Poèmes de l'ère nouvelle

 

 

OR

 

Minerai solaire !

Ô, divine imposture !

À tes veines de feu,

J’ai nourri la misère

Et parer les armures 

De cent millions d’envieux.

J’ai fourni des molaires

Et… peignés de dorures…

Des mausolées odieux.

 

Minerai solaire !

Ô, divine imposture !

J’en avais fait le vœu ;

D’arracher de ces terres

Ta sublime texture

Et de la rendre au feu ;

Au magma des affaires ;

Des hautes forfaitures ;

Au tremblement des cieux.

 

Minerai solaire !

Ô, divine imposture !

Déjà la fin du jeu

Et je ne sais que faire

De ces gros tas d’ordures

Dont j’étais amoureux.

Sinon des tupperwares,

Des conserves d’or pur,

Des bagouzes de mafieux.

 

Minerai solaire !

Ô, divine imposture !

D’avoir prié ton dieu,

Ces hommes sont mis en terre,

Défaits de leur nature.

Et pour le pire d’entre eux,

Ce masque funéraire

Fera augure

Au prétentieux.

 

ÉMISSION

 

Les pierres de colère

Ont crié dans mon dos

Mieux que quiconque

Leur vérité 

 

Le geste a omis

De taire la volonté

Que les pierres ont soufflée

À ma nuque attentive

 

 

LE SENS DE LA VIE

 

Très chère…

De ton poème, je n’ai rien lu

Que les trois premiers mots

Qui m’ont porté vers d’autres cimes

 

Dans une vie intérieure

Qu’il m’est donné de vivre

Et de peupler aussi

D’âmes et décors futiles

Pour dire, dire et redire

Ce que la vraie a d’indicible

 

Le sens de la vie, il est certain

Où qu’il se trouve

Il ressort du Plaisir

Et de ses propres lois

 

 

S/COMMANDANTE

 

Que chanterai-je, aujourd’hui ?

En quelles terres inconnues

Partirai-je, ceint d’espoir et de gloire,

Si d’aventures, je voulais m’enivrer ?

 

Tant d’arides sentiers mènent à l’Homme

Où nul Homme ne doit vivre.

Mais par où disparaitre ?

En quelle forêt bâtir une ville ?

En quelle ville, une forêt ?

De quelle ville morte ferai-je le siège ?

De quelle forêt impénétrable ?

 

Conterai-je les prouesses d’un rude syndicaliste

Travaillant dur à enrichir ses maitres…?

Quelle farce ! Les roboïdes l’ont libéré !

Amen et louons le progrès !

Chanterai-je les louanges de narco-trafiquants

Travaillant, morts, à suçoter les traitres ?

Quelle honte ! Mais louons le pavot.

 

Allouons le pavot !

 

Toutes plantes et toutes racines,

La fleur du chanvre et du houblon

Le seigle noir et le liseron !

Et allouons la vie !

À ces paysans libres, aux piliers de la terre.

En leur parole sans noms et sans visage,

Et en leurs accents simples. 

 

EN D’AUTRES ÂGES…

 

Les horizons s’étirent aux courbes des hamacs…

Bercés de rêves et de présages…

Sur la peau nue des endormies.

Les ombres veillent…

Adossées à la voûte

Et tranchées nettes…

Sur les rumeurs profondes

Qui les rassurent.

 

À leur éveil, le cœur serein,

Le sein paré d’un ocre pur…

La vie leur fait le don

D’une offrande innocente.

 

Mais d’une forêt à l’autre, les courbes ondulent ;

Atteignent des plaines, se plissent ;

Creusent des collines

Et la roche des montagnes.

Là, où les ombres dansent

À la voûte noircie ;

Là où somnolent,

Sous la peau nue d’un animal,

De belles endormies.

 

À leur éveil, le cœur méfiant,

Le sein paré de grands colliers,

Prenant au feu, ses lames d’acier…

Et la vie qui leur est offerte.

 

Enfin, aux courbes qui  se rejoignent…

Sous la voûte des saisons…

Les roues cerclées de mousses

Ont la patience des doux rêveurs ;

Et c’est aux plis des draps froissés

Que sillonnent les ombres

Sur la peau nue des endormies. 

 

À leur éveil, le cœur confiant,

Leur sein paré de mille baisers,

Armées de grains et de sueur,

Prenant la vie et la donnant.

 

À ces belles âmes… ces endormies…

Je fais le souhait de les savoir

À jamais libres et bien-aimées…

 

 

J’ENTENDS DES VOIX…

(Sur un air imaginaire de Léo Ferré)

 

J’entends des voix…

Les voix de celles qui m’appellent…

Comme autrefois…

Ces folles rousses… au regard dur…

Qui me reviennent…

 

J’entends parfois

Parmi toutes celles qui s’entremêlent…

En mon émoi…

Une voix plus douce… presqu’un murmure…

Est-ce la tienne…?

 

Ou le vent froid…

Comme un appel… soufflé par Elle…

À chaque fois…

Par de si douces… traîtres commissures…  

Qu’elle a fait siennes…     

 

J’entends sa voix…

Les cris de celles et les crécelles…

En mon effroi…

Qui la détroussent… de ses parures…

Et se font miennes…  

 

J’attends ta voix…    

Ma dâmoiselle, moi qui t’appelle…

Un vent de joie…

Ta folie douce… sur mes blessures…

Et sur ma peine…

   

Mais, tu es là…!

Ma belle… et auprès d’Elle…

Elle, sans pourvoi…

Et toi, si douce… Ô, ma fêlure…

Je te fais… Reine…!

