d’ancrage par les côtés et plongèrent en masse à l’intérieur du tunnel. Des morceaux de pierre arrachés à la falaise glissaient le long de la paroi, frappaient les surplombs et se mettaient à virevolter avant d'aller se fracasser contre la carlingue du "Liberty 1". Quelques débris de roche ricochant parfois sur le bas de la falaise venaient cogner la carapace de soldats-androïdes sans toutefois les endommager.
Quatre missiles passèrent une nouvelle fois au dessus du ravin et frappèrent le haut de la falaise de plein fouet. L’espace d’un instant, rien ne se passa, puis enfin la crête toute entière s’arracha lentement de sa base. L'immense bloc de roche bascula dans le vide et chuta.
Tout en bas et au même instant, "le Liberty 1", positionné au dessus de l’entrée du tunnel, posait ses quatre trains d’atterrissage dans le fond de la gorge. La plaque de granit le percuta de tout son poids sur un côté. Un des amortisseurs se plia instantanément sous la force du choc et tout le vaisseau chancela sur le flanc.
Les derniers androïdes se jetaient dans le trou béant au même instant, échappant de peu à l’écrasement. Une seconde plus tard, de volumineux blocs de pierre finirent d’aplatir le vaisseau-bouclier. Ce dernier s’empala sur la rampe d’ancrage, puis s’écrasa comme un feuilleté sous le déluge de roches, scellant ainsi l’accès au tunnel.
La commandante du "Liberty 3" annonça :
- Mission accomplie… ! Escadrons largués. Vaisseau-bouclier détruit…! "Liberty 3" à "Liberty 2"...! Apportons soutien immédiatement. Terminé...!
Les deux transporteurs quittèrent la zone dévastée en se dissimulant au creux des vallées et des gorges qui serpentaient autour de la forteresse, passant de l’une à l’autre pour rejoindre l’équipage du "Liberty 2". Ils s’immobilisèrent dans les airs, en amont du vaisseau accidenté.
- « Liberty 3 à Liberty 2...! Prêts pour récupération. À vous ! ».
L’équipage du "Liberty 2" sortit au même instant de la carcasse du vaisseau, s’extirpant de son ventre calciné par la soute. La navette de secours était déjà en route, filant vers les huit officiers piégés au fond du ravin. Ceux-ci étaient revêtus de leur combinaison de survie. L’aéronef stoppa à leur hauteur et fit descendre une nacelle jusqu’à eux. Une minute plus tard ils repartaient tous sains et saufs.
La navette de secours regagna le "Liberty 4". Les deux vaisseaux rescapés retournèrent à leur base. Dans les salles de commandes, les équipages soulagés se concentrèrent sur l’assaut qu’ils venaient de lancer contre le fort militaire, surveillant de près l’avancée des escadrons à l’intérieur du tunnel.
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Les deux milles soldats-androïdes de "l'Armée du Peuple" fonçaient vers le fort à l’intérieur du tunnel creusé par le Véloce. Les équipages avaient comptabilisé moins de deux milliers de cyber-militaires dans le camp adverse. Des androïdes puissants et à sustentation, certes, mais déjà très anciens. De vieux modèles complètement dépassés et somme toute assez fragiles. Sans comparaison avec les nouvelles "forces-civiles" dont ils disposaient.
Le bataillon de soldats-androïdes fonçait dans un brouillard de gaz chauds à travers l’obscur boyau. En rang par deux, ils formaient une longue file indienne, invisible dans l’obscurité. La roche était entièrement recouverte d’un glacis de lave noire vitrifiée. À l’endroit le plus chaud, sur la dernière portion à parcourir, des milliers de petites braises de magma rougeâtre illuminaient encore la paroi du tunnel. Les deux milles androïdes traversèrent la fournaise à toute vitesse, remontant dans la percée avant de surgir à l’intérieur du fort, au coeur de l'entrepôt protégeant le vaisseau extra-terrestre.
La confrontation fut immédiate. Les centaines de cyber-militaires, disséminés par petits groupes autour du vaisseau extra-terrestre, se mirent à tirer sans compter.
Instantanément, la colonne de deux milles soldat-androïdes se fractionna et se dispersa de toutes parts en faisant feu sur les militaires. Ces derniers répondirent coup pour coup aux pertes qu’ils subissaient. Ce fut un chaotique ballet aérien. Les bras et les jambes volèrent en tous sens. Les têtes, les torses explosèrent en morceaux et en crachant mille étincelles. Des dizaines de milliers de bouts de carcasses calcinées et à moitié fondues jonchèrent bientôt le sol. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, tous les cyber-militaires furent anéantis, submergés par le nombre et la technologie.
