Alien 5 Eternity (troisième épisode)

 



CHAPITRE N° 13
Un silence bienfaisant accueillit les trois fuyards. Seules les infra-basses provenant du soud-club faisaient encore vibrer la porte de secours qui venait de se refermer sur eux. Une lumière terne, jaunie par le temps, éclairait une interminable galerie dont on ne voyait pas la fin. Call redoutait un piège. Alors qu'ils auraient dû fuir vers l'ouest, ils se retrouvaient à l’opposé. Il lui fallait signaler sa position au gouvernement afin d'établir un nouvel itinéraire, mais elle voulait, avant tout, quitter ce piège à rats, ce fond de nasse qu’elle sentait menaçant. 
Peut-on rejoindre le "canyon" à partir d’ici…? demanda-t-elle en s'adressant à Volvic..
- Ouais, je crois !

Volvic n'en savait rien, mais il comptait bien trouver un itinéraire qui les y mènerait. La Lieutenant Ripley sachant qu'il les ralentirait se sacrifia à nouveau. 
- Allez mon gars…! Prêt pour la ballade ? 
- Si je peux encore être utile…! répondit Volvic, conscient de son piteux état.
Ripley chargea le civil sur son dos et s'élança. Call lui emboita le pas, le canidroïde calé sous le bras. Ils parcoururent les cinquante mètres de galerie en un instant. Soudain, avant qu’ils n’atteignent la première bifurcation distante de quelques enjambées, Ripley sentit la présence d’un danger imminent... celle des frères Chbebenski. Elle ne les avait pas flairés avant, confondant peut-être leur odeur avec celle de Volvic. L'auton, elle non plus, n’avait pu les repérer à temps, pour cause de disfonctionnements. Le long couloir fut au même instant plongé dans l'obscurité.
Les frères Chbebenski, invisibles dans le noir, surgirent de chaque coin du tunnel, équipés de lunettes à infra-rouge qui leur permettaient d’y voir comme en plein jour. Ils se postèrent au milieu du passage, serrant la crosse de leur antique fusil mitrailleur contre leur hanche, un doigt posé sur la gâchette et le chargeur dans l’autre main. Ils prirent juste le temps de viser et tirèrent.

La chance n'était heureusement pas de leur côté. Un méga-flash de lumière émis par le canidroÏde frappa durement les rétines des deux mercenaires et les aveugla. Le petit canidroïde avait automatiquement enclenché sa fonction éclairage en se retrouvant dans le noir, éblouissant les frères Chbebenski en pleine action. Les deux tueurs se mirent alors à défourailler comme des fous, au petit bonheur la chance, quadrillant et balayant l’intérieur de la galerie de deux longues rafales qui crachèrent leur feu sans discontinuer. Les dernières douilles éjectées retombèrent sur le ciment en tintant joliment dans l’imposant silence qui suivit le mitraillage.
Def et Deg ôtèrent leurs lunettes à infra-rouge, puis jetèrent un œil à travers la fine et acre poussière de ciment qui voletait devant eux. Call était encore debout mais semblait paralysée. Volvic gisait étendu au sol parmi les éclats de pierre et de béton. Le canidroïde, amputé de l'arrière-train, continuait d’éclairer la scène. Mais nulle trace de la Lieutenant Ripley.
Les deux frangins froncèrent les sourcils, puis se regardèrent de trois-quarts avec étonnement et beaucoup d’appréhension. Ils eurent à peine le temps de comprendre et encore moins celui de se retourner. Tout juste s’ils l’entendirent renifler derrière eux.
Ripley n’était définitivement plus la même. Elle les attrapa tous deux par un côté du visage et y enfonça méchamment ses ongles noir aiguisés comme les griffes d’une panthère. Elle était prise d’une rage animale et de toutes ses forces leur cogna violemment la tête l’une contre l’autre. Les deux faces s’écrasèrent, se fracassèrent, explosèrent, s’interpénétrèrent, s’unifièrent sous la puissance du choc, et n’en firent plus qu’une. Tout aussi ressemblante, d’ailleurs. Les deux visages semblaient s’être entre-dévorées l’un, l’autre. Le sang giclait comme une fontaine et des jets écarlates jaillissaient tout le long de la fente ensanglantée qui jointait les deux gueules de cons des frères Chbebenski. Leurs mâchoires s’encastraient pour ne plus former qu’une seule et même bouche édentée dans un infâme roulage de pelle. Leurs nez éclatés avaient l’air d’une grosse patate déchiquetée et rougeoyante qui pendait au milieu de leur nouvelle figure. Une grosse touffe de mèches sanguinolentes et un bout de lunettes à infra-rouge leur sortaient d’entre les deux yeux. L’œil rouge de l’ainé disait merde à l’œil tout blanc du cadet. Des filets de sang s’écoulaient sur le crâne rasé de Def, d’un côté, et de l’autre, se perdaient dans la longue chevelure de Deg. Le plus gros de leurs cerveaux pendait par l’arrière sous le nez de la Lieutenant. Celle-ci resta contractée un court instant, presque tremblante, avant de se ressaisir et de les lâcher. Les corps inertes s’affalèrent sans se séparer, soudés face contre face et unis pour l’éternité.
Ripley n’avait pas détourné la tête au moment du choc. Une myriade de gouttelettes de sang, de petits bouts de cervelle ensanglantée et d’os fracassés constellaient son visage. Elle s’essuya d'un revers de la main, crachota quelques minuscules débris encore collés à ses lèvres, puis enjamba les deux frères siamois pour retourner vers Call.
Call, choquée, avait reçu une balle en pleine tête qui lui avait crevé l’œil droit et percé le fond du crâne. Volvic, couché à terre, gémissait. Un projectile lui avait traversé le mollet et éclaté le tibia.
- Est-ce que ça va…? demanda Ripley en s'approchant de Call.
Call sentait un léger courant d’air attiser les courts-circuits qui couvaient sous son crâne de carbone. Elle posa la main sur son œil manquant et tâta la cavité du bout des doigts pour mieux apprécier les dégats. Elle fit alors un grand sourire à sa protégée. Ripley le lui rendit immédiatement, heureuse de la retrouver saine et sauve. Call remarqua les trois trous percés dans la combinaison de la Lieutenant, au dessus de sa poitrine. Elle la regarda bizarrement en se demandant s’il y avait de quoi s’inquiéter. Apparemment pas…! Ripley ne semblait même pas s’en être aperçue. Et d'ailleurs, les balles fondaient déjà à l’intérieur de son corps. 
- Ah, putain...! J’ai mal ! gémit Volvic