      

 

AGONIE

 

Elle est si lente, cette agonie…

Mille années ne suffiront pas…!

Monstre mort-né, de la fange, fécondé sans amour ;

Enfanté par les vils et aussitôt pourrissant.

Tu aurais dû par nature, tel un ange, périr en un jour,

Mais tu as, de ta longe, évité l’affrontement.

 

Elle est si lente, ton agonie…

Sous le fard des apparats…!  

Tu as su, momifié par eux, repousser l’échéance…

Mais c’est aux terres violées, au sang des innocents

Que tu t’abreuves, insidieux, aux fontaines de jouvence

Et qu’ainsi… généreuse… ta nécrose se répand. 

 

Elle est terrible, cette agonie…

Comme un hiver qui n’en finit pas…

Que l’on fuit, que l’on maudit, que l’on condamne.

Tels… maladie, déluge, ravage, à l’envie renouvelés ;

Ou pandémie ! Qui font bien rire ceux que l’on damne

Et auxquels nul, ni même les sages, ne veut échapper.

 

Elle est infâme, ton agonie…

Elle nous suffoque, pas à pas…

De cendres et de poussières que ta carne offre au Temps.

D’embruns chimiques qui figent tes arcs-en-ciel

Aux masques parfumés de tous ces pauvres gens 

D’où tu peux, sans compter, déverser tout ton fiel.

 

Elle nous dégoûte, ton agonie…

Et tes trésors qui n’en sont pas…

Vif à corrompre… ! Tu le connais pour l’avoir fait.

De tes milliers d’organes, tu lui prodigues tant de caresses.

Il s’y enlace, s’y abandonne et puis se tait ;

Et voit comment tu tiendras tes promesses. 

 

Elle est maudite, ton agonie…

Et ton rêve n’existe pas !  

Toi, tu le sais, mais pas celui qui s’y endort ;

Oubliant jusqu’à ta puanteur… que pourtant

Il inspire à plein nez… et oubliant la Mort ;

S’enivrant à sa coupe et bientôt l’embrassant.

 

Elle s’éternise, cette agonie…

Dans un grand désarroi…

Qui prie encore à ton chevet ? Sinon quelques soldats !

Nourris de tes chimères et de bonnes manières.

Laissant faire aux machines tes travaux de forçats,

De plus amples rapines, de plus vastes cimetières.     

 

Elle sera cruelle, ton agonie…

Quand plus un ne sera là…

Que tous auront, d’instinct, repris la clef des champs ;    

De l’inéluctable destin, auront admis l’errance…

Et n’auront de ton souvenir… pas le moindre chant…

Que le dernier soupir de ta lente déchéance…   

 

 

PRESTIGE

 

Mais qui, en sa nature, fait le vœu d’allégeance ?

Nul animal…!

Sinon par la contrainte, sinon par la passion

Tous les craintifs, les fous d’amour

 

De la vie même…  

Nul homme n’en est esclave…!

Ni même de son malheur…

Sinon par son état, sinon par sa stature

 

À son destin…

Nul homme n’est enchainé…!

Ni même aux rêves qu’il a faits…

Sinon par le mensonge, sinon par ses amours

 

Dans sa croyance…

Nul homme n’est enfermé

Sinon par lassitude, sinon par habitude

Même s’il veut nier la Vérité

 

Et de sa liberté…

Nul homme n’est démuni

Dépouillé, dépossédé, peut-être…

Mais par son inaction, de par ses dépendances

 

Alors pourquoi

Autant de ces hommes libres

Haussent au prestige leurs propres tortionnaires ?

Car ces derniers…

Ont-ils inventé le bonheur ?

Ont-ils livré bataille ?

Pour sauver une famille, pour protéger les tiens ?

Ont-ils seulement, une fois, pensé à toi ?

 

Ta prison est à ciel-ouvert

Regarde au loin

Et là, par devant toi…

Les terres à rendre vierges… 

 

 

INGÉNIERIES

(Sur l’air d’une comptine imaginaire)

 

Un jour par an, tu auras beau temps

Une fois par mois, une tranche de foie

Tous les samedis, tu auras de la pluie

Jusqu’au dimanche… tu en as de la chance  

 

Un jour sur deux, il y aura le feu

Et des pompiers pour le rallumer 

Les jours de fêtes, il y aura tempête

Ou canicule… Sens-tu qu’on t’en…? 

 

Toutes les semaines, ils fixeront ta peine

Car trop oisif, tu n’es pas positif

Et si demain, tu veux un bout de pain

Sans ton bonus, il sera tout minus

 

Dix fois par an, à tout nouveau variant

Tombé à terre, tu cracheras tes glaires    

Et si du ciel, tu n’en vois pas le fiel

Alors ton sort te condamne à la mort   

 

Dès six mois, tu sentiras l’effroi

Des lois scélérates qui font les démocrates

Les survivants… et bientôt, les suivants…

De la Raie-publique, nous dirons : « On La nique…! »

 

Mais il sera trop tard et tu auras ta part

De petits malheurs avant que tu en meures

Dorénavant, tu dois être un patient

De pouvoir choisir… un jour pour mourir

 

 

 

 

 

 MARTYRE

(Aux victimes des décrets assassins)

 

Sainte Mère…! Mère de Jésus et d’Andréas !

Tu as péché par Innocence…!

Tu leur as tout donné

Deux fils et la moitié d’une vie

Et de l’octroi de tous tes droits

Eux, ne t’ont rien laissé

Ni de ta belle confiance

Ni de ta grande liberté

  

Sainte Mère…! Patronne des insouciants !