Du côté des civils, les pertes aussi étaient importantes. Plus de mille de leurs soldats-androïdes avait péri durant l’affrontement. Ceux qui restaient se mirent immédiatement au travail. Certains entreprirent de désamorcer les explosifs et les missiles qui se trouvaient fixés sur la coque du vaisseau extra-terrestre, les autres partirent en inspecter l’intérieur.
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- "Liberty 5" à "Liberty 3"...! Détection d’un signal confirmé. Vitesse stable…! S’il y a un relais dans le coin, il peut nous faire perdre quelques minutes. Vous avez donc moins de dix minutes pour tout désamorcer….! Terminé...!
L’ordre de destruction avait bien été envoyé par les militaires, mais il voyageait encore à travers l’espace à des centaines de millions de kilomètres de là, filant vers le fort plus rapidement que la lumière.
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Dix escadrilles se partageaient l’inspection du vaisseau extra-terrestre. Elles pénétrèrent à l’intérieur après avoir dessoudé les panneaux d’acier organique qui en bloquaient les issues, puis se dispersèrent dans différentes directions. La salle de commandement, au milieu de laquelle trônait le poste de navigation avec son immense viseur télescopique, n’était pas piégée, ni aucune des vastes galeries qui traversaient l'immense vaisseau. C’est en arrivant dans les soutes que les escadrilles découvrirent le reste des explosifs. Des milliers de missiles étaient fixés par des chaines aux colossaux montants qui formaient l’ossature du cargo géant.
Tous les dix mètres et sur toute la longueur de la soute, des piliers de soutènement se dressaient en arc de cercle de chaque côté, puis se rejoignaient en se fondant à la gigantesque colonne vertébrale du vaisseau extra-terrestre. Aucun rivet, ni boulon, ni soudure ne maintenait les éléments ensemble. Tout le squelette semblait ne faire qu’un avec les parois concaves de la coque, comme des tendons sur un os. Les matériaux étaient liés les uns aux autres, ancrés entre eux et à la carapace par des ligaments enchevêtrés qui se perdaient dans la masse quasi organique.
Placés à mi hauteur, des missiles à fusion nucléaire étaient encordés, quatre par quatre et parfois en plus grand nombre, sur l’arête des montants principaux. Bien qu’ils soient très anciens et d’une taille modeste, les missiles, rouillés et écaillés, étaient suffisamment nombreux et puissants pour éventrer et faire fondre l’enveloppe du cargo.
Il n’y avait pas un instant à perdre, car l’ordre de destruction pouvait arriver à tout moment. Les soldats-androïdes se déployèrent et s’activèrent à tous les désamorcer. Les gestes furent rapides et précis. Ils commencèrent par dévisser le cul des cylindres, se débarrassèrent des couvercles en les laissant tomber au sol, puis tentèrent de désactiver les récepteurs en pianotant sur les claviers de contrôle. Quelques secondes suffisaient pour les éteindre et, très vite, la majeure partie des missiles fut mise hors service. Cependant, certains, plus abimés et rouillés que les autres, se révélèrent plutôt récalcitrants à la désactivation et leur fit perdre un temps précieux. Suffisamment pour que l’ordre qui arrivait du fin fond de l’espace soit enfin capté.
Plus du trois-quarts des missiles avait été désactivé, mais aucun d'eux n’avait encore été détaché, ni emporté pour être mis à l’abri. Les missiles encore activés explosèrent à l’unisson; à l’intérieur comme à l’extérieur du vaisseau. Le souffle des explosions écartela littéralement l'enveloppe du colossal vaisseau extra-terrestre. D'énormes boules de feu enflèrent en un éclair et formèrent un brasier dévastateur qui emplît l’immense entrepôt. Chauffé à blanc, les missiles désactivés éclatèrent, provoquant une réaction en chaîne. Un énorme champignon de gaz incandescent emplit l'espace. L’atmosphère était si brûlante que les armures des androïdes se mirent à flamber, puis à fondre. Aucun n’en réchappa. Le vaisseau s’embrasa tout à fait et s'effondra sur lui-même, disparaissant à tout jamais dans un bouillonnement de flammes.