L'Auton se retourna vers le civil, qu'elle avait presque oublié, et se hâta de lui porter secours. Elle déchira le bas du pantalon et dégagea la plaie gluante. Aie…! Le tibia de Volvic avait littéralement explosé et du sang se déversait par petits flots pour former une flaque écarlate sur le sol de ciment. Call noua les bouts de tissu ensemble autour de la cuisse du blessé afin de comprimer l’artère, mais n’obtint qu’un piètre résultat. Elle resta quelques secondes indécise à fouiller dans ses mémoires défaillantes pour y trouver une solution plus efficace.
Ripley, autant par compassion que par instinct naturel, vint s’agenouiller auprès du blessé. Elle se mit à mâchonner dans le vide pour stimuler ses glandes salivaires. Rumina quelques instants la salive qui s'en échappait, puis immobilisa la jambe de Volvic en l'empoignant fermement. Enfin, tel un chamane guérisseur, elle cracha un long filet de bave dans la plaie intarissable. La réaction fut instantanée.
Le sang bouillonna brusquement, jaillissant de la blessure comme d’un volcan en éruption et s’évacua en un éclair. Le peu qu’il en restait s’épaissit aussitôt, coagulant parfaitement. L’artère sectionnée, les veines, les veinules et les capillaires tailladés s’arrêtèrent de saigner. Leurs membranes se recroquevillèrent sous l’effet des enzymes exogènes et se ressoudèrent. Les nerfs arrachés réagirent de la même façon. La douleur diminua, puis disparut, et Volvic en fut fortement apaisé. Il ne manqua pas d'ailleurs de s'extasier :
- Putain, c'est dingue...! Je ne sens plus rien !
Call et Volvic avaient assisté à l’expérience avec effarement, en oubliant presque leur situation et les dangers qui les menaçaient toujours. Volvic plus émerveillé que jamais par les pouvoirs surnaturels de la Lieutenant était bouche bée. Call avait presque beugué en enregistrant la scène. Elle aurait tant aimé entrer au coeur même de la plaie.
L'Auton reconnecta ses mémoires défaillantes. La première des choses à faire était de joindre le gouvernement pour lui donner sa position. Malheureusement, le portable, détruit par une balle et complètement démantelé, se sépara en deux lorsqu'elle le sortit de sa poche. Toutes sortes de petits composants électroniques s'en échappèrent et tombèrent sur le sol. Les circuits imprimés pendaient au bout de quelques malheureux cordons. Call vérifia le bon fonctionnement du G.P.S, reclipsa le boitier du portable comme elle put, puis le remit au fond de sa poche. Elle s'agenouilla ensuite auprès de Volvic pour le rassurer :
- On va vous sortir de là, je vous le promets…! dit-elle. 
Ripley avait dénoué le garrot fait par l’auton. Elle terminait de tailler un short au blessé, arrachant des lambeaux de jean tout poisseux qu'elle jetait en boule sur la dépouille des deux tueurs étendus derrière elle. Call enchaina :
- Il nous faut à tout prix rejoindre le "canyon"…! Vous y arriverez…? 
Volvic, complètement anesthésié et ne sentant plus sa blessure, eut un sursaut de fierté :
- Bien sûr que j’tiendrais l’coup…! Au point où j’en suis, le mieux c’est de continuer. On va passer par les égouts…! Y’a des conduits qui traversent toute la ville, on devrait pouvoir trouver un accès quelque part !
- Allons-y, partons tout de suite ! dit Call en prenant le civil par la taille pour l’aider à se relever.
Ripley chargea de nouveau Volvic sur son dos. Elle s’arrêta près des cadavres des frères Chbebenski pour s’emparer des fusils-mitrailleurs et des deux chargeurs auxquels ils s'accrochaient encore. Elle remit une des armes à Call. Cette dernière avait ramassé le petit canidroïde et éclairait les corps sans vie des mercenaires. Volvic jeta aussi un coup d’œil par-dessus l’épaule de la Lieutenant et eut un haut-le-cœur en apercevant les têtes encastrées l’une dans l’autre, auréolées d’une mare de sang qui s’écoulait en rigole entre les deux cadavres. Il ne pût s’empêcher de lâcher un : « Oh, putain…! C’est dégueulasse ! ».
- La droite ou la gauche ? demanda Ripley.
Le croisement se divisait en trois longs couloirs plongés dans l'obscurité. Volvic hésita quelques secondes avant de se décider pour le moins hasardeux... vers l'ouest, vers le "canyon". Il s’accrocha vigoureusement à Ripley quand celle-ci s’élança. Call les talonna, éclairant tant bien que mal le chemin avec les restes du canidroïde. 
Ils foncèrent à travers un inextricable labyrinthe de croisements et de cul-de-sac incessants. Volvic lançait des coups d’œil désespérés de part et d’autre pour tenter de trouver une issue. Enfin, à un croisement, il aperçut une porte de tôle affleurant à la paroi d'une galerie adjacente.
- Là ! Un tunnel de métro. On va pouvoir rejoindre les égouts ! cria-t-il 