Du sort que l’on t’a réservé

Tu es sortie riante

Et tu as ri

Autant que tu le pouvais

De cette bonne blague

Qu’ils t’avaient faite

Et de ton indolence

 

Sainte Mère…! Martyre des insoumis !

De nos souffrances à venir

Tu es la preuve

La cicatrice !

Tu es celle que l’on perd

Sans l’avoir aperçue

La présence que l’on regrette

Et à la table de ton chevet

L’icône jaunie que nous prions

 

Sainte Mère…! Mère des révoltes !

De ton péché, nous sommes le repentir…!

 

 

 

 

 

 

LA FIN DU MONDE ET DE L’IMMONDE

 

Lors…!

De ses entrailles

Plus rien ne sort  

Ni de ses sources 

Un bel amour

Ni de ses cendres

Une âme tendre

Et à ses flancs

Atrocement opérés

De ses entailles si profondes

Ni des tranchées

Un affamé

Ni des ornières

Un cavalier

Rien

Plus rien ne sort 

Ni même du feu des météores

Aucun effort

 

 

 

LA DESCENTE AUX ENFERS

 

Les insultes… avant les coups !

D’abord… dans la voix des Morts

Puis d’un même élan

Dans le vif du sujet

Sans tarder… au plus près !

Et avec la rigueur qui s’impose

Ce n’est pas une menace

C’est la vérité !

Les petites mains seront tranchées

Les mauvais coups… comme les bons coups

Seront coupés

Net !

Pas de quartier !

Bien mal châtié… ou à moitié

Pas de pitié !

 

Le crime a commis la sentence !

Cette loi du Talon

Que nous dictent les Morts

Et ce jugement qu’ils invoquent

Ce défilé de colères…

Ravageur !

Et vengeur !

Tous ces coups !

De toutes parts

Et donnés de bon cœur 

 

Il n’y aura pas de repentance !

Chaque Mort prendra la parole

Et de nous… fort bien assisté

Prendra part au massacre

Comme avec ce condamné…

Atterré…

Qui attend… 

Ses grands airs effarés

Au milieu des regards

Plantés dans le sien…

 

Croit-il soudain en Dieu ?

Le priant d’apparaitre

Mais retenant le mot

Par lui-même, piétiné.

Il l’aura entièrement ravalée

Son arrogance

Il l’aura chiée et pissée

Comme sa belle élégance…

C’était sa grande fierté

Ne pas verser de larmes

                                                                                   

Mais les Morts ne se contentent pas de pleurs

Ils veulent le voir verser son sang

Le voir jaillir de ses yeux

De tous ses pores

De toute son âme

D’entre ses crocs

Comme son rire d’infamie

À leur face

Et le voir sourdre en rigoles

À nos poings

Sur le cuir de nos bottes

 

(Silence de mort)

 

Ma vision de l’Enfer est contée par les Morts

Elle est leur monument

Mais la liste est trop longue

Pour qu’un seul soit nommé

Alors… marteau au poing

Et pic à cet autre…

J’y grave le sort des criminels

Des systèmes infaillibles

De leurs commis

Et de leurs alchimistes

 

      

 

 

 

ÉTÉ INDIEN

 

Ô…! Ce douze Octobre…!

Il sera doux et sobre ;

Et le sera encore...

Gris d’une nuit de crachins

Mâtinée d’airin…

À revêtir nos corps.

 

Comme il s’est fait aimable

Et impalpable

Des narcoses mêlées

Aux excès de la veille ;

De ce profond sommeil,

En nos corps éreintés.

 

Troquant… Une obole…!

Aux bises frivoles,

Les alizés d’un soir ;

Il a sur nous posé

Les étouffants drapés    

De son suaire noir.

 

Et si l’éveil tardif

Des nerfs mis-à-vif

A traits passés au tamis

Des chairs mystifiées,

Des âmes dénuées ;

C’est un curieux Jeudi.

 

Qui jette l’opprobre

Sur ce doux Octobre ?

Il tombe à point nommé !

En tout point pertinent

S’il faut battre le temps

Et le mettre à nos pieds !

 

Est-ce un jeu, dis ?

En ce cas, il finit !

Et nous serons bien aise

De rester couchés

Car demain, jour férié,

Est un Vendredi 13.

 

LA BÊTE CHERCHEUSE

 

La bête chercheuse…? Mais qu’elle me trouve…!

De sous mon increvable muraille …! Insondable… !

Si je l’entends, je me glacerai de toutes manières…!

Je cristalliserai…!

Au creux d’un arbre muet ou sous la pierre.

Je lancerai des ombres…!

J’improviserai un feu-follet ; une danse entre deux vents.

 

J’ai les miennes, de jambes de bois ;

Et plus hautaines que ses échasses.

La planque est sûre et d’autres s’y cachent

Dont  je suis la bête chercheuse.

Je comprends qu’ils aient peur car, moi aussi, je suis libre.

Au sens animal…!

Libre de penser…

À l’Essentiel…

… à bouffer, à boire, à forniquer et à rêver…!

Libéré des prières et des légendes. Libéré de savoir…!

De l’espoir…! De la Liberté…!

De l’Égalité et de la Fraternité…!

Qu’en ont à faire les solitaires…!

Et des temps futurs que je déteste…! Car je connais l’avenir…

Pour en être le prisonnier…!

 

Je vous tourne le dos…! Puisque d’autres avant moi,

Vous ont fait face et que ce face-à face dure encore.

Avec moi, il s’efface… !

Je m’efface… !