CHAPITRE N°9
Le Ministre de la Défense éteignit le diffuseur et se retourna vers l’hologramme de Lady Ripley.
- Un trésor de technologie perdu à jamais. Enfin, pas totalement. Nous avons les scanners et les boites noires; espérons que cela soit suffisant !
- Vous ne pourrez rien en faire sans carburant, mon cher Lew…!
- Oui, certes...! Il faut absolument remédier à ce problème… et nous trouverons une solution. Mais parlons plutôt de ce qui nous intéresse…! De ce phénomène de récurrence de la mémoire et, surtout, de ce problème de compatibilité…! Vous pensez vraiment que nous sommes contraints de pratiquer un métissage…?
- Aux vues de mes connaissances, vous ne pouvez pas faire autrement. Nous savons que cette récurrence de la mémoire apparait aussi parfois chez les humains; dans d’infimes proportions et au hasard des clonages; mais elle reste confinée dans l’inconscient. La mutation que j’ai subie n’a fait qu’amplifier le phénomène…! Si vous cherchez quelqu’un d’autre que moi pour en tirer des clones mutants, en admettant que vous trouviez un individu compatible, il vous faudra le parasiter pour obtenir cette récurrence. Ce sont, peut-être, des dizaines de milliers de clones qu’il vous faudrait infester, avant de trouver la bonne personne. Pour cela il suffisait de laisser faire les militaires…!
- Ne vous méprenez pas…! Je n’ai aucunement l’intention d’aller dans ce sens. Loin de là. Je pensais plutôt faire appliquer un test de compatibilité sitôt que nous aurons compris le phénomène. Il est important de diversifier les souches-mères, ne serait-ce que pour contenter l’opinion publique...! répondit Lew Danton.
- Je comprends votre point de vue et je fais tout mon possible pour y remédier. Mais il faudra encore quelques années pour comprendre ce qui se passe. En attendant nous pouvons créer diverses branches à partir de nos clones mutants et les nettoyer du mieux possible. Ils peuvent très bien servir de souche-mère à ma place. Je ne vois pas d’autre solution à court terme…!
- Je peux les persuader d’attendre encore cinq ou six ans, mais certainement pas plus...! répondit le Ministre. Vous savez qu’ils trouvent bien plus dangereux de vous laisser devenir l’unique Mère de cette race humanoïde. Ils pratiqueront un métissage illégal si nous ne découvrons rien avant ce délai...!
- Eh bien, qu’ils le fassent. Ils trouveront bien une poignée de généticiens véreux pour les y aider...! s’énerva la Mutante. Elle rajouta : Foller, le premier. Il pourra tenter l’expérience sur lui...!
Lew Danton gloussa de rire.
- Ce qui est sûr, c’est qu’il les soutient…! Évidemment, ils ont besoin de vous pour mettre ce projet en œuvre. Je veux dire de votre a.d.n…! Et ils vont tout faire pour l’obtenir. Leur argument va peser lourd dans la balance cette fois-ci. Ils sont prêts à vous briser si vous n’acceptez pas !
- Vous voulez que je les aide à infester des milliers de personnes…!?
- Non, bien sûr que non. Officiellement, il s’agit avant tout de vous aider dans vos recherches sur la récurrence de la mémoire et sur les tests de compatibilité...! D’accélérer un peu les choses...! Ils estiment être assez intègres pour en avoir le droit. Si vous acceptez, vous perdrez bien sûr votre monopole, mais vous garderez au moins le contrôle sur vos propres recherches. Si vous refusez et qu’ils gagnent la bataille, ils vous prendront ce que vous vouliez préserver. Inutile d’en arriver là…!
- Je peux divulguer leurs véritables intentions dès maintenant…! Ils auraient du mal à prouver le contraire...!
- Ils ont justement l’intention de le faire…! Ils sont certains que l’opinion publique penchera en leur faveur, à cause de l’importance de l’enjeu...!
- Alors ce sera à elle d’en décider. Je ne me prêterai pas à leur petit jeu, vous leur direz…! Je leur promets la création d’un test de compatibilité et un métissage in-vitro avant cinq ans. Si ça ne suffit pas, je les affronterai…!
- Ça peut les retarder dans leur projet, mais ça ne les empêchera pas d’instaurer un moratoire sur les souches-mères. Vous allez être en première ligne, alors préparez vous !