Une vieille plaque rouillée, rivetée au panneau de la porte, laissait encore apparaitre les restes d’un avertissement : "Accès uniquement autorisé au…", puis un vide où tous les mots avaient été grattés jusqu’aux trois dernières initiales encore visibles… "R.A.T…" . Ripley tira une courte rafale dans la serrure qui vola en éclats, puis elle ouvrit la porte d’un violent coup de botte.
Les trois fugitifs pénétrèrent dans un tunnel de métro légèrement en courbe. Les rails avaient disparus. Les plots de béton alignés par rangées de quatre se perdaient dans l’obscurité. Une faible lueur perçait un peu plus loin et s’étendait comme un ruban en travers de la voie.
- Là-bas ! s’exclama Volvic en pointant l’endroit du doigt.
Tous trois se retrouvèrent devant l’entrée fermée et grillagée d’un puits d’aération rectangulaire. A l’intérieur, en son centre, se trouvait un acacia qui sortait et s'élevait tout tordu d’une bouche d’égout. La Mutante  reposa le civil à terre, colla le canon de sa mitrailleuse sur le loquet verrouillé du grillage et le fit sauter. Elle repoussa ensuite le cadre de métal rouillé avec le canon de sa mitrailleuse.
Call pénétra la première à l'intérieur du puits d'aération. Une dizaine de mètres au-dessus d'elle se trouvait l'embouchure du conduit. Elle constata qu'aucune grille ne la condamnait et que seule la ramure éparse de l'arbre en bloquait partiellement l'accès. Pas de quoi stopper une escouade de soldats et à peine de quoi la ralentir, pensa-t-elle. Elle constata aussi que toute tentative de fuite était vaine. De longues lianes rigides pendaient aux branches de l'acacia. Certaines s'étiraient jusqu'au sol où elles avaient pris racines, d'autres descendaient en serpentant autour du tronc jusqu'à sa base et formaient un amas qui finissait d'obstruer la bouche d'égout. Call se retourna vers Ripley.

- Impossible de passer par là...! dit-elle 

- ... à moins d'avoir une tronçonneuse...! répondit Ripley qui arma aussitôt son fusil-mitrailleur.

Call l'imita. Les deux femmes se concertèrent une seconde, visèrent un même endroit et appuyèrent sur la détente. De gros copeaux de lianes et d'écorce volèrent de toutes parts, arrachés au tronc d'arbre par les balles gros calibres des fusils-mitrailleurs. Quelques secondes suffirent pour entailler les fibres de bois desséchées et pour en isoler un tronçon que la Lieutenant déracina ensuite à la force des bras. La brèche ainsi ouverte semblait assez large pour leur permettre de s'enfuir. 
La Mutante posa la mitrailleuse au sol et regarda au fond du trou pour en jauger la profondeur. Elle s’assit sur le rebord, puis faufila ses jambes par l’ouverture. L’étroit passage était à peine praticable. Elle tourna la tête vers Volvic et lui demanda :
- Tu es certain de l’endroit où ça mène…? 

Le civil se retenait au tronc d’arbre en vacillant sur un pied. 
- C’est fait pour les eaux de pluies… Normalement, ça va direct au "canyon" ! répondit-il.
Ripley s’agrippa à l’écorce de l'arbre, se plaqua tout contre, puis se laissa glisser dans la canalisation. En touchant le fond, ses pieds s'enfoncèrent dans un épais limon de sable et de mousses séchées.  
- Passez-moi le chien ! cria-t-elle
Là-haut, Volvic donna les restes de son chien à l'Auton qui les tendit à Ripley par la bouche d’égout. Cette dernière attrapa le canidroïde et éclaira l’intérieur du conduit d'évacuation. Elle se trouvait quasiment sous l’arbre. D’immenses racines s’enroulaient en tire-bouchon sur les parois arrondies. Des dizaines d’autres, plus petites, qui avaient poussées en travers du boyau de béton, étaient plantées dans la couche de sable noir et barraient le passage des deux côtés sur une bonne longueur. Quand la Lieutenant releva la tête, les jambes de Volvic se balançaient dans le vide au dessus d’elle.
Le civil était coincé entre le tronc d'arbre et le cerclage de la bouche d'égout. Sa grosse veste de cuir rapé ne passait pas dans la brêche.
- Laisse-moi retirer ta veste ! lui ordonna Call.