J’appuie ma face au Soleil et contre la Terre ;

Et je compte sur eux pour m’en satisfaire…!

Pour ôter les nécroses que la Mort a injectées à ma face

Et pour faire cailler mon sang noir…!

Que j’en boive le petit lait…!

Que je lave ma face…!

 

  

TERA

 

Sous le ciel gris du Grand-Paris, le bleu de Russie est maudit.

Par tous les temps, par tous les vents, il vole et il mendie.

Chassé des beaux quartiers, exclu des hautes sphères,

Il erre à pas feutrés en des lieux moins amers.

 

S’il s’en va faire l’aumône, il ne tend pas la main ;

Il chante d’une voix atone, il fait sa tête de chien ;

Et aux barreaux d’acier, fait tinter sa gamelle…

Qu’il a tantôt vidée… quand passe les demoiselles.

 

Sa maigreur fait pitié. Il en joue et de ses douze enfants.

Comme de sa grosseur à la joue qui le rend indigent.

Elles détournent leur regard, lui prédisant un mauvais sort, 

Et oublient vite l’œil hagard qui leur a parlé de la Mort.

    

Rue de la défonce…! C’est là qu’il vit, c’est là qu’il crève !

Sous un bosquet de ronces et sur une vie de rêve ;    

Laissant femmes et enfants à la merci du monde,

De leurs nouveaux amants, de la bête féconde.

 

Des tarots, parfois, il en sort une figure.

Celle du chat à sept vies fut de très bon augure.

Le hasard de celle-ci lui aura porté chance

En menant jusqu’à lui celle dont il eut l’audience.

 

De son râle obstiné et de son air famélique,

Elle en prit la dureté en son âme angélique

Et sur la plaie écœurante, déposa un baiser

Comme le ferait l’amante au chevet du guerrier.

 

Prodiguant mille soins pour inhiber le mal,

Pour effacer les points d’une chirurgie bancale,

De renommés experts sont venus l’opérer,

Faisant d’une paire, la trilogie du condamné.

 

Ô, réfugié... sauvé des zones clandestines.

Prends tes quartiers ! Que cessent les luttes intestines !

Deviens vampire ! Bois le sang neuf dont ils regorgent !

En ton empire ! À toi, maintenant, d’aller trancher des gorges.

 

Bénis cette bonne âme, pas moins que celle du Sé-Tchouan,

Cette belle dame et le bon cœur qui en émane … 

Et cette autre entité… Sachant ta destinée,

C’est de t’avoir sauvé qui les fera pleurer.

                                                           

 

ÉTAT DE GUERRE

 

Fallait-il cuire les chairs humaines…? Bien les assaisonner…? Faire des pâtés en croûte…? Les faire au bourre-couillon ou les passer au four…? Les bons élevages font les bonnes chairs, nous disait Machiavel…! Et pour s’en régaler, il faut du premier choix…! Élevé aux grains des haines et de la peur. Parqué au centre d’un cauchemar. Et suivant… tous… le train arrière du précédent. De fortes bêtes, labellisées «sans scrupules». Et sincères. Forcément sincères…! Très en confiance. Sinon, bêtes aux commandes…! Machines de fer… ! Il en faut de ceux-là, aussi…! Chacun, sa spécialité…! La marinade, le cervelas, le faisandé, le gratiné, la viande hachée, la viande grillée, le boudin noir, le boudin blanc… au barbecue-volant ou sous les braises…! Ah, ça défile…! Ça court sur ses p’tites pattes…! Ça file tout droit, tout fier, au dépeçoir…! Ça veut montrer ses chairs…! Bien roses et bien sanglantes ; et qui valent plus chères, mortes que vivantes ! Toute gloire est bonne à prendre…! se dit toujours un condamné.

De par les mondes parallèles, les illusions du matin et du soir, les contes et légendes, les partitions signées au débotté, de par les grandes vérités ; il s’établit des sentiments dans le cœur des enfants qui s’en iront singeant les gestes rituels de l’homme désirant tuer son prochain. Espérant finir écorchés vifs et cloués à la croix… et au croissant de lune en empaler… ! Le plus possible…! Pour la prime au cadavre…! Pour libérer leur âme des tourments de la haine et leur corps des frissons de la peur, auxquelles ils croient. Car ils sont nés pour croire…! Et c’est un droit de croire…! Quelle ironie ! Un droit bien utile. Qu’il faut interdire, bien sûr. Il vaut mieux être sûr… ou prétendre au moins à la Vérité…! Car nés pour croire veut dire nés pour servir, nés pour mourir…! Nés pour renaitre indéfiniment, clonés par l’irréalité de la vie. Nés pour donner corps à l’Irréel…!            

Il faut parfois user d’un grand sadisme pour emballer les foules. La foule des âmes soumises. La foule des croyants. Il faut leur donner, non pas des ennemis qu’ils ont déjà en quantité dans leurs cauchemars, mais des prétextes. Un bon prétexte, ça libère les rancœurs… ça déploie les haines…! Quel que soit l’ennemi…! Et ça réveille les profonds désirs de Mort, de Guerre, de Défoulement, de Châtiments…! Peu importe la Vérité…! Il suffit de croire pour s’en donner à cœur joie…! Ceux qui se lèvent… comme un seul homme… ceux-là iront grossir la foule. La foule des condamnés. Des bourreaux condamnés…! Car il s’agit à nouveau de s’entretuer. Dans la foulée des attentats. De retourner dans le Réel. Oubliés… les prétextes…! Ne reste que l’irréalité de la Haine pour créer le Réel.  