CHAPITRE N°10
Vêtue de sa toge immaculée qui couvrait ses difformités, Lady Ripley se tenait debout, une coupe de champagne à la main, face à son équipe de généticiens. Nico qui se trouvait à son côté, paraissait minuscule auprès d’elle. Il portait tout son attirail de protection, blouse, bonnet et gants, à l’exclusion du masque. Son beau visage arborait un air humble, presque timide. Il tenait sa coupe de champagne à deux mains comme s’il craignait de la laisser choir. De l’autre côté de la paroi de diamantine, une douzaine de collaborateurs écoutait religieusement le discours d'adieu de la "Mutante".
- Mes chers amis, chers collaborateurs et chères collaboratrices, je veux rendre hommage à votre dévouement, à votre fidélité, à votre talent, à votre persévérance, à votre génie, qui nous ont conduit à produire tant de miracles. La société vous en sera éternellement reconnaissante, malgré tout ce qu’elle aura pu en penser. La Médecine et la Génétique ont fait un énorme bond dans le futur grâce à votre travail et vous devez être fiers de ce qui a été accompli…! À ceux, d’entre vous, qui nous quittez pour de nouvelles et grandes responsabilités, je veux souhaiter de belles et longues carrières, ainsi que de nombreuses découvertes...!
Lady Ripley leva sa coupe de champagne.
- Je bois à vous...! Bravo à vous...! Et merci pour ce merveilleux cadeau ! termina-t-elle en caressant son voile de soie du bout des doigts.
Lady Ripley leva sa coupe de champagne.
- Je bois à vous...! Bravo à vous...! Et merci pour ce merveilleux cadeau ! termina-t-elle en caressant son voile de soie du bout des doigts.
Elle bu quelques gouttes du breuvage. Des bravos fusèrent de part et d’autre du petit groupe de généticiens. Elle attendit que chacun ait fini de trinquer et d’avaler une ou deux gorgées de champagne pour reprendre :
- À vous autres qui restez en ma compagnie, je ne sais comment vous consoler…!
Ils se mirent, tous, à rire de bon cœur.
- Un nouveau défi nous attend…! Percer les mystères de la mémoire génétique est un but difficile à atteindre, mais nous y parviendrons dans les délais prévus. Nous y travaillerons jours et nuits, nous multiplierons les expériences, nous inventerons les outils dont nous avons besoin, nous additionnerons nos savoirs avec ceux des autres scientifiques, et tous ensembles, nous réussirons…! Il vous faudra donner beaucoup de votre temps et de votre énergie pour y arriver. Parfois au détriment de votre vie personnelle ou familiale…!
Elle fit une courte pause, puis reprit :
- Profitez, donc, bien des dernières vacances que vous vous octroyez avant longtemps…! C’est Nico, mon indispensable assistant, qui me remplacera, dorénavant, durant tous mes déplacements... Je veux rendre hommage à son sincère dévouement ainsi qu’au vôtre. Je bois à notre réussite future et au bonheur de toute l’équipe. Merci à tous ! ».
Ils se mirent, tous, à rire de bon cœur.
- Un nouveau défi nous attend…! Percer les mystères de la mémoire génétique est un but difficile à atteindre, mais nous y parviendrons dans les délais prévus. Nous y travaillerons jours et nuits, nous multiplierons les expériences, nous inventerons les outils dont nous avons besoin, nous additionnerons nos savoirs avec ceux des autres scientifiques, et tous ensembles, nous réussirons…! Il vous faudra donner beaucoup de votre temps et de votre énergie pour y arriver. Parfois au détriment de votre vie personnelle ou familiale…!
Elle fit une courte pause, puis reprit :
- Profitez, donc, bien des dernières vacances que vous vous octroyez avant longtemps…! C’est Nico, mon indispensable assistant, qui me remplacera, dorénavant, durant tous mes déplacements... Je veux rendre hommage à son sincère dévouement ainsi qu’au vôtre. Je bois à notre réussite future et au bonheur de toute l’équipe. Merci à tous ! ».
Lady Ripley se retourna vers Nico, un large sourire aux lèvres, et trinqua avec lui. Elle souleva à nouveau sa coupe en direction de ses collaborateurs qui répondirent d’un même élan. Tous vidèrent leur coupe jusqu'à la dernière goutte comme le voulait la tradition.