L'auton lui saisit les manches et en un éclair se retrouva avec la veste pendante de Volvic entre les mains. Enfin...! Ils étaient en sécurité, maintenant...! pensa-telle. Elle jeta un coup d’œil vers l'embouchure du puits d’aération et vit le ciel crépusculaire s'assombrir soudainement.

Ripley, après l'avoir tiré à elle, rattrapa Volvic dans ses bras, puis le posa au sol. Le civil se retint à deux racines qui pendaient près de lui pour pouvoir tenir en équilibre sur sa jambe valide. Il ne montrait aucun signe de souffrance et se contentait de lever sa patte blessée pour éviter d'aggraver la fracture. La salive de la Lieutenant agissait encore avec une incroyable efficacité.
- Call…! Passe-moi les fusils et ton couteau…! lança Ripley.
Là-haut, l’Auton s’allongea sur le sol et lui passa le tout par la bouche d’égout. Elle  lui tendit aussi le portable.
- Avec ça, ils pourront te retrouver… Prends-le…! 
Ripley s’en saisit, puis planta son regard noir dans celui de l'Auton. Celle-ci ne lui laissa pas le temps de l’interroger. Elle reprit sa supplique :
- Partez tout de suite…! Dépêchez-vous....! Je reste pour surveiller vos arrière. Je serai plus utile, ici ! 
Ripley prit la main de Call et la serra tendrement dans la sienne. Call lui sourit une dernière fois pour dissimuler sa tristesse. Elle aurait voulut se faire pardonner, lui montrer son admiration et lui prouver sa sincérité. Lui dire qu’elle aurait aimé la protéger et rester auprès d’elle à tout jamais. Mais le temps qui lui était imparti ne lui offrait plus que ce trop fragile et néanmoins intense adieu. La Lieutenant lui lâcha la main et lui envoya un baiser en souriant. Call ne put retenir son œil fatigué et elle se mit à loucher d’une manière charmante, carrément émouvante. Elle se redressa alors, souleva son col et retira la longue chaine de platine, ornée d’un crucifix du même métal, qu’elle portait autour de son cou. Elle la déposa avec solennité dans la paume grande ouverte que Ripley lui tendait. Cette dernière lui fit aussitôt l’honneur de faire disparaitre la petite croix dans son décolleté.
- Eloignez-vous, vite…! Partez, partez, partez…! s’exclama Call en se relevant. Partez, partez… Fuyez ! cria-t-elle encore en disparaissant tout-à-fait. 

Ripley empocha le portable, puis se retourna vers Volvic.
- Allez, mon gars. Accroche-toi à moi, on va se sortir de là ! dit-elle en chargeant le civil sur son dos. 

Un enchevêtrement de racines entrelacées, incrustées de vieux morceaux de polystyrène souillé et de plastique décoloré, obstruait chaque côté de la canalisation. Des touffes de végétaux et toutes sortes d'autres choses charriées par les dernières pluies s'y entremelaient pour former un barrage infranchissable.

La Lieutenant Ripley se faufila entre les longues lianes de bois dressées devant eux, les arrachant du sol où elles s’abreuvaient, et cisaillant au couteau et au fusil-mitrailleur toutes celles qui la gênaient dans son avancée. Elle progressa rapidement, taillant à tour de bras dans l'entrelacs de racines avec la détermination d'une guerrière et c'est une fois son propre chargeur vidé qu'elle découvrit que le fusil laissé par Call en était dépourvu. Un funeste pressentiment l'envahit et ne la quitta plus. Elle se débarrassa des armes devenues inutiles, puis reprit sa progression.