La Haine est toute puissante…! Elle est le cœur de l’ouvrage…! Le cœur de l’action…! Sans Elle, rien ne se fait…! Aucune monnaie n’a ce pouvoir. Aucun Idéal, si tant est qu’il en reste, n’est aussi arrangeant...! Ah, Elle est vile…! Elle n’a rien d’une noble vengeance qui dévore le cœur. Elle imprègne toute la vie, les tissus, les chairs, jusqu’aux nerfs qu’Elle commande. Elle est fausse…! Mais la Peur qui la fait naitre, elle, est bien réelle. C’est la Peur des fantômes, des déterrés, du diable et de ses démons, de la nuit noire. Celle qui étreint les enfants au milieu de la nuit. Celle qu’il faut entretenir…! Que les simples d’esprits… pauvres innocents… prennent toujours au sérieux. D’autant plus sérieusement qu’elle s’inscrit dorénavant dans le Réel… ou l’IreRéelle… par des chocs frontaux aux relents primitifs, par des clichés vérifiés, par des ennemis fabriqués qui les provoquent dans la réalité. L’Irréel n’en est que plus réel.

D’une Haine à l’Autre…! Toutes deux, irréelles, puisque fabriquées par des hommes…! L’homme y travaille depuis quarante siècles… au moins… à fabriquer de la Haine…!  Sans Elle, pas de conquêtes… ou si peu… pas de rafles ni d’émeutes.  Pas de Guerre…! Pas de Massacre…! Tu parles qu’il les a peaufinées, ses stratégies…!  Dernière trouvaille : le choc des cultures…! Improbable… mais qui donne des résultats. (L’Idéal n’étant qu’un prétexte, une façade qui ne trompe que ses militants). La haine du premier vers le second donne son inverse. La Haine nait de la Haine…! L’Irréel nait de l’Irréel…!  Et moins par moins font plus… c’est mathématique…! D’une simple pression. Un léger déclic et la vue du sang révèle le Réel…!

Le Réel, ce sont la balle éjectée du canon et le trou dans la peau… inéluctables…! Ce sont les cadavres, les fuyards et les profits…! Le Réel, ce sont la Mort et la fuite vers le monde irréel…! Le Réel, c’est l’instant, à la fois créé par l’Irréel et qui mène à l’Irréel. L’instant du geste. Un dixième de seconde de Réel dans une éternité d’Irréel. Car l’homme qui appuie sur la gâchette, lui, est toujours et à jamais dans l’Irréel. Dans l’irréalité de ses croyances, de ses appartenances, de ses peurs et de ses valeurs. Qu’il a toutes apprises par cœur sans jamais en évaluer la véracité, l’authenticité, et encore moins, la source. Qu’est-ce qu’il attend…? D’en crever ou d’en faire crever les autres…? Tout destiné qu’il est à finir ainsi…! De père en fils…! À faire durer la Grande Illusion. L’hallucination permanente. L’horrible vision de l’Irréel.

    

ENCHÈRES

 

Voyant mes amis

Qui peignaient de belles choses

Sur des toiles en cartons ;

Il m’a pris cette envie…

De peigner…!

Alors, j’ai peigné…!

De ces rives dorées

Dont je m’enivrais

D’un vin frais sous l’eau claire.

Aux racines du pêcher,

Allongé dans son ombre.

Et candide…!

 

Je l’ai peignée, ta chevelure…

Avec moins de passion

Que de boire et manger

Sur le chant des guitares

Où tu venais danser…

De fins traits noirs

Et rougie au henné.

Cœur de braise

Que j’avais dans la main

Et ton corps qui s’enflamme.

 

Quelles belles peignures…!

Si je n’avais cette façon

Et cette signature

Ou si celle d’un ami,

Bon peigneur,

D’un aussi grand renom,

Les avaient paraphées.

Elles seraient moins moquées

Et peut-être au Musée.

Adjugées aux enchères !

 

 

 

A-A

 

Combien sont-ils à mériter fortune

Une place au Panthéon

Et s’il en faut, un peu de gloire

Plus d’un million

Peut-être dix, peut-être cent 

De ces petits noms sans histoire

 

 

Foi de marchand

Tant de beautés tuent le marché

Ce sont des jouets

Et des dessins d’enfants

Ce n’est bon, ni pour les faussaires

Ni pour les millionnaires

 

 

 

 

REGAIN

 

C’est cul-par-dessus-tête

Des bords sécurisés

D’où il se rêve

Qu’il se jette

 

Aux fibres du même arbre

Il s’en va riche

Et mal-torché

Vers un baiser de marbre    

 

Nulle part, il n’a posé la main

Et sur nulle terre

Ni même épaule

N’a encré son destin

 

Il va, il vient, et à défaut

Il tue le temps

Ce qu’il nous reste du regain

Avant d’atteindre l’échafaud

 

_

 

Il se vend des idées sur les marchés de l’illusion. De fourbes secrets, émis en vérité, sous l’œil serein de l’institut des songes et des mensonges.  

_

 

La poudre d’or est poudre aux yeux ; et qui l’inspire, inspire la Mort.   

  _

   

Les seules monnaies qui vaillent sont la sueur et la persévérance. La seule valeur à leur donner est le temps de travail.   

_

 

Le Pouvoir est l’incarnation de la Mort.

                                                     _

 

Les hommes ont toujours su transformer le moindre de leurs outils en arme mortelle. L’argent (outil le plus commun et utile à tous) s’est avéré être le plus fatal.

_

Les hommes s’abreuvent sans soif aux sources intarissables.

 _

Dissimuler un mensonge, c’est en faire une vérité.