- Je ne vous retiendrai pas plus longtemps…! reprit Lady Ripley. Souvenez vous simplement que vous êtes les pionniers d’une ère nouvelle...! L’espace ouvre maintenant ses portes à l’Humanité toute entière. À une toute nouvelle Humanité. Plus puissante, plus résistante. Forte d’un nouvel état d’esprit. Grégaire, volontaire, sincère et généreux…! D’un haut niveau de conscience. Plus instinctif, plus sensitif, plus élaboré…! Et cela, grâce à vous…! Vous avez crée l’Avenir. Restez fiers de l’avoir fait malgré l’opprobre, car vos détracteurs, aujourd’hui, seront vos cobayes volontaires, dès demain. Il ne leur manque que le courage de se l’avouer à eux même...! L’histoire est en marche, mes chers amis, et nous devons nous en féliciter. Ne regrettons rien de ce qui a été accompli et projetons toutes nos forces de réflexion dans ce qui reste à accomplir…! Merci à vous, pour votre dévouement, votre tolérance, votre courage et votre esprit visionnaire. Bravo à tous !
Lady Ripley déposa sa coupe vide sur le rebord du plateau à sustentation placé derrière elle. Chacun s’empressa de l’imiter et se dirigea brusquement vers le bar à sustentation pour se débarrasser de sa coupe... la flûte à sustentation n’ayant pas encore été inventée... avant de se retourner sur elle pour l’applaudir. Affichant un large sourire, elle laissa trainer l’hommage encore quelques secondes, puis quitta la salle. Nico lui emboita le pas et sortit avec elle sous les applaudissements de ses collègues.
_
Lady Ripley ralentît le pas, laissant Nico se placer auprès d’elle. Ils traversèrent le long couloir sans dire un mot. Nico hésita un instant en s’arrêtant devant la porte qui menait aux douches et aux vestiaires. Il se retourna vers la "Mutante", faisant un effort surhumain pour réussir à soutenir son regard noir. Elle lui sourit tendrement pour lui donner un peu de courage, et finalement il bredouilla :
- Voulez vous que je reste un moment ?
Le sourire de Lady Ripley s’élargit. C’était elle qui, d’habitude, lui faisait part de son désir.
- Non…! C'est très gentil à toi, mais je préfère que tu ailles rejoindre ton équipe au plus vite ! C'est ta nouvelle fonction à présent...! répondit-elle.
Elle souleva la fine capuche de cellulose qui couvrait la tête de son assistant, puis passa délicatement ses longs doigts noueux dans les boucles rousses du jeune homme, les remuant de-ci, de-là, pour leur redonner un peu de volume. Elle posa ensuite la paume de sa main sur la joue écarlate de Nico pour la caresser. Ce dernier serra la main de Lady Ripley contre sa peau brûlante et ferma les yeux.
- Heureusement que tu es là…! murmura-t-elle.
Ils restèrent ainsi quelques dizaines de secondes à profiter du précieux contact. Nico n’osait faire un geste, alors qu’il aurait tant voulu l’enlacer. Il garda la main de Lady Ripley serrée entre les siennes, tout contre sa joue. Il avait l’air d’un ange en extase, d’un enfant amoureux de sa mère. Elle le prit dans ses bras pour le serrer contre elle. Les paupières closes, la joue posée contre son sein, Nico retrouva son calme peu à peu, se laissant bercer par le rythme lent et régulier des battements de cœur de Lady Ripley, de sa lente respiration et de ses douces caresses. Il se serait volontiers donné à elle corps et âme et se serait laissé dévorer vivant si elle en avait eue l’envie. Mais il était hors de question qu’elle le sache, qu’elle le soupçonne, même, d’avoir de telles pensées. Il en était, lui-même, absolument effrayé.
- Mon cher enfant…! Je suis si heureuse que tu sois resté. Je n’aurais pu faire confiance à personne d’autre. J’en suis véritablement soulagée. J’ai tant redouté que tu nous quittes pour rejoindre Foller et son équipe…!
Nico sentit sa gorge se nouer quand elle parla de Foller. Il se sentit soudainement coupable d’aimer cet homme autant qu’il l’aimait, elle. Il aurait voulu prendre la défense du professeur, mais préférait éviter d’évoquer ne serait-ce que son nom.
- C’est pour vous que je l’ai fait !
- Je sais… ! Et je t’en serais éternellement reconnaissante, mon cher enfant… ! Va vite, maintenant...!
Fin du sixième épisode

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