Volvic agrippé sur son dos et le canidroïde sous le bras, Ripley ouvrit le reste du chemin au couteau. Elle arracha les dernières racines à la force d'un bras, puis enfin elle s'enfonça dans la pénombre du conduit. Elle pensa à Call, à l’invraisemblable amitié qu’elle lui portait… à elle, une auton... si humaine, pourtant. Qu’allait t-il donc lui arriver…?
La Lieutenant n’avait pas encore parcouru vingt mètres, qu'un souffle surpuissant les projeta, elle et Volvic, vers l’avant, et les plaqua violemment au sol. Le fracas de l’explosion leur transperça les tympans et tout de suite après, une boule de feu s’engouffra dans le conduit par la bouche d’égout, embrasant et calcinant les racines qui pendaient en travers en un centième de seconde. Les flammes s’étirèrent en roulant sur les parois cylindriques de la canalisation et les enveloppèrent tous deux d’un long manteau de gaz incandescents. 
CHAPITRE N° 14
Call s’était retrouvée dans l’obscurité. Le vrombissement du vaisseau militaire qui stationnait au dessus d’elle et qui bloquait l’entrée du puits faisait vibrer son squelette de carbone. Elle était juchée sur le tronc d’arbre, grimpant de branche en branche vers la cime. Une lueur blanchâtre émanait de son corps et créait un halo de clarté autour d’elle. Elle s’arrêta sur la dernière ramure capable de la soutenir, puis  attendit, le nez en l’air, en se retenant aux branchages.
Un terrible court-circuit finissait de faire fondre le centre névralgique de ses sens à l’intérieur de son crâne. De minuscules scories de métal en fusion jaillissaient de son orbite illuminé.  Call garda son œil sain, fixé sur son objectif.
Un escadron de soldats-androïdes au complet, expulsé par son vaisseau-mère, passa en file indienne par l’embouchure du puits d’aération.. Les branches tordues et les rameaux aux piquants acérés de l’acacia ralentirent leur progression. Call eut juste assez de temps pour sortir le chargeur dissimulé dans sa manche et pour l’enfoncer, tout entier, au plus profond de sa blessure. Elle referma le pan de sa veste, puis appuya dessus de toutes ses forces. Les cartouches explosèrent instantanément sous l’effet de l'intense chaleur. Les balles perforèrent les flancs de la malheureuse auton et une intense lumière se mit à rayonner à travers elle par les multiples orifices qui la transperçaient. Des vapeurs de gaz brûlant en sortirent aussitôt en fusant et en sifflant. L’onde de choc fractura la coque de son cœur à fusion nucléaire, provoquant instantanément une fantastique réaction en chaine. La bille d’hydrogène liquide ultra pressurisé de son cœur se mit immédiatement à surchauffer, à  se fragmenter, puis à faire fondre l’épais noyau d’alliage carboné qui l’emprisonnait. L’intense brûlure se répandit en elle comme la foudre. Ça n’allait plus tarder !
Au dessus d’elle, les premiers soldats apparurent entre les branches et la visèrent. Call sentit un projectile lui trouer l’épaule; puis deux, puis trois, puis toute une salve la cribler de part en part. Son corps irradiait si intensément que ses vêtements s’enflammèrent d’un seul coup. C’était le moment...! Incandescente, baignée d’une aura aveuglante, elle se jeta dans le vide, sous les rafales de mitrailleuses, baignant la pénombre de son feu nucléaire.

Call flotta un court instant... comme suspendue dans les airs, portée par sa propre énergie, libérée de l’attraction terrestre par l’intense champ magnétique qui se déchainait en son sein. Le mini-soleil de son cœur à hydrogène s’était mis à enfler de manière irréversible et à bouillir au contact des premiers atomes d’oxygène, entamant sa transformation en super-nova. Les dernières larmes de métal fondu s’évaporèrent sur l’ossature carbone de son visage chauffé à blanc. Les balles meurtrières de l’escadron en formation au-dessus d’elle, éclataient et se dispersaient en gouttelettes, puis en vapeur, avant de l’atteindre. L'auton ferma ses paupières de carbone… et explosa.
Call disparut à tout jamais en un foudroyant éclair blanc. Pulvérisée...! Une boule de feu dévastatrice s’évacua de la minuscule bille en fusion qui l'avait animée toute sa vie la vidant sur l'instant de toute l'énergie qui s'y concentrait. Le souffle brûlant emplit le puits d’aération en une fraction de seconde, balayant les soldats, arrachant les branchages et carbonisant tout sur son passage, jusqu’au ciment des parois qui éclata en petits morceaux. La totalité de l’escadron y passa. Le souffle surpuissant repoussa brutalement le vaisseau des militaires qui disparut dans le ciel.
Tout en bas, la puissance de la déflagration avait provoqué une longue fissure qui descendait le long de la paroi jusque sur l’ancienne voie du métro. Le terre-plein s’était complètement affaissé sur lui-même. D’énormes plaques de béton s’étaient effondrées dans le fond de la bouche d'égout et en bloquaient l’accès. L’acacia tenait encore debout mais il s’était embrasé et brûlait comme une torche.
CHAPITRE N°15

Le corps de Volvic avait protégé Ripley de l'intensité des flammes. Le malheureux civil gisait sur le dos, juste à côté d'elle, totalement inconscient. Le canidroïde avait disparu. La Lieutenant se releva. Elle se pencha sur le blessé puis colla son nez tout près de sa bouche entrouverte. Il respirait à peine. Son visage était noir, ses lèvres cramoisies. Aussitôt, Ripley lui renversa la tête en arrière, lui pinça le nez et lui insuffla de son oxygène. Volvic revint soudainement à la vie. Les gaz encore brûlants qui envahissaient la conduite d'égout le firent tousser à s'en arracher les bronches, puis il s'évanouit de nouveau.