_

On pleure la mort des autres, mais jamais la sienne…

_

Lune…! Miracle du prophète qui recrée le vide à sa convenance.

_

Le jeu des guerres, comme le jeu d’échecs, se résume à peu de choses : ce sont les blancs qui commencent…!

_

Ce que je cache et garde en grand secret, sot que tu es, tu me l’arraches et le crois vrai...!

_

Du singe à l'homme, il y a les drogues...!

_


L’EMPOISONNEUSE

 

Salade de betteraves !

Matin, midi et soir !

C’est bon pour le transit 

Souviens-t-en, ma fille !

Le jus d’betteraves, c’est bien joli !

T’y vois qu’du feu !

C’est ti pas bon, hein ?

Bien relevé, comme ça !

Ail et persil !

Poivre et sel !

Un peu de céleri

Et du sucre…

Pour faire passer l’amertume !

 

Doucement, ma fille !

Une cuillère à café… mais rase !

Faut faire durer le plaisir !

 

Ah, ah, ah… ! Pas trop, quand même !

 

Patience, ma fille ! Patience !

_

 

 

LE TROISIÈME ŒIL

 

Faut-il qu’à notre front un grand éclair perce la nuit

Pour qu’en notre âme les cœurs se mettent à nue

Clarté soudaine et se dévoilent sans pudeur

 

L’œil au milieu a perdu la mémoire

Il fixe un point lointain à la raison

Sous le sceau d’un secret bien gardé

 

L’Ellipse sourit à celui qui la trouve

Et lui parle tout bas à l’oreille

De la grande vérité qu’elle retient  

 _

  

SYSTÈME

 

Nos ennemis sont bons amis et ils s’entendent

Sur mille et un sujets chacune de nos nuits

Et en ce vain espoir emprunté aux légendes

Que l’on se raconte à soi-même par dépit

 

Les regards fous ne le voient pas ni se demandent

Où nait et meurt le lent canal de leur ennui  

Des rives duquel rêveurs ils se prétendent

En leur prénom en se lançant de grands défis

 

Ces vies brisées faut-il qu’ils s’en défendent

Ne pouvant plus comprendre ce qui les désunit

Et tous ces renoncements faut-il qu’ils en dépendent

Ne pouvant plus apprendre ce qui les définit

 

Ils sont heureux de n’avoir rien car ils quémandent

Leur part de vie sans coup férir sans avanies

Et pour s’en prémunir se donnent en offrande

Au sacrifice de toutes les vérités ô félonie

 

Le monde est ainsi fait pour qu’ils se vendent

Maillons des chaines qui les fournissent quelle ironie

Le monde est ainsi fait pour qu’ils s’y pendent

À sa mainmise nouant des liens à l’infini

 

Qu’ils soient honnis ou qu’ils se rendent

Car s’ils pensaient nous mettre à sa merci

Sans verser de leur sang la grosse amende

Ils savent désormais qu’ils sont nos ennemis

 

 

ORAISON

 

Où puisais-tu la force, mon âme ?

 

Mais d’être bien aimée

Si justement !

De nos douze bras

Et des rires dans nos cœurs !

De ces trois vies

Tirées du même bonheur ;

De ce bonheur

Tiré de ces trois vies !

Et de ce fier amour

Qui a guidé nos pas,

A ouvert bien des bals

Mais sans jamais se perdre !

 

Alors, pourquoi es-tu partie, mon âme ?

Quand pourtant rien n’avait cessé ;

Que l’avenir se jardinait

Et notre amour était en fleurs !

 

Mais justement ! Et c’est ainsi

Qu’en mon âme, il survit !

J’entends vos pleurs !

Les plaintes aimantes

De ceux que j’abandonne ;

À qui je transmets ma douleur !

Pleurez…! Moi, je souris !

Car vos larmes,

D’une grande douceur,

Caressent mon âme

Et réchauffent mon cœur !

_

 

DES DIAFOIRUS

 

Je n’aime pas cette façon

Que les gens ont de mourir

En ce début de siècle

En ce début d’année

Juste après la Noël

Ou pile au jour de l’an

Si brusquement sur leur palier

Dans un ultime désagrément

 

Je n’aime pas cette raison

Que les gens ont de choisir

Entre une mort certaine

Et d’illusoires guérisons

Ou au moindre symptôme

D’avaler des poisons

S’y croyant obligés

Par d’immuables protocoles

 

Je n’aime pas cette passion

Que les gens ont pour leur bourreau

Dont ils honorent le métier

Et tout le savoir-faire

(Comme de gaver une oie

Pour en extraire le foie)

Au fil de son couperet

Et de ses belles prières

  

Je n’aime pas cette illusion

Que les gens ont pour seul espoir

D’échapper à la Mort

En allant au marché

Comme s’ils allaient trouver

Aux étals de l’Enfer

La chimie de la Vie

Et d’une Renaissance   

 

Je n’aime pas cette relation

Que les gens ont avec la Mort

La Mort… dessaisie de ses droits

Dont les marchands ont acquis les actions

Vendues aux niais comme repoussoirs

Pour sûr…! C’est un marché de dupes

Et rendez-vous est déjà pris

 

 

LA CHAMBRE DES PLEURS

 