Tout l’arrière du corps de Volvic était brûlé au troisième degré. Le tissu de ses vêtements s’était enflammé et évaporé. La chair de son crâne était à nue, ses cheveux s’étaient consumés jusqu’à la racine ne lui laissant qu’un scalp craquelé et sanguinolent. Partout, des bouts de peau noirâtre se décollaient de sa chair meurtrie et tremblotaient, tout déchiquetés, sur sa nuque, son dos, le long de ses jambes. Ses fesses étaient encore pleines de cloques écarlates et gonflées d’humeurs graisseuses. Ses semelles de caoutchouc fondu se balançaient au bout de ses orteils et la plante de ses pieds y était restée collée. Le sang et le sable sourdaient et s’écoulaient comme de la pâte des plaies sanguinolentes. Volvic était à moitié mort et il puait le graillon.
Ripley remit Volvic sur son dos et l'emporta avec elle dans la nuit souterraine.  Aucune lumière, aucun son, ni aucune vibration n’était perceptible. Rien ne lui parvenait d’autre, que le bruit étouffé de ses pas et de son souffle régulier. Elle traversa l’obscur boyau en aveugle, usant de tous ses sens et les projetant vers l'avant afin de détecter le moindre obstacle.
Au bout de quelques minutes, elle perçut une lueur au détour d’une courbe. La vue lui revint peu à peu et les contours cylindriques de l’égout réapparurent devant elle. Enfin, un éclat de lumière apparut un peu plus loin et elle arriva à une jonction qui donnait sur l'extérieur. La malchance fit qu'une grille de retenue se trouvait fichée au bout de l'étroit dégueuloir.
La Lieutenant déposa Volvic à l’intérieur de la canalisation. Elle s'y glissa, retira la ceinture du blessé, lui noua les mains avec, puis rampa tout le long en le trainant derrière elle. Elle y était ! Elle jeta un coup d’œil à travers la grille et aperçut plusieurs petits aéronefs qui surgirent sur l’horizon, au-dessus du "canyon", puis qui disparurent aussitôt de son champ de vision. Elle replia le genou avant de donner un puissant coup de botte dans le maillage de fonte. Le vieux fermoir céda sous son talon.
La proximité du danger électrisait ses sens. Elle sortit lentement la tête de l’orifice et leva les yeux. Un mur de pierre fissuré, envahi de végétation, s’élevait jusqu’à un quai, au dessus d’elle. Elle regarda ensuite vers le bas. Le "canyon" était le lit d’un fleuve asséché, celui de la Seine qui avait coulée là durant des millénaires avant d’être entièrement déviée et canalisée en faveur d’autres contrées.
En face d'elle, une large plage bétonnée s’étirait jusqu'au pied d’une falaise de gratte-ciel émiettés. Les hautes digues de pierres verticales qui formaient les quais, s’ébréchaient par endroits et de profonds sillons s’étaient formés sous leurs fondations. De longs éboulements barraient le fond du lit asséché de parts et d’autres. A sa gauche, un immense pont suspendu était coupé par le milieu et les deux parties encore accrochées à quelques câbles d'acier pendaient comme des passerelles de chaque côté du "canyon". Juste derrière, les ruines d’un antique pont de pierre en arc de voûte se dressaient encore sur ses hauts piliers ajourés. De loin en loin, un building de verre et d’acier gisait écroulé sur l’un ou l’autre des rivages. Des bouts de ponts, des barrages de gravats et de ferrailles encombraient le fond du canyon. Ce qu’elle découvrit à sa droite l’impressionna beaucoup plus. La Tour Eiffel était pliée en deux et sa haute flèche d’acier était plantée dans le lit du fleuve asséché, partiellement ensevelie par une gangue de boue durcie. Les quatre gigantesques piliers de fonte arc-boutés étaient toujours aussi solidement ancrés dans le sol et se dressaient majestueusement sur l’autre rive.
Volvic était en sécurité, ici, dans l’attente des secours...! pensa-t-elle. Elle sortit le portable de sa poche pour le déposer auprès de lui. Elle avança ensuite jusqu'au bord du dégueuloir, se contorsionna un peu pour s'asseoir, puis évalua la hauteur qui la séparait du remblai de terre situé à quelques mètres en contrebas. Un épais bosquet fait d'arbustes et de broussailles le recouvrait et allaient amortir sa chute. Sans plus réfléchir, elle sauta. 
CHAPITRE N° 16
- La voilà ! cria Donf, ceinturé dans son siège-baquet.
- J’te l’avais dit…! Ils l’auront pas ces enfoirés ! Préviens tout l’monde ! répondit Washi, concentré sur les commandes de son aéronef sport dernier modèle. 
Le vaisseau descendit en rasant les arches d'un vieux pont en ruines, passa entre les deux parties écroulées d'un pont suspendu et s’enfonça dans le canyon avant de remonter brusquement en passant pile au dessus de la Lieutenant Ripley... histoire d’attirer son attention. Donf observa celle-ci du coin de l’œil tout en adressant un mail d’alerte aux autres civils.
- Elle nous a vus ! s’exclama-t-il.
Washi vira de bord pour éviter de percuter la haute armature de la Tour Eiffel décapitée, puis continua de survoler le lit du fleuve.
- Là…! T’avais raison…! Y sont une bonne vingtaine ! signala Donf en montrant l’escadron de militaires à son pote.
- Ouais…! Accroche-toi ! cria Washi qui amorça un looping de guedin. 