Elle ne désemplit pas cette petite chambre

Tout le monde s’y presse pour espérer te voir

Poser une caresse

Une main sur ton front

Ou encore un baiser

Il reste si peu de place une fois dedans

Que pour en simplifier l’accès

Ton lit a été placé au milieu

On y défile à ta droite

En effleurant les draps

Puis à ta gauche

En pleurant de grosses larmes

J’y ai vu le Maire un mouchoir à la main

Et sa fidèle épouse dont il séchait les pleurs

De vieux amis et de jeunes inconnus

Que j’ai salués de ta part

Tes frères et sœurs et les cousins

D’âme et de sang nous ont rejoints

On a ramené des chaises

Tous les zicos et notre ancien dealer

Quelques fantômes en habit et casqués

Et d’autres en djellaba

Eux aussi sont passés

Déposer des souvenirs

Et quelques ustensiles

Des amis de longue date

Sont venus de très loin

De tous les coins du monde

Où nous nous sommes aimés

Quelqu’un quelqu’une

Pour se faire pardonner

Sont venus s’excuser

Mais je ne sais plus pourquoi

Jean aussi est venu je l’ai vu se signer

Mettre un genou à terre pour t’offrir sa prière 

Quelques notables étaient là

Que l’on a détestés

Ils t’auraient amusée de les voir se croiser

Partageant leur peine d’un salut affligé

Mais tout-à-fait sincère

Tout le monde attendait gobelet à la main

Qu’à l’heure dite il se passe quelque chose 

On a lu des poèmes et fait ton oraison

Puis a sonné le carillon

Qui a entonné ta chanson

Tous t’ont rendu hommage

Et en ce douloureux trajet

Ont fait cortège à ma peine

Ils ont jeté pour moi une poignée de terre

M’ont donné comme il est d’usage

Contre le chagrin une poignée de main

Un baiser sur la joue et une longue étreinte

Je voulais rester là m’endormir à demeure

Au cœur même de ton cœur

T’enlacer mon amour m’oublier dans le froid

D’autres bras m’ont porté que les tiens

Et serré d’une même force contre toi

Dans le lit m’ont couché toujours auprès de toi

M’ont laissé toi et moi dans la chambre des pleurs

Où je pleure du bonheur de t’avoir avec moi

_

 

 CONTAGION

 

Au milieu de la nuit 

Rêvant de ton étreinte

Ton rire m’a surpris

A emporté mes craintes

 

Il sonnait comme l’éclair

Électrique et vibrant

Et traversait les airs

En égrenant son chant 

 

Là d’un oiseau moqueur

Qui s’accordait au mien

Et là repris en chœur

Par ta meute de chiens                           

 

Le quartier s’en faisait l’écho

Et par-delà la ville

Il raisonnait bientôt

De notre tendre idylle

 

Il parlait de bonheur

En ouvrant le chemin

Se donnait de bon cœur

À qui offrait le sien

 

Il était contagion

Invisible et viral

Et si plein d’affection

Qu’il ne pouvait faire de mal

  

Je l’espère à l’instant

Et je sais qu’il viendra

Égayer de son chant

Mes souvenirs de toi

_

 

ÉLOGE DE LA VÉRITÉ

 

Autrefois revêtue d’oripeaux monstrueux

Nul ne pouvant plus la regarder dans les yeux

Elle en fut dépouillée et ainsi mise à nue

Reprit de cet éclat que l’on croyait perdu

 

Se montrait-elle vraiment telle qu’elle était

Permettez d’en douter car nul ne la connait

Aussi bien que celui qui la fait qui l’écrit

Aussi mal que celui qui l’entend et la crie

 

Ce que je cache et garde en grand secret

Sot que tu es tu me l’arraches et le crois vrai

Imagine-la autant qu’elle peut l’être

Tu la trouveras sans jamais la connaitre

 _

 

 

AU DIXIÈME PRÈS

 

Moi je m’en fous de leur passion

Mais leurs mots sont sincères

Et pleins de cette passion  

Le ton est moins austère

 

Ce qu’ils se disent entre eux

Moi je ne l’entends guère

Quand je les vois heureux

Insouciants et si fiers 

 

Qu’ils s’offrent ou qu’ils se vendent

Ils ne sont pas en guerre

L’ennemi dont ils dépendent

Ne les laisse pas faire

 

Au dixième près et dans l’effort

Ils sont tous un peu frères

Et ne courent pas pour l’or

Que tous les autres espèrent

_

Si c’est un jeu, sois-en le maitre !

S’il faut faire feu, abats le maitre !

_

Laisse mourir la vague, elle ne t’emportera pas !

_

 

ANATHÈME

 

Un pochoir sur les murs qui bornait de sa haine

Le chemin parcouru ce fameux raccourci

Que l’on prend par piété et qu’il faut faire à pied  

Me disait de tuer innommable inconnu

Un coupable à en croire l’anathème

 

Il l’était sans pourvoi de porter un tel nom

D’être laid d’être bête et méchant et surtout

De figurer la haine à donner en pâture

C’était là son métier il devait le payer

Et se voir placardé sur les murs des cités

   

Les temps ont bien changé d’avoir voulu cela

Le démultiplier pour se donner raison

Et pour le rendre odieux aux fous aux excités

Le décréter en sécréter toute la bile

Pour que le monde tourne de même façon

_

 

 Je m’ennuie, l’après-midi…

(À la manière de Sacha Guitry)

 

Ils sont un peu frustrants les jeux de société

On peut certes amasser des gains, toucher au but

Se laisser prendre au jeu et gagner la partie

Mais le pion est de bois et le soldat de plomb

 

Il est plus excitant d’user de sa raison

Que de lancer les dés en priant le hasard

D’user de ses charmes et de chair à canons

Que de tirer des traits dans un petit carnet

 