Il monta dans les airs comme une fusée, resserra son virage, et termina sa boucle pour se remettre à l’endroit. Il stabilisa l’aéronef à un kilomètre d’altitude, en amont de l’escadron de soldats-androïdes.
Donf surveillait le "canyon" qui serpentait à travers les ruines de l'antique cité. Il apercevait la multitude de petit vaisseaux civils qui tournoyaient tout autour du puissant et imposant transporteur de l’Armée pour tenter de l'éloigner. Quelques-uns se dirigèrent vers Ripley pour faire barrage au-dessus d’elle.
- Dis-leur de dégager le terrain…! On va leur montrer comment on nique les militaires ! dit Washi en tapotant un programme de pilotage automatique sur son clavier de commande.

Donf s’exécuta sur le champ, envoyant rapidement un mail sur son portable. Il allait le questionner sur ses intentions quand son taré de pote lui lança en se levant d’un bond :
- Suis-moi ! 
Washi n’avait plus le temps de lui expliquer quoi que ce soit. Donf s’attendait au pire, mais l’imita de bout en bout. Tous deux foncèrent au sas d'évacuation et se jetèrent sur leur équipement.Ils fixèrent d’une claque leurs semelles aimantées sous celles de leurs baskets, décrochèrent leurs long-boards rangés contre la cloison, puis se postèrent face à la sortie. 
 Ensemble, ils sortirent respectivement de leurs poches, lunettes de piscine et masque de ski et se les mirent sur le front. Ils placèrent ensuite leur planche dans le sens de l’envol, puis enfilèrent leurs gants de contrôle. Le pied à peine posé, les fly-boards s’enclenchèrent automatiquement au contact des aimants et se soulevèrent en bourdonnant.
Sans un mot, sans presque se regarder, déjà concentrés sur leur cible, les deux compagnons abaissèrent masque et lunettes, puis se saluèrent poing contre poing pour se dire leur confiance. Bien sûr, ils étaient passés maitres dans l’art de manier la planche à sustentation magnétique et savaient parfaitement ce qu’ils faisaient. Ils risquaient ainsi leur vie depuis des lustres pour amuser la galerie, ils pouvaient bien, alors, tenter quelques acrobaties pour la bonne cause.
Washi, pourtant conscient du danger, semblait confiant, un brin surexcité. Donf, lui, flippait un peu de ne pas savoir dans quoi il se lançait. Il n’allait pas tarder à le comprendre. Washi déclencha l’ouverture du sas. Le vent les frappa au visage. 
- Ça va faire le buzz sur l’Extranet. L’exploit du siècle, mon frère…! T’es prêt ? 
- J’te fais confiance, mec…! Paré ! 
Ils plongèrent tous deux dans le vide. Donf, accroupi, pratiquement assis sur le chap’, grabait son fly-board des deux mains, positionné derrière Washi qui, lui, fonçait en piqué, jambes fléchies et bien souples, torse en avant et bras repliés dans le dos.
- Dégagez les filles, on arrive…! cria ce dernier. 

Les deux compères chutèrent à plus de trois-cent kilomètres heure. Leur navette programmée sur pilotage automatique les suivit dans leur trajectoire.
Ripley, le nez en l’air, les mains nonchalamment posées sur les hanches, observait tout ce petit monde se bagarrer pour elle. Elle souriait au fond d’elle-même en attendant le dénouement de cette chasse avec un fatalisme empreint de sérénité.
Elle flaira les alentours, à droite, puis à gauche, sans rien détecter d’anormal. Des monticules de gravats et de boue entassés lui barraient la vue. Des milliers de poutres, linteaux, barres, armatures et tiges de ferraille en émergeaient d’un peu partout, s’empilant au milieu des passages pour former d’infranchissables remparts de pics meurtriers. 

                                                                                         _

Encore séparé du lieu où la Lieutenant Ripley se trouvait par au moins cinq-cents mètres, l’escadron de militaires progressait dans le fond du canyon en tentant d’éviter les pare-chocs magnétiques des navettes civiles qui les attaquaient à la moindre occasion. Les soldats se faufilaient en petits groupes dans les ravines creusées par les pluies. Passaient par-dessus les barrages de détritus à toute berzingue avant de vite redescendre s’abriter. Ils avançaient ainsi relativement lentement, risquant très souvent de se faire shooter par l’aéronef d’un civil.
Soudain, quatre des soldats-androïdes de l’escadron militaire braquèrent leur Multi vers le ciel et tirèrent à l’unisson.  Les projectiles montèrent dans les airs avant de redescendre en piqué sur Ripley.
Cette dernière, qui s’attendait bien évidemment à une attaque de ce genre, ne broncha pas d’un millimètre, leur montrant, là, tout son courage et toute sa détermination. Les roquettes explosèrent simultanément juste au dessus d’elle. La puissante vague d’infra-basses la traversa de haut en bas et la paralysa. Plongée dans un silence de mort, elle respira sans s’en rendre compte les méchants gaz neurotoxiques qui se diffusaient autour d’elle, puis sombra dans le coma.
                                                                                        _

- Les enculés…! s’écria Washi. Ils l'ont eue...!

Suivi de près par leur vaisseau, les deux amis fonçèrent vers le fond du "canyon". Cent mètres plus bas, l
’imposant transporteur de l’Armée jouait au yoyo avec les aéronefs civils. Il se trouvait maintenant juste au dessus de la Lieutenant évanouie, prêt à la réceptionner, et il tentait vainement de repousser les civils qui tournoyaient par-dessous son imposante carlingue. 
Washi et Donf piquèrent sous le mastodonte. Les puissantes ondes électromagnétiques des moteurs leur brouilla la vue, mais les systèmes anti-collision des aéronefs civils leur permirent d'éviter le pire et ils traversèrent la ronde éffrénée sans dommage. Leur vaisseau, programmé pour les suivre, et qui filait derrière eux, accroché à leurs basques, s'en sortit aussi de justesse, frôlant de peu la carlingue du transporteur de l'Armée.    

Les deux compères, un peu secoués, passèrent à quelques mètres au dessus de la Lieutenant en poussant des cris d’apaches, puis se dirigèrent vers leur cible. Plantée entre eux et l’escadron militaire, au travers du "canyon, la fantastique armature d'acier de la pointe de la Tour Eiffel leur barrait la route. Tous deux s’abaissèrent pour attraper leur fly-board par le chap, désactivèrent les attaches magnétiques de leurs semelles, puis s’allongèrent à plat ventre sur leur planche, la plaquant de toutes leurs forces contre leur torse. L’immense flèche d’acier se dressait maintenant devant eux... incontournable.
Dents serrées et souffle court, ils plongèrent tête la première entre les épaisses poutrelles de fonte entrecroisées. D’un coup de hanche, ils évitèrent un premier linteau placé en travers du passage, effectuèrent un brusque crochet, basculèrent d'un côté, puis de l’autre avant de revenir sur leur trajectoire. Ils voyaient la structure d’acier défiler à toute vitesse à travers la visière de leurs lunettes. Ils eurent à peine le temps de choisir la sortie, trouvèrent un espace libre et s’y engouffrèrent, tentant le tout pour le tout. Ils se cambrèrent brusquement et passèrent le dernier obstacle de justesse. Washi ripa violemment sur une traverse et surgit à l’air libre en essayant tant bien que mal de reprendre le contrôle de son fly-board. Donf vira de bord pour ne pas risquer de le percuter et le perdit de vue.
La navette, livrée à elle-même car déconnectée de son système anti-collision par Washi, ne dévia pas d’un pouce et alla s’écraser, comme prévu, à leur suite, contre la pointe décapitée de la Tour Eiffel. Elle frappa de plein fouet les premières poutrelles placées sur sa trajectoire et se fracassa en deux. Les deux morceaux de carlingue se séparèrent sous le choc en explosant dans une énorme boule de feu et finirent par éclater tout à fait en percutant l’entrelacs de ferraille, se dispersant en dizaines de lourds fragments, en centaines de morceaux tranchants, en milliers de petits bouts acérés et brûlants sur toute la largeur du canyon.
Tous ces projectiles improvisés s’éparpillèrent comme une nuée d’oiseaux de feu. Criblant, transperçant, tailladant, massacrant la majeure partie de l’escadron d’androïdes-militaires qui se trouvait alors à découvert. Arrachant, têtes, bras et jambes, éventrant et détruisant les circuits intérieurs, faisant sauter les crânes et les carcasses. Bref…! L'achevant d’une seule salve.
Seuls quelques malheureux rescapés réussirent à se dégager et à remonter pour tenter de rejoindre le vaisseau-mère. Sérieusement abimés, en partie démembrés, criblés de petits bouts de métal, ils bringuebalaient dans les fumées de l’explosion en penchant de travers.

Une magnifique occasion qu’aucun civil n’aurait laissé échapper. Certains démarrèrent au quart de tour et furent sur eux en quelques secondes, ne leur laissant aucune chance. Les civils les catapultèrent comme des quilles de bowling et les envoyèrent valdinguer à des centaines de mètres. C’en était fini des militaires...! De ceux-là comme des autres, car au même instant, tous les autres escadrons lancés à la poursuite de la Lieutenant Ripley étaient bloqués par des bandes de djeuns dans les souterrains du "Grand-Paris".
Ce fut une explosion de joie, quand le transporteur de l’Armée décida de mettre les bouts à l’approche de la Police-Territoriale. Certains civils s’emballèrent un peu vite et commencèrent à descendre de leur véhicule à sustentation pour porter secours à leur "Mutante"? Ils furent immédiatement réfrénés dans leurs ardeurs par le puissant son des sirènes de la Défense Civile.
Tout le monde, sauf Donf, avait déjà oublié Washi qui gisait inanimé dans les gravats à une lieue de là. Le linteau d'acier qui avait percé le moteur de son fly-board, l'avait forcé à terminer sa chute en planeur et à atterrir en catastrophe. Donf attendait encore qu’il réapparaisse et priait pour qu’il s’en soit sorti indemne.
Fin du troisième épisode.


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