C’est d’autant plus plaisant si l’on aime tricher

Et duper son prochain pour rire à ses dépens

Les fous, les niais, les rien-du-tout, ils sont partout

Comble du pire, ils apprécient ma société

 

Le plus surprenant est qu’ils se mettent en marche

Quand vient mon tour de jouer et que j’invente

Une règle d’or et un fumeux prétexte

À s’en aller périr sous mon autorité

 

Les faire ainsi se lever comme un seul homme

Au seul son de ma voix, le voilà mon exploit

Et la voilà ma gloire, mon plaisir du soir

Quand je compte les morts que j’ai pris à César

 

Il me plait ce jeu de rôle, d’être méchant

En ces habits, en ce château, et de ma cour

Jouer à faire peur aux oiseaux migrateurs

Pour qu’ils apprennent et au plus vite à s’orienter

 

La partie s’éternise… est remise à demain

J’y reviens faire un point et de nouvelles dettes

Réciter mon laïus, les comptabiliser

Et trinquer à grands cris à de plus grandes pertes      

 

N’ai-je pas, là, simulé la folie du tyran

Aussi bien que les vrais dont il est fait mémoire

Je mérite un oscar pour sévices rendus

Et je garde l’espoir d’un jour le recevoir

 _

 

 

 

COMMANDEMENTS

 

(1)

Pour chacune de vos lois, il manquera toujours

Pour seuls témoins, le juge et le bourreau

Ceux qui le savent, vivent et travaillent sans contraintes

Et n’ont à craindre que de leurs actes une infamie  

  

(2)

De chaque entrave qui nous dispense d’un dur labeur

Nous lâcherons le lien pour en trouver la source

De chaque péage, nous détruirons les ponts

Les routes et tous les collecteurs

 

(3)

Aux monnaies anonymes, nous donnerons une identité

Une juste valeur, celle que l’on donne aux heures

Et au prix à payer pour de si bonnes choses

Une valeur ajoutée… celle de notre sueur

  

(4)

_

 

 

 

 

REVUE DE PRESSE

 

L’Armée recrute…

C’est un sujet aux mille facettes

Mais essentiel

Il faut le dire

C’est une ellipse

C’est un vide à remplir

Sur des sentences incomplètes

À chaque saison

Une poignée de polichinelles

Premiers et seconds rôles

Et mille figurants

C’est une intrigue universelle

C’est un égorgement

En caméra cachée

À même la rue

Théâtre des bouleversements

Des marches blanches

Des grands rassemblements

Et des hommages au garde-à-vous

C’est de bonne guerre

D’user de cet art

Et du sang de cochon

De tous ces beaux témoins

Mis à contribution

Nul ne viendra se plaindre

D’avoir perdu son âme

Un ami, un parent

À moins d’avoir signé

Un contrat pour le dire

Et pour le faire savoir

_

 

DÉLUGE

 

Nulle étoile ni de lune

Je suis seul dans la nuit

Pour veiller au crachin

Aux reflets sur les toits

D’une fenêtre éclairée

Au chagrin qu’elle m’a fait

    


MR KELLER

 

Tu m’avais dit de m’en souvenir

De ce vieil homme au coupé rouge

Ce vieux dandy, de sa démence  

Et des routes empruntées

Dans son veuvage impénitent

 

Je m’en voudrais de ne rien en dire

De ce fait indécent, ni du geste accomplie

De cette grande bouffée de liberté   

Que nul n’a voulu condamner

C’est sans regrets

Auto-stoppeuses et tamponneuses

Qu’il vous invite à voir sa bite

Chambres d’hôtel, services compris

Qu’il a jeté tous ses habits

Sur la promesse d’une nuit d’été



RAISON D’ÉTAT

 

Il y a un intérêt supérieur à honnir son ennemi

Le mener à la faute et au geste brutal

Jusqu’à la proie choisie pour lui

Par ces immondes rabatteurs

 

À les mettre tous deux

Sur la place publique

Les donner en pâture

À la une du matin

À la une du soir

 

Exposer la dépouille

Innocente et fragile

Aux regards accablés  

De la foule aux aguets

Saisie d’effroi

Et brandissant la haine

Détenue dans ses poings

 

C’est la raison d’état et sa fatalité

Qui prêtent aux monstres

Autant de ce pouvoir

De lever une armée

Pour tuer au berceau

Son futur meurtrier

                                                      _


Said, mon frère…! Tu oublies un détail…!

Son souffle est si puissant

Qu’il brise ce qui résiste…!

Ta vérité ne suffit pas…!

Ton sacrifice est vain…!

À la croisée des chemins,

Des routes et des comptoirs

Ton sort est scellé par le feu…!

Le bélier fou que tu es

Fait vibrer la corde si tendue de la terreur,

Et fondre la foudre sur la plaine…!

Naseaux crachant le sang,

Ta toison d’or et ton œil bleu

Feront pleurer le monde

À l’aune de ta peine…!

À l’aune de ta haine…!

Raconte-nous l’histoire

Secrète et ignorée

De tes hauts murs de pierres,

De tes collines de terres,

De ton champ d’oliviers,

De ton champ de pavots,

De tes fruits indica, 

Du lait chaud des brebis

Et des eaux sous la roche…!

Les siècles ont raison des millénaires…!

Ils ont encore des racines

Qui s’abreuvent à nos rêves,

Aussi longues que les routes

Qui mènent à elles et qu’elles détruisent…!

Patientes et insidieuses, elles se croisent…!

Et s’entrecroisent pour ne pas perdre leur chemin…!

Elles sont les liens vivants qui appellent au retour…!

Deviens poussière… !

Et reviens poussière…!

   

 

 